Un homme brisé par le départ de sa femme renoue avec sa famille et une société dont il se sent pour le moins étranger. Un roman ample et percutant qui embrasse dans un même élan le destin d’un homme et le portrait d’une certaine France.

Votre héros évolue parmi les livres. Et vous ?

Issu d’un milieu populaire, mon père n’a pas fait d’études, mais je l’ai toujours connu un livre à la main. Il m’a transmis ça comme une évidence. La révélation de la puissance des mots est passée par la musique, la poésie, puis le roman. J’ai eu l’intuition que les livres seraient ma maison, mon langage et mon abri.

Le talent que vous auriez aimé avoir ?

Être chanteur. J’ai fait beaucoup de musique mais je ne possède pas ce don. Disons que j’ai plutôt tendance à m’inventer un monde dans la tête.

Écrire, c’est  » être à la lisière  » de quoi ?

C’est, au contraire, sortir de la lisière. Je me suis mis à écrire pour accroître ma présence au monde. Faire un pas de côté est une façon de percevoir le réel. Ayant grandi dans des lieux sans contours, je questionne ma place indéfinie dans ce roman.

Correspond-il à une maladie ou une thérapie ?

L’écriture est une aventure exaltante. Ce roman a été dur à accoucher, mais c’est passionnant d’oser écrire le livre impossible. Mettre en scène son moi le plus intime est troublant, or je ne résous rien dans la fiction. Tous les dix ans, je fais un livre-bilan. J’anticipe, ici, la crise de la quarantaine et celle d’une France qui a connu le sarkozysme. Cela pollue-t-il l’intime ?

Quels sont vos piliers ?

Le paysage breton me lave. Alors que la paternité m’a arrimé, ma compagne me protège et me tient debout. Mon héros exorcise mes pires hantises. Il se fait larguer par sa femme. Son univers et son semblant d’identité s’écroulent. Ce n’est qu’en décryptant son milieu d’origine, qu’il pourra dépasser cela.

La famille, colonne vertébrale ou boulet ?

Elle est fondatrice à notre corps défendant, or je ne supporte pas les attaches sociales et familiales. Ce sont elles qui nous déterminent, alors même qu’on aspire à la liberté de changer. Mon livre souligne cette contradiction.

Qu’en est-il de l’amour ?

C’est le roman de la reconquête amoureuse. Il faut parfois un livre pour déclarer son amour, sa reconnaissance et sa gratitude à celle qui est face à soi. Le roman aborde aussi le fossé irréconciliable d’un ancien amour. Celui qu’on a été à 20 ans n’existe plus, tant la société dompte notre sauvagerie intérieure. Aussi l’écriture constitue-t-elle une école de vigilance.

Comment faire  » peau neuve  » ?

Dans ce roman, j’accompagne physiquement les métamorphoses du héros. J’ai été, comme lui, anorexique et dépressif à l’adolescence, pour incarner ce poète écorché que je pensais être. Puis, je suis passé, à coups de whisky, au look de l’écrivain américain : 110 kg ! Il m’a fallu perdre du poids pour aller au bout de ce roman, qui me met en danger. Faire peau neuve est un fantasme d’écrivain, mais chaque livre contribue à se réinventer.

Les Lisières, par Olivier Adam, Flammarion, 455 pages.

KERENN ELKAÏM

FAIRE PEAU NEUVE EST UN FANTASME D’ÉCRIVAIN

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