De sky bars en concept stores, de terrasses en boutiques branchées, le cour de Madrid bat au rythme d’une exubérance et d’une créativité des plus envieuses. Découverte d’une cool-attitude très méditerranéenne.

Le champagne coule à flots au sky bar du Me. Ils sont quatre à tendre leur coupe et à regarder la nuit descendre sur Madrid. Au-dessus d’eux, le ciel est vierge de nuage. Ce bleu immaculé céleste renforce l’éclat de la sphère blanche qui, derrière les quatre silhouettes, coiffe l’édifice à l’architecture imposante. De loin, la boule lumineuse est telle une balise pour noctambules avertis. Avocats d’affaires, le quatuor a choisi  » the  » place to be pour fêter leur dernière réussite. Le Me est l’hôtel dont tout le monde parle en ville. Tout Madrilène qui se respecte se doit d’aller y siroter un verre en contemplant la vue magnifique sur la Plaza de Santa Ana. La jeunesse dorée – ceux que l’on appelle les  » pijos  » – a pris l’habitude de s’y retrouver. Terrasse en bois exotique, serveuses belles à couper le souffle, musiques planantes et larges lits sur lesquels il fait bon s’allonger : le septième étage prend ici des allures de septième ciel. Pas de doute, Madrid a bien apposé son nom sur la shortlist des capitales internationales les plus prestigieuses.

Wilfried Lemerle, un jeune food entrepreneur français, le confirme :  » La ville est en pleine explosion, il n’y a pas un jour sans que s’ouvre un nouveau resto ou une nouvelle boutique. Il y a un véritable appétit pour la nouveauté, c’est Madrid ville ouverte !  » Le jeune Français sait de quoi il parle. Il a arpenté toute l’Espagne avant de se poser au meilleur endroit pour ouvrir Plaisir Gourmet, un concept d’épicerie fine déclinant des produits venus des quatre coins du globe. Le succès est total pour cet endroit parfaitement mis en scène où le take-away prend place dans des frigos aux allures de tableaux baroques. Les Madrilènes craquent littéralement pour la savante sélection opérée, qu’il s’agisse des canettes Sofia, un vin effervescent dédié par Francis Ford Coppola à sa fille, ou du Peppadew, le dernier fruit lancé sur le marché depuis le kiwi. Il insiste :  » Le retard affiché antérieurement par la ville joue aujourd’hui en sa faveur. Comme elle a un certain recul, elle peut faire ce qui existe ailleurs en mieux et en plus beau. Elle affiche ainsi un grand enthousiasme face à la quantité de choses à faire.  »

La vie en terrasse

En homme d’affaires avisé, Wilfried Lemerle a choisi avec soin le quartier de Chueca, l’épicentre hype de la ville. Autrefois infréquentable et peu salubre, ce périmètre urbain est devenu une sorte de Marais madrilène, en référence au quartier gay de Paris. Tel un village préservé au c£ur de la ville, Chueca, dans les années 1980, au moment de la première Movida, possédait une réputation sulfureuse. Peu à peu, la communauté gay a transformé le visage du quartier. Des enseignes mode et des commerces décalés ont vu le jour et drainent un nouveau public. De la Calle de Gravina à la Calle de Fuencarral, le périmètre est devenu rapidement incontournable. La communauté homosexuelle ayant été rejointe par les artistes et les bobos qui désormais profitent aussi de la qualité de vie qu’on y trouve.

Du coup, les jeunes de tout bord s’y pressent pour goûter à la douceur de vivre. Au rythme de la fête permanente et de la vie en terrasse. C’est particulièrement flagrant sur la Plaza de Chueca où les bars s’étendent au soleil. On s’y arrête pour se rafraîchir d’une caña, du nom de ces petits verres de bière très en vogue. Parmi les bars, la Taberna Angel Sierra est un modèle du genre, entre branchitude et authenticité, qui donne le ton de la cool attitude du quartier. On s’accoude au zinc brut pour déguster une racion – une assiette variée – de jamon espagnol. Le regard se perd alors dans la décoration baroque du plafond et parmi les mille et une bouteilles d’alcool composant le cadre.

