Elle intégrera le onze du Standard Femina la saison prochaine. Loin du cliché hommasse, cette Brabançonne au visage gracile renvoie au vestiaire les a priori boueux qui collent aux crampons du football féminin.

Louvain, un petit matin gris frais. Elle nous a donné rendez-vous au complexe sportif universitaire de la KUL. Pour la photo et parce qu’elle y a passé ses deux dernières années de secondaire, sport étude, option foot, 3 filles pour 30 garçons, 15 heures semaine. Première impression : elle est jolie, Imke Courtois. De cette beauté toute en taches de rousseur canailles qui n’a pas à s’encombrer d’artifices. Un brin de mascara, un jeans et une veste de survet’, quand on a été touchée par la main de Dieu, on n’a pas besoin de beaucoup plus. Nike l’a bien perçu, qui sponsorise la jeune sportive, 22 ans, seule footballeuse belge à profiter de (et à l’image) de l’équipementier américain.

Premier cliché brisé : non, les folles de ballon rond n’ont pas toutes une coupe mulet, une chemise de bûcheron et horreur de la coquetterie. En 2008, Imke Courtois a même été sélectionnée entre des milliers de filles d’Ève pour participer à l’émission de télé-réalité Top Model sur la chaîne flamande 2BE :  » Nous étions douze en finale, je n’ai pas remporté le concours, mais j’ai gagné mon défi qui était de prouver qu’une femme footballeuse pouvait avoir de la grâce « , dit-elle dans un sourire mutin. L’expérience – défiler avec des talons gratte-ciel, afficher la moue glamour pour faire crépiter les flashsà – lui a permis de goûter au gâteau de la mode, jusqu’à intégrer la cabine de l’agence bruxelloise Models Office. Un temps seulement. Car pas le temps.

La faute au foot, sa vie. Entamée le 14 mars 1988 à Lubbeek, Brabant flamand. Papa joue (bien) dans l’équipe de Tirlemont. Au lieu de la laisser martyriser ses poupées, il lui propose l’odeur du gazon trempé, des pains saucisse-moutarde et du gel musculaire chauffant, essences du foot de province. Elle accroche. Dans la cour de récré, elle donne du fil à retordre aux gamins : rapide, tactique, technique, elle s’emballe pour les dribles et les petits-ponts, quand ses copines jouent à chat et vont pleurer chez Madame. À 7 ans, elle intègre le club de Tirlemont avec les garçons, à 15, l’équipe féminine pro de Wezemaal. Dans quelques mois, Imke Courtois sera au Standard Femina,  » la meilleure équipe du championnat « , assure-t-elle.

Qu’est-ce qui lui plaît dans le foot ?  » Le plaisir. L’esprit d’équipe, me donner physiquement, sociabiliser.  » Faire du sport, en somme. Quelle bête question, en fait. En revanche, si on la pose, c’est bien parce que le football reste pour d’étranges raisons essentiellement lié aux hommes qui savent pourquoi. À cet égard, l’histoire du beau jeu au féminin est édifiante : reconnu par les instances officielles depuis seulement quarante ans, il ne possède sa propre Coupe du monde estampillée Fifa que depuisà 1991 – la prochaine aura lieu en Allemagne en 2011. Et comme dans tous les secteurs dominés par la testostérone, la beaufitude montre ses dents gâtées – cf. la sortie du président de la Fifa, Sepp Blatter, il y a quelques années, déclarant que le football féminin aurait plus de succès si les femmes jouaient en jupe. Et les inégalités sont coutume. En termes de salaire, surtout.

Impossible par exemple pour Imke de vivre 100 % de sa passion. Déjà diplômée en ergothérapie, elle prolonge ses études en kinésithérapie à Hasselt :  » Je dois m’assurer un avenir « , dit-elle. Du coup, entre les nuits à Lubbeek –  » J’habite toujours chez papa-maman « , l’unif, et les entraînements, le soir trois fois par semaine à Sclessin, il ne reste plus beaucoup d’heures pour le mannequinat et l’équipe des Diablesses à laquelle elle a fini par renoncer malgré l’insistance d’Anne Noël, coach fédéral :  » Imke a tout : le mental, l’efficacité, l’esprit de jeu, la volonté, la motivation. J’ai tout essayé pour qu’elle revienne. « 

On l’aura compris : contrairement à l’Allemagne, aux pays scandinaves ou aux États-Unis (où le soccer est considéré comme un sport de femmes), la Belgique ne donne pas les moyens nécessaires à ses talents pour former une équipe nationale en béton. Si le nombre d’affiliées augmente chaque année – plus de 20 000 aujourd’hui – on reste proportionnellement loin du million de footballeuses qui évoluent dans les clubs d’outre-Rhin. Et à des années-lumière du mercato masculin. Pourtant peu soumis au régime de la jupe.

Baudouin Galler

Prouver qu’une footballeuse peut avoir de la grâce.

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