Oleg Dou à l’Espace Art 22

L’ARTISTE

Oleg Dou est né à Moscou en 1983 où il vit et travaille. Formé au design – il est fraîchement diplômé de l’Institut d’Etat d’acier et d’alliages de Moscou – , ce jeune artiste s’est pris de passion pour la photographie en 2005. Depuis lors, il mène un parcours sans faute. Ses clichés ont remporté de nombreux prix et ont séduit en 2007 les jurés du Kandinsky Price, équivalent russe du Turner Prize (récompense suprême pour les jeunes artistes britanniques). Dernière consécration en date : ce mois-ci, la galerie moscovite Aidan l’a présenté au prestigieux Armory Show de New York.

Oleg Dou est influencé par le hiératisme des icônes russes, la tradition du portrait dans la peinture occidentale, la chosification du corps initiée par les surréalistes ou encore l’imagerie glossy à l’£uvre dans la pub et la mode.

Un seul motif domine son univers : le visage. Qu’il met à l’épreuve des techniques les plus pointues en matière de manipulation numérique de l’image. Ses modèles – tous réels – se retrouvent dévitalisés, scarifiés, hybridés avec des éléments végétaux, animauxà Seules réminiscences  » charnelles  » : le regard et les lèvres. Résultat : une stupéfiante galerie de droïdes à la peau froide, de poupées mutantes, de posthumains génétiquement modifiés. Qui forment les personnages centraux d’une réflexion carrément métaphysique sur les fondements de l’individualité et la singularité humaine.

L’EXPOsition

Ce n’est pas la première fois que l’Espace Art 22 montre le travail d’Oleg Dou. En 2007, la galerie, qui représente depuis lors l’artiste russe en exclusivité pour la Belgique, l’avait déjà accroché à ses cimaises dans le cadre d’une double exposition consacrée par ailleurs aux clichés gothico-romantiques de l’Arménienne Lylia Corneli (voir Weekend Le Vif /L’Express du 15 juin 2007). Deux ans plus tard, il est intéressant d’analyser le virage emprunté par le photographe. Le titre de cette première expo personnelle à Bruxelles, Tears (NDLR : larmes), est à cet effet révélateur. Autant les portraits présentés en 2007 ne laissaient paraître que très peu d’émotions, sinon aucune, autant ici la sensibilité reprend du terrain. Sans amener de changement radical à sa glaciale esthétique et sans abandonner sa signature iconographique (un visage, frontal, irréel), le photographe revitalise ses modèles en leur donnant le droit à la tristesse. Cette greffe réaliste décuple paradoxalement le sentiment de malaise. Les pleureuses d’Oleg Dou semblent d’autant plus prisonnières de leur plastique, qu’en réalité un c£ur y bat encore, qu’un individu l’habite. Aveu d’impuissance à écailler la couche de vernis ou bourgeons annonciateurs d’une revanche de la chair sur l’artificialité ? Réponse dans deux ans. Peut-être.

Oleg Dou : Tears, à l’Espace Art 22, 22, rue Van Aa, à 1050 Bruxelles. Tél. : 0495 21 23 22 ou 0473 95 12 38. www.espace-art22.com et www.douart.ru Du 2 avril au 3 mai prochain.

Chaque mois, Weekend Le Vif/L’Express vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

Baudouin Galler

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