Barbara Witkowska Journaliste

A Paris, les défilés prêt-à-porter hiver 08-09 – la féminité sublimée – n’ont pas échappé, front row, à la sacro-sainte règle du strass et du stress.

Comme chaque saison, Weekend y étaità Nos meilleurs instantanés.

C hez Chanel, Karl prend l’ascenseur.

Au Grand Palais, les blondes et filiformes jumelles Kate et Mary Olsen prennent place aux côtés d’Anna Mouglalis, Samuel Benchetrit, Amira Casar et Claudia Schiffer. Sous la verrière, Karl Lagerfeld a disposé un manège décoré de codes maison : un n£ud, un camélia, un chapeau ornéà d’un camélia, une broche byzantine, une veste gansée et le sac mythique 2.55. La collection ? Des tailleurs bien sûr, toujours les mêmes et jamais pareils, des jupes courtes ou longues faussement décousues, terminées par des collants bicolores. Les chemises blanches, elles, sont des chefs-d’£uvre de raffinement et de détail. Pour le final, les filles ont pris place dans le carrousel et le manège s’est mis à tourner. Karl est alors descendu d’un ascenseur secret, caché au centre du dispositif. Epoustouflant !

C hez Gaultier, Deneuve se fait désirer.

On attendà Catherine Deneuve. Altière, drapée dans des cachemires de couleur sable, regard caché derrière des lunettes XXL, elle prend enfin place, presque en face de nous.  » Wooooooou « . Le défilé s’ouvre immédiatement sur ce cri sauvage du Thriller de Michael Jackson. La louve et la femme animale sont de retour. Le couturier s’est distingué par un bel exercice de style en mélangeant de vraies et de fausses peaux, traitées dans un esprit sport ou ethnique. Les filles glissent enveloppées dans des parkas imprimées zèbre, tigre ou girafe, blotties dans des gilets de fourrure retournée bordés de renard ou en chèvre surpiquée. Le sac est de rigueur : il prend la forme d’une tête deà cobra. Pendant les applaudissements, Catherine Deneuve s’éclipse, toujours aussi altière et impassible.

Chez Rykiel, une Sonia sautillante.

Sonia Rykiel fête en grande pompe ses 40 ans de mode. Les volumes sont sensuels, les matières moelleuses, les lignes fluides. Nostalgie du Swinging London. Au final, la créatrice toujours alerte et tonique, traverse le podium en sautillant comme une gamine de 20 ans. Et les yeux de Laure Adler et de Dominique Isserman se mouillent d’émotion.

Chez Dior, la Piaggi fait son show.

Le regard est scotché par l’apparition hallucinante de la vénérable Anna Piaggi. Maquillée comme une voiture volée, hissée sur des talons instables, arborant une tenue aussi remarquable qu’improbable, la journaliste et collectionneuse italienne est unique en son exubérance. Sur l’air de Mrs Robinson de Simon & Garfunkel, John Galliano fait défiler les sosies des années 1960. Crinières choucroutées à la Ursula Andress, eye-liner outrancier et paupière turquoise à la Elizabeth Taylor accompagnent des tailleurs et des robes pied-de-poule gansés de cuir verni ou maxi-prince-de-galles, motifs iconiques de la maison.

Chez Nina Ricci, un Olivier Theyskens aurolé.

On se glisse avec plaisir dans ce cocon lumineux et chaleureux où l’or du décor diffuse un éclat carrément solaire. La féminité délicate propre à la grande maison est respectée dans les robes imprimées ou fleuris, ornées d’un n£ud en gros grain. Auréolé par sa longue chevelure qui lui coule sur les épaules, très  » habité « , Olivier Theyskens passe sous un tonnerre d’applaudissementsà

Chez Vuitton, un défilé superpeople.

Au premier rang prennent place Sofia Coppola, Lee Radziwill, Milla Jovovich, Mélanie Laurent, Wes Anderson, Yohji Yamamoto, Lapo Elkann et Dita Von Teese, notamment. Le fan club de Marc Jacobs est décidément très éclectique. Sur le podium, les filles baladent leurs silhouettes longues coiffées de chapeaux de derviche et perchées sur des compensées plus que XXL, géantes ! Les volumes amples et évasés des jupes, pantalons et manteaux leur confèrent une belle attitudeà au subtil parfum futuriste.