Les jeunes espagnols viennent ici des quatre coins du pays pour se lancer et espérer emporter les clés d’un succès national. Madrid apparaît ainsi comme un eldorado où tout reste encore abordable, non saturé et offrant un marché potentiel de trois millions d’âmes. Myriam, 29 ans, DJette venue en droite ligne de San Sebastian, fondue de jazz et de néo-soul, a ouvert une micro-boutique dans laquelle elle vend vinyles, livres et DVD.  » Pour moi, c’est une opportunité unique, il n’existe pas un seul endroit comme le mien dans tout Madrid. Le bouche-à-oreille fonctionne parfaitement bien ici, je me suis fait connaître en peu de temps. L’adresse n’est ouverte que depuis 7 mois mais je suis déjà perçue comme une référence « , explique-t-elle.

Côté créateurs de mode, c’est à la Calle Almirante qu’il faut alors se rendre. Cette rue rassemble stylistes espagnols et adresses locales éloignées des griffes internationales. Le plus bel exemple est donné par Anjara, une créatrice venue de Séville qui propose une mode sexy et féminine où ses lignes personnelles sont dictées par une géométrie toute particulière. Rebelle et atypique, elle ne se reconnaît en fait de référence que Coco Chanel. Pour le reste, elle ne souscrit qu’à des lignes personnelles dictées par une géométrie toute particulière.  » A Madrid, les gens sont moins formalistes qu’ailleurs. Ils ont donc moins d’a priori sur la mode. J’ai l’impression qu’une ville comme Barcelone ne m’aurait pas laissé ma chance « , confie humblement celle qui est pourtant aujourd’hui distribuée à Paris comme à New York.

Chueca possède également son Colette local. Isolée propose, dans un espace minimaliste, vêtements, épiceries et articles domestiques, véritable must have pour tous les amateurs de design. La panoplie des marques et des créateurs présentés est sans fausse note : Comme des Garçons, R.e.d. Valentino, Duffer of St. George ou Stella McCartney pour l’international. Juan-Antonio Lopez, Degara, Domingo Atala ou Mireya Ruiz pour l’Espagne. Le tout complété par une gamme d’ouvrages pointus, de CD ou encore de gadgets inattendus façon clés USB en forme de Sainte-Vierge. Rodrigo, le manager, avoue avoir des difficultés à suivre la demande exponentielle de ses clients, avide d’accessoires insolites.

Néo-appétit

Loin de s’en tenir au seul quatier de Chueca, l’appétit de nouveautés des Madrilènes s’exprime à travers toute la ville. Bien sûr, impossible de ne pas évoquer la chaîne Fast Good du fameux Ferran Adrià – un concept de restauration rapide axé sur les produits sains – mais il fait aujourd’hui figure de déjà-vu tant les innovations s’enchaînent. Celles-ci s’expriment tout particulièrement dans le secteur hôtelier devenu en très peu de temps hyperconcurrentiel. Ainsi l’hôtel Urban déclinant déco ethnique océanienne et sky bar intimiste ou encore l’intéressant concept Room Mate trois fois présent dans la ville. Ceux-ci portent trois prénoms différents – Alicia, Laura et Mario – et se présentent comme la supposée demeure de ces trois personnalités imaginaires. Ainsi, Mario, personnage fictif censé travaillé dans le show-biz, a donné son nom à un hôtel high-tech qui offre un espace musical dernier cri à ses hôtes. Alicia, le plus convaincant des trois, est entièrement dévolu à l’art contemporain.

Quartier résolument non conformiste jouxtant Chueca, Malasaña est porté par la même énergie. Dès 20 heures, les bars de la Plaza del Dos de Mayo font le plein… jusqu’à 3 heures du matin. A l’exemple du Ojala, un bar à tapas au sous-sol duquel on paresse – sur de gros coussins – les pieds dans le sable. Cool…

Carnet de voyage en page 84.

Michel Verlinden Photos : Renaud Callebaut

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