Grenoble est vantée pour sa fougue culturelle et artistique et son goût du défi architectural qui va du ciment moulé au tout bois. On l’admire aussi pour ses exploits économiques et technologiques. Mais par-dessus tout, on l’aime pour sa qualité de vie. Une conception du lifestyle qui fleure bon les montagnes ? Pas banal…

Pour découvrir Grenoble, oubliez les clichés sur cette ville pleine de faux-semblants… Par exemple, la plupart des bâtisses anciennes que l’on imagine en pierre de taille sont en réalité en béton et en ciment moulé.  » L’or gris « , comme on l’appelait autrefois, est un matériau inventé par un ingénieur grenoblois, Louis Vicat. Tous les détails de décoration sur les façades ne sont donc pas des sculptures, mais souvent des moulages… Mais, depuis peu, c’est le bois qui a la cote : il est de plus en plus intégré aux projets architecturaux. Selon Serge Gros, architecte et directeur du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de l’Isère,  » le bois constitue une ressource au pied de la ville, un matériau renouvelable qui marque l’identité d’urbanité montagnarde. Il dégage une grande modernité par ses qualités d’habitabilité, ses performances énergétiques et d’isolation… « .

L’urbanisme à Grenoble est une préoccupation qui ne date pas d’hier : en accueillant les Jeux olympiques d’hiver en 1968 (1 300 athlètes, plus de 300 000 spectateurs), la ville avait dû s’étendre, se moderniser, s’équiper. L’expérience, positive sur bien des tableaux, a payé. A tel point que Grenoble envisage de se porter à nouveau candidate pour l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 2018 ! Entre-temps, plusieurs réalisations d’envergure ont changé le visage de la ville : le Synchrotron, le nouveau palais de justice ou, plus récemment, le Minatec, le pôle d’innovation dédié aux micro et nanotechnologies, inauguré en juin 2006. Globalement, ce sont le quartier d’affaires Europole et la presqu’île scientifique qui constituent la vitrine de l’architecture contemporaine grenobloise. Là même où sont installés les grandes écoles, multinationales, laboratoires de recherche et autres start-up qui contribuent au dynamisme économique et technologique local forment et emploient une forte population d’étudiants (61 000 sur une agglomération de 425 000 habitants), d’ingénieurs et de chercheurs (21 000 au total), dont de nombreux expatriés.

Le centre-ville ne manque pas non plus d’intérêt. Les piétons et les cyclistes sont largement privilégiés par rapport aux automobilistes dans la ville la plus plate de France, si fière de ses trois lignes de tramway (la dernière a été mise en service l’année passée). Le c£ur historique, les placettes recouvertes de terrasses et les quais de l’Isère sont aussi propices à la flânerie. Et que ceux qui jugent l’hypercentre étriqué et vieillot se rassurent : une vaste opération d’urbanisme a été lancée. Elle prévoit un réaménagement et un embellissement des espaces publics, ainsi qu’une réhabilitation complète de deux sites majeurs : l’ancienne caserne militaire de Bonne, qui fixera les nouvelles limites du centre-ville, et Bouchayer-Viallet, qui abrite notamment la halle Eiffel du Magasin, Centre national d’Art contemporain. Après leur journée de travail, les Grenoblois les plus téméraires partent à l’assaut de la montagne de la Bastille, à pied ou en suivant la via ferrata urbaine (si, si, ça existe !) Et à l’approche du week-end en hiver, tout le monde prend la direction des pistes à moins d’une demi-heure de la ville. Cet engouement général pour les sports de montagne se ressent dans les rues commerçantes du centre-ville qui a valu à Grenoble le surnom de  » Décathlon City « .

Au-delà de cette solide image de capitale technologique et nature, Grenoble sait aussi se distraire, se cultiver et créer. Ses musées et centres d’art et de culture sont reconnus pour la qualité de leurs collections et de leurs programmations.  » L’offre culturelle de Grenoble est énorme, démesurée par rapport à la taille de la ville « , souligne le peintre-plasticien Martin Berger. La taille de la ville, parlons-en. Pour les créateurs, artistes, stylistes et autres designers, elle constitue à la fois un avantage et un inconvénient :  » On se fait vite remarquer, le bouche-à-oreille fonctionne à plein régime, alors qu’à Lyon, par exemple, j’aurais été noyé dans la masse « , constate Téo, tout jeune styliste qui a ouvert sa boutique-atelier, la Corde à linge. Revers de la médaille, l’audace et la fantaisie ont vite leurs limites : selon lui,  » faire des vêtements trop osés, c’est prendre le risque de ne pas trouver son public « . Les nombreuses boutiques multimarques de déco et les créateurs les plus ingénieux, comme Martin Berger, tirent toutefois leur épingle du jeu en étendant leur champ d’action auprès de particuliers, d’architectes et de décorateurs de Lyon, de Genève, de la Côte d’Azur…  » C’est ce qui nous pousse dans nos retranchements « , note Martin Berger. Même si Grenoble n’est pas toujours à la pointe des tendances :  » Ici, il est plus facile de vendre des VTT et des piolets que du mobilier design !  » regrette Edouard du Masle, de la boutique Forme Libre. Heureusement, les intérieurs grenoblois ne ressemblent pas forcément à ceux des chalets de montagne traditionnels.  » Il existe un vrai mouvement de- sign sur Grenoble, avec des passionnés réceptifs et demandeurs « , se félicite Claude Diaferia, président de l’association  » 4 par 3 « , qui compte organiser prochainement un événement, qui vise à  » faire intervenir des artistes sur des objets et meubles de designers locaux et nationaux, avec une scénographie musicale et visuelle « . Un concept inspiré du  » off  » du Salon du meuble de Milan, Zona Tortona. Grenoble qui part sur les traces de Milan, pouvait-on rêver meilleur modèle ?

En pratique, page 92.

Céline Baussay – Photos Gaël Arnaud

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