Chez Givenchy, le sacre de Mariacarla.

Pour commencer, une fille vêtue de noir porte autour du cou une profusion (une vingtaine !) de très longs colliers en or sur lesquels sont accrochés des effigies religieuses. Mariacarla, muse et amie de Riccardo Tisci, termine cette parenthèse spirituelle en promenant sur le dos de sa veste blanche une énorme croix. Noire. On savait que le créateur aime se nourrir de la chose sacrée. Mais tant de force dramatique, voire religieuse, laisse l’assistance bouche bée, à commencer par Lou Doillon, Béatrice Dalle et Amanda Lear.

Chez Lacroix, le retard est un art.

Dans les défilés, le retard frôle trente, voire quarante-cinq minutes. Ici, l’attente est particulièrement longue car il n’y a aucun people en vue. Normal, chez Lacroix ils sont uniquement conviés pour la haute couture. Mais le spectacle, tout comme le carton d’invitation, vaut le coup d’£il. Fuchsia, vermillon, vert, jaune éclatant, gris argenté, blanc optiqueà Les imprimés sont toujours là mais, modernité oblige, ils gagnent en épure, en graphisme et en abstraction.

Chez Viktor & Rolf, les photographes stars

nourrissent leur imagination.

Les maquillages  » graffités  » à la Marilyn Manson n’ont rien de glamour. La bande-son techno et les vêtements martèlent NO (à la mode ?). Pourtant, tout comme la fantasque Anna Piaggi, on a envie de dire  » oui  » à cette symphonie de gris profonds et à ces volumes étonnants, construits avecà des agrafes. Dans l’assistance, Mario Sorrenti et Ellen Von Unwerth, deux stars de la photo, ne perdent pas une miette du show aux allures d’une installation d’art contemporain. Concentrés et inspirés, ils nourrissent leur imagination pour de futurs clichés.

Chez Celine, une mini-émeute.

L’actrice chinoise Sammi Cheng, Emmanuelle Seigner et Léa Seydoux arrivent à la queue leu leu. La tension monte parmi les paparazzi japonais et la chute de l’un d’eux provoque une mini-émeute. Rien de grave et le show commence avec un petit retard d’une demi-heure. La griffe chouchou des business-women joue avec maestria des formes et volumes. Les modèles déroulent une élégance urbaine et sport couture. Dans une séquence plus  » florale « , la jupe bouillonnée se porte avec un bomber de faille à col-cape XXL en renard noir, tandis que la robe de cocktail framboise s’ouvre, quand on marche, comme une fleur.

Chez Hermès, un catwalk d’Orient.

Dans tous les défilés, les mannequins évoluent sur des moquettes, noires de préférence. Rien de tel chez Hermès. Un interminable et superbe tapis d’Orient aux couleurs chatoyantes habille le podium. Les tenues sont occidentales et classiques : Jean Paul Gaultier affiche ainsi ses préférences pour le patrimoine de la maison.

Chez Issey Miyake, à bicyclette.

Au Musée de l’Homme, une table blanche est dressée pour quatre convives. Quelques jeunes filles et garçons vérifient l’ordonnance des assiettes. On dirait des préparatifs pour une pièce de théâtre. En dernière minute, tout le décor disparaît par enchantement et un couple passe sur bicyclette pour annoncer le show : un manteau en taffetas blanc, des imprimés aquarelle et des volumes évoquant les ailes d’un oiseau, une fille coiffée d’un drôle de chapeau-sac, vêtements plissés déplissés bordeaux et châtain, de l’origami de soie plié comme un mouchoir. C’est du Miyake  » pur jus « .

Chez Kenzo, des  » japonaiseries  » ultraprécieuses.

S’il fallait décerner la palme du décor, ce serait ici. Au centre, une immense boule de feuilles et de pétales rouges, protégée par des rideaux de fils blancs. Tout autour, des  » japonaiseries  » envahissent joliment les podiums avec des robes trapèze, des robes boule, des effets de manches inspirés des kimonos, des tissus imprimés de paysages japonais. Au final, la boule rouge s’écroule en une fraction de seconde et dévoile la mariée à la beauté suprême. C’est plaisant comme un conte venu d’ailleurs.

Barbara Witkowska

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