Parure d’argent et de bronze touareg, ensemble en tiges de raphia brut ou robe composée de dizaines de calebasses… Les créations haute couture de la styliste sénégalaise Oumou Sy sont autant d’exubérantes invitations au rêve.

Oumou Sy a plus d’une corde à son arc. Créatrice de mode reconnue sur tout le continent africain et bien au-delà, elle est aussi un professeur qui a donné des cours dans les plus grandes écoles des beaux-arts ainsi qu’une femme d’affaires accomplie, propriétaire du tout premier cybercafé de l’Ouest africain! A 48 ans, celle dont le prénom signifie  » paix  » en peule (langue des peuples d’Afrique occidentale) incarne avant tout la femme émancipée au sein d’une société musulmane réactionnaire. Pourtant, rien ne la destinait à un parcours aussi brillant.

Née le 18 décembre 1952 dans la région du Fouta, sur les rives du fleuve Sénégal, Oumou Sy grandit à Diatar dans une famille de notables conservateurs. Dès son plus jeune âge, elle présente un esprit à la fois éveillé et têtu. Très tôt, son indépendance intellectuelle la marginalise. Secrètement, Oumou Sy, dont la beauté est connue dans tous les villages voisins, rêve d’une carrière de top model. Sa mère la décourage. Qu’à cela ne tienne! Si elle ne peut être mannequin, alors elle sera couturière… de mode!

A 12 ans, Oumou Sy glane aiguilles et tissus dans les chutes du tailleur de son village et commence à habiller ses seize frères et soeurs à partir de patrons qu’elle récupère dans des magazines français. Devant tant de bonne volonté, sa mère lui offre une vieille machine à coudre sur laquelle l’adolescente travaille sans relâche, transformant la maison familiale en atelier de confection. Quelques années plus tard, son père meurt: « Le lendemain de sa mort, il fallait oublier les caprices d’enfant gâté.  » Consciente qu’il est temps de prendre son envol, Oumou Sy décide de se lancer, toujours analphabète, dans le commerce. Elle ouvre à Dakar, en 1975, son premier magasin de prêt-à-porter : Bagatelle Couture. Soutenue par les médias locaux, la boutique devient rapidement un endroit branché de la capitale et la clientèle commence à affluer des quatre coins du monde.

Du tissu aux bijoux en passant par la broderie et la teinture, Oumou Sy acquiert une maîtrise parfaite des techniques traditionnelles et modernes de confection. Très vite, elle accède à l’enseignement. Durant des années, elle forme les élèves des Beaux-Arts de Dakar avant de partir animer des stages en France à la chambre de commerce de Lille, en Suisse aux Arts décoratifs de Genève, en Belgique aux Arts et Métiers de Bruxelles et même en Italie aux prestigieux Ateliers de la Scala de Milan.

Toujours autodidacte, la créatrice touche-à-tout élargit ses horizons en s’initiant au maquillage, au décor et à la scénographie ainsi qu’au design. Cette diversité l’amène à collaborer régulièrement avec le monde du spectacle. Elