Que pouvait-il bien manquer à la mythique Gotham ? Un breuvage prestigieux qui porte son nom et qui prolonge, de sa saveur légère et fruitée, la frénésie de la ville la plus enivrante du monde. Balade au pied des gratte-ciel sur la route des vins new-yorkais.

Un périple à New York ne vous mènera pas directement sur la route des vins new-yorkais. Ici comme partout, les crus du Vieux Continent tiennent le haut du pavé de leur aura prestigieuse, fruit d’une longue tradition de savoir-faire. Depuis quelques années, les vins du nouveau monde û Californie, Chili, Afrique du Sud û séduisent également les palais new-yorkais. Mais si vous êtes doué d’un peu de curiosité, de nez, et surtout si l’amour des bonnes choses vous anime, alors vous avez une chance de vous retrouver au milieu des vignes new-yorkaises, à siroter un merlot, un chardonnay ou un pinot noir du cru. Eh oui, New York a aussi ses  » châteaux « , ses vignobles et ses vignerons. Suivez le guide…

L’Etat de New York est divisé en trois grandes régions viticoles : Long Island, la vallée de l’Hudson et la région des lacs Finger, non loin des chutes du Niagara. N’en déplaise aux Californiens, New York State a longtemps été le premier producteur de vin des Etats-Unis (il est maintenant le deuxième). Bien sûr, la côte nord-est des Etats-Unis ne bénéficie pas du climat exceptionnel de la Napa Valley pour faire pousser un raisin gorgé de soleil et de sucre. Le temps, ici, est plus froid et plus humide, mais il n’empêche que l’on produit des millésimes primés dans les compétitions internationales. Intéressons-nous d’un peu plus près à Long Island, cette bande de terre de 190 kilomètres se jetant dans l’océan, considérée comme la Côte d’Azur new-yorkaise.

Long Island, Bordeaux à New York

Il est difficile de s’imaginer qu’à moins de deux heures de voiture de la trépidante Big Apple, on puisse se retrouver dans une atmosphère digne d’un épisode de la série  » La Petite Maison dans la prairie « , avec ses maisons et ses clochers en lambris blancs. La mer n’est pas loin et les anciens ports baleiniers du xixe siècle ont gardé tout leur charme. A Riverhead, l’île de Long Island se scinde en deux pinces de crabe, la North Fork et la South Fork, deux étendues sablonneuses, cernées par l’Atlantique et la Peconic Bay. Les vignerons de Long Island aiment à signaler que leurs vignes sont situées sur une latitude identique à celle des vignobles bordelais, même si, en réalité, elles se trouvent un peu plus au sud. L’île bénéficie paraît-il d’un microclimat, ce qui en fait la région la plus ensoleillée de l’Etat de New York. Ces différents facteurs qui déterminent le terroir ont motivé les producteurs à se spécialiser dans le merlot, une grappe originaire du sud-ouest de la France. Mais on trouve aussi sur Long Island une vingtaine d’autres variétés, pour la plupart importées d’Europe comme le cabernet sauvignon ou le cabernet franc, le chardonnay, le pinot noir, de très bons sauvignons blancs et du riesling. La liste des vins new-yorkais comprend aussi quelques variétés  » hybrides  » franco-américaines comme le baco noir, le vidal blanc, la traminette ou le maréchal foch. Enfin, quelques grappes  » natives  » comme le niagara ou le concord poussent encore sur cet ancien territoire indien.

L’industrie du vin est particulièrement récente aux Etats-Unis. Le président Thomas Jefferson, horrifié de constater que la jeune nation américaine se transformait en temple de la bière et des spiritueux, avait bien tenté d’introduire, au début des années 1800, la viticulture dans sa Virginie natale. Sans succès. Après la guerre civile, durant la Belle Epoque au début du xxe siècle, un souffle nouveau, venu d’Europe, a fait pénétrer les vins français et allemands chez les riches New-Yorkais qui voulaient calquer leurs attitudes sur celles du Vieux Monde. Mais l’introduction de la prohibition en 1919 a eu l’effet d’un couperet sur les jeunes vignes qui commençaient à bourgeonner dans l’Etat de New York. Une fois la prohibition levée, New York est retombée dans l’alcool et la bière. Dans les années 1960, le vin était toujours la boisson des élites qui s’en délectaient principalement dans les restaurants français. Il fallut attendre 1970 pour que de nouveaux vignobles soient plantés en Californie et dans l’Etat de New York et encore une génération de plus pour que ces pieds de vigne parviennent à maturité…

