Pour mieux oser la couleur, le nouveau directeur artistique du make-up Yves Saint Laurent a imaginé des noirs polychromes avec lesquels tout est permis. Des fards qui révèlent la part d’ombres et de lumières du visage qu’il maquille.

Se prendre une claque n’est jamais une partie de plaisir. Mais certaines raclées ont au moins le mérite de vous blinder le cuir. A tout jamais. Pour le meilleur et plus le pire, Lloyd Simmonds se souvient encore d’une paire de baffes encaissées à la sortie de l’école. Il avait tout juste 9 ans.  » On nous avait montré un film sur la vie de Tchaïkovski, raconte-t-il. Et j’avais osé dire que j’aimais l’opéra.  » Sûr que les gros lourds qui lui menaient alors la vie dure donneraient cher pour approcher, ne fût-ce qu’une minute, les top biches – vous avez dit Lily Donaldson, Constance Jablonski, Ashley Smith… ? – que notre homme côtoie depuis plus de trente ans.

De prime abord, le pitch de la vie de Lloyd Simmonds a comme un petit air de remake canadien de Billy Elliot.  » Je devais réussir à m’échapper, vous n’avez pas idée « , souffle-t-il. Avant qu’une mauvaise chute ne le force à raccrocher ses chaussons, le gosse qui, tout petit déjà, se sentait différent rêvait de devenir danseur.  » Mais lorsque j’étudiais la danse classique, je m’intéressais de près à la création des costumes, au maquillage « , confie-t-il. La porte de sortie paraît donc toute trouvée. Des coulisses de ses débuts, il garde un certain sens du drame, un goût pour la théâtralité dont il ne se départira jamais. Et qui fait qu’aujourd’hui, Yves Saint Laurent lui va si bien.

Mordu de couleurs, il lance pourtant en guise de premier  » statement  » comme directeur artistique du maquillage la ligne The New Blacks, traduisant en fards le noir dans toutes ses nuances, du  » profond  » au jade, en passant par le bronze ou le cendré.  » On est chez YSL quand même, insiste-t-il. Il nous fallait une bonne base de noirs pour commencer à travailler.  » Sur cette portée faussement monochrome, Lloyd Simmonds a posé un florilège de notes mauves et pourpres, des verts et des bleus aussi, comme pour mieux enflammer l’hiver.  » La couleur ne doit pas faire peur, rassure-t-il. Il faut la regarder comme un accessoire. Une touche au coin de l’oeil, au ras des cils, c’est déjà merveilleux. Un maquillage n’est pas là pour durer. « 

Il en sait quelque chose, Lloyd Simmonds, lui dont la chevelure aujourd’hui noir corbeau est passée sans complexe par toutes les nuances de l’arc-en-ciel.  » J’avais 17 ans en pleine révolution punk, sourit-il. S’habiller était alors tellement fun. Les magazines de mode étaient fabuleux dans les années 80. C’est en lisant le Vogue Italia que j’ai eu envie d’aller vivre là-bas. Vous imaginez comme j’ai ouvert des yeux ronds quand j’ai débarqué. On était loin des pages du Vogue. Mais de toute façon, si vous voulez travailler dans la mode, c’est forcément à Paris, New York ou Milan que ça se passe.  »

Ce calviniste venu du froid se fait les dents pendant quatorze ans sur les campagnes internationales du groupe Benetton, pilotées alors par Toscani.  » Si c’était intéressant ? Vous rigolez, c’était tout simplement incroyable, s’exclame-t-il. Là, il y avait de la prise de risque.  » En parallèle, il enchaîne les éditoriaux pour Vogue, L’Uomo Vogue et Glamour Italia. Apprend au passage l’italien et se met au français quand il s’installe à Paris. Des couvertures pour Elle, Vogue, Numéro, Citizen K viennent gonfler son portfolio. On le réclame aussi en backstage chez Dior, Armani, Lanvin, Versace, Vuitton, Yamamoto. Parmi tant d’autres. Et puis Yves Saint Laurent, un jour. Comme une évidence.  » La maison s’appuie sur un patrimoine magnifique, conclut Lloyd Simmonds. J’ai dans les mains les lettres d’un alphabet tellement puissant que je peux en faire ce que je veux. La liberté, le glamour, l’extravagance, totalement Saint Laurent, non ?  »

Par Isabelle Willot

 » La liberté, le glamour, l’extravagance, totalement Saint Laurent, non ? « 

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