Avis de beau temps pour cette jolie station balnéaire de la côte est des États-Unis ! Riche de romances palpitantes, de demeures historiques remarquables et d’une nature exceptionnellement préservée, Newport multiplie les séductions.

Un beau lundi matin estival, 10 heures. Sous un ciel bleu et un soleil lumineux, Thames Street s’ébroue à peine. Les boutiques de mode et les restaurants resteront volets clos jusqu’à midi. Seuls quelques snacks accueillent des habitués venus s’attabler devant de robustes petits déjeuners. A deux pas, St Mary’s Church, briques rouges et solides portes de bois bardées d’austères ferrures noires, semble également endormie. Toutes les entrées sont fermées sauf une petite porte latérale d’où jaillit la grosse voix du prêtre contant à une vingtaine de Japonais recueillis l’histoire de cette église catholique sombre et étroite. Devant tant de plénitude, difficile d’imaginer que le 12 septembre 1953, près de 750 invités s’y trouvaient assemblés tandis que 3 000 personnes l’encerclaient pour fêter joyeusement le mariage du sénateur John Fitzgerald Kennedy et de Jackie Bouvier.

Pour la station balnéaire, fréquentée depuis des siècles par le gratin de la riche société américaine, chaque coin de rue pourrait rappeler un événement glamour. Aujourd’hui, la wealthy society se veut pourtant plus discrète : elle préfère prendre ses quartiers bien loin du centre, en bord de mer le long de la très belle Ocean Avenue. Manoirs anciens et vastes propriétés sobres s’enchâssant là étroitement parmi les rochers et la pinède de la côte finement ourlée.

Fini, en effet, le temps jadis d’un Newport clinquant où durant des décennies s’enchaînaient de grands bals où le champagne coulait à flots dans des maisons baroques et trop voyantes. Un  » âge d’or « , selon un dédaigneux Mark Twain, qui reproche alors à cette société ultrariche un luxe et une consommation trop ostentatoires.

Ces belles demeures kitsch font pourtant aujourd’hui partie intégrante de l’héritage historique de Newport. Elles rappellent que ses résidents quelque peu pédants – portant des noms aussi prestigieux que Vanderbilt, Astor, Belmont, Duke, Carnegie ou Oelrichs -, ont fait la grandeur et la richesse de l’Amérique.

Newport  » sassiety « 

Retour aux années 1850. Newport s’affirme soudain comme  » la  » villégiature prisée par les millionnaires détenant des plantations de coton en Géorgie et aux Carolines du Sud et du Nord, tout comme par la haute société new-yorkaise et bostonienne (Newport est située entre les deux villes). Sur Bellevue Avenue, dont les jardins donnent sur l’océan, les plus grands architectes américains et européens sont engagés pour édifier des demeures gigantesques. Ces manoirs accueillent la belle société uniquement durant la saison estivale.

Six cents de ces propriétés se construisent en quelques décennies. La Première Guerre mondiale et le crash boursier de 1929 mettent fin à cette folie immobilière. Peu à peu, les manoirs sont détruits car trop chers à entretenir. Pour arrêter cette véritable hémorragie se crée en 1945 une société de préservation. Son but : ressusciter le faste d’antan de ces  » éléphants blancs aussi beaux qu’inutiles  » comme l’affirme l’auteur Henry James. Onze de ces belles résidences sont ainsi préservées et soigneusement restaurées. Elles font aujourd’hui la fierté de Newport.

A visiter en priorité : le manoir Rosecliff, une imitation du Grand Trianon de Versailles construite pour Hermann Oelrichs, le roi des mines d’argent. Deux millions de dollars y sont consacrés en 1902. Rosecliff entre ensuite dans l’Histoire par la folie de ses fêtes prestigieuses dont un Bal Blanc censé se dérouler à la cour de Louis XIVà Dans cette belle demeure furent tournés des films comme Gatsby le Magnifique (1974 ), True Lies (1994 ) et Amistad (1998 ).

Notre second coup de c£ur va à The Breakers construit pour Cornelius Vanderbilt II en 1885 et imaginé par l’architecte américain Richard Morris Hunt. Mobilisant sur le chantier pas moins d’un millier d’ouvriers jour et nuit pendant deux ans et trois mois, ce cottage de 70 pièces s’inspire de la Renaissance italienne. Arcades, colonnes cannelées et marbre foisonnent à l’extérieur. A l’intérieur, ornements de bois, platine, bronze, albâtre, vrais ou faux marbres, dorures et plafonds peints s’ordonnent autour d’un hall monumental d’une hauteur de 15 mètres dont les nombreuses fenêtres s’ouvrent sur le parc à la française et l’océan. Edith Wharton, Cole Porter ou les Kennedy dînèrent et dansèrent ici.

Les neuf autres maisons, accessibles à pied car située à courte distance l’une de l’autre, arborent la même démesure. Citons encore The Elms, la réplique du château d’Asnières avec ses meubles style Louis XV, ou encore Marble House, inspirée, elle, du Petit Trianon et riche de portraits de la cour de France du xviiie siècleà

Pour découvrir sous un autre angle les parcs et l’arrière des manoirs, optez pour la Cliff Walk, une belle promenade pédestre de 6 kilomètres, longeant l’océan : elle permet de saisir tout le charme des demeures historiques.

Régates historiques

Avec ses nombreuses îles, ses vents dominants soufflant du sud-ouest en été et ses brusques changements de courant, la baie de Narragansett qui accueille Newport permet aux meilleurs marins de parfaire leur technique de navigation. Nombreux sont d’ailleurs les concurrents des grandes régates mondiales vivant et s’entraînant ici. L’aventure sportive commence en 1851 lorsque la goélette America de Newport face à 14 bateaux britanniques remporte une compétition autour de l’île de Wight en Angleterre. Le trophée, une aiguière d’argent, devient la coupe de l’ America. Les Etats-Unis détiennent le titre jusqu’en 1983, date à laquelle il file en Australie puis aujourd’hui en Suisse. Fort de ce prestigieux passé, on ne compte plus les régates organisées dans la baie. Au niveau mondial, Newport donne, début juin, le départ de la New York Bermuda Race et accueille l’arrivée de la Transat en solitaire qui part de Plymouth en Angleterre. De grand matin, il n’est d’ailleurs pas rare de voir de fins et splendides voiliers évoluer au large. Une ambiance bon enfant qui se répercute sur les quais et les rues avoisinantes. De quoi faire oublier qu’il y a cent ans une promenade en calèche représentait davantage un défilé de mode qu’une belle sortie à l’air libreà

Par Chantal Piret

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