New World expérience

Il y a aujourd’hui 165 vignobles dans l’Etat de New York. Ils produisent tous ensemble 200 millions de bouteilles par an. Pour se rendre en voiture au c£ur de la région viticole de Long Island qui compte 28  » maisons « , il faut quitter Manhattan par le pont de Brooklyn, puis suivre la voie rapide (Long Island Expressway 495) vers l’est jusqu’à Riverhead. Là, bifurquer à gauche sur la route 58 qui se transforme un peu plus loin en route 25, littéralement  » la  » route des vins de Long Island. Les 25  » maisons  » de la North Fork s’égrènent le long de cette route campagnarde depuis laquelle on aperçoit de temps à autre le scintillement de la mer. A partir d’ici, il est conseillé de se délester de son expérience européenne et de se préparer psychologiquement à une aventure totalement américaine. Long Island, ce n’est pas le Bordelais ni la Toscane, et les  » châteaux  » de la région ressemblent davantage à des saloons qu’à de belles demeures en pierre de taille. Les  » winemakers « , l’équivalent de nos maîtres de chais, sont bien souvent des Français en quête d’innovation.  » Les vins de New York ne sont pas moins bons ni meilleurs que les vins européens, ils sont simplement différents, explique Gilles Martin  » winemaker  » chez Martha Clara. Mon plaisir est de créer de nouvelles saveurs à partir de variétés connues. Cette part de création n’est pas possible en Europe où l’on doit se conformer à des modèles établis.  » Les vins rouges de Long Island sont donc plus fruités et ont moins de tanin que les vins français, par exemple. Les blancs sont plus secs et plus acides, parfaits pour se marier avec les fruits de mer, le plat typique de la région. Mention spéciale pour le vin de glace, particulièrement celui de la famille Macary, réalisé avec des grappes qui ont gelé avant la récolte, plus doux et plus sucré encore que le sauterne.  » Il faut replacer les choses dans leur contexte, martèle Robert Ransom, propriétaire de deux bars à vins spécialisés en vins de New York. Les Américains aiment les vins plus fruités, avec des saveurs plus marquées que les Européens.  »

Une journée complète est nécessaire si l’on veut prendre le temps de flâner dans les vignobles de la North Fork. Greenport, au bout de la route 25, est une bonne destination pour passer la nuit avant de s’attaquer à la South Fork. Un bac relie Greenport à Sag Harbor, de l’autre côte de la baie. La South Fork, plus connue sous le nom  » The Hamptons « , ne comprend que trois vignobles, mais ses plages bordées de maisons de stars et de millionnaires valent le détour. Après vous être rafraîchis au vent du large, vous pourrez refermer la boucle en descendant la route 27 jusqu’à Riverhead puis rejoindre New York City par la voie rapide. Si la nuit est tombée, vous bénéficierez alors d’une vue imprenable sur le rideau de lumière pointilliste qu’offrent les gratte-ciel illuminés.

Tous les vins new-yorkais en un espace

Vous souhaitez aussi vous familiariser avec les vins de la vallée de l’Hudson et des lacs Finger ou vous avez une hésitation sur un accord vin-mets ?

Il existe à New York deux  » wine- bars  » spécialisés qui proposent pas moins de 225 crus du terroir. Le premier magasin Vintage a été inauguré par Robert Ransom, en 2000, dans le quartier animé de Soho. Fort de son succès, il a ouvert un second établissement dans le quartier hautement résidentiel du Upper West Side. Dans une ambiance moderne et raffinée, vous pourrez tester 5 vins pour 5 dollars (4,1 euros).

Les deux boutiques proposent aussi une sélection de produits fins locaux, comme le saucisson de rennes. Des ouvrages sur le vin et des objets d’art de la table complètent le décor.

 » Nous voulons montrer aux New-Yorkais que le vin fait partie d’un certain style de vie « , explique Robert Ransom. Son credo est de faire apprécier les variétés locales.  » Aujourd’hui, tout le monde veut faire des vins qui ressemblent aux vins californiens. Je trouve cela stupide. Les vins doivent d’abord servir à mettre en valeur la nourriture locale. A chaque région, son vin.  » Et la gamme des vins de New York est justement réalisée pour s’adapter parfaitement à la gastronomie variée de cette immense ville cosmopolite : steak, dinde de Thanskgiving, homards, plats mexicains ou thaïs… Il y a un vin pour chaque occasion. Le prestigieux restaurant Four Seasons n’hésite d’ailleurs pas à exploiter cette diversité en proposant une fois par an un menu arrosé uniquement de vins de Big Apple.

Stéphanie Fontenoy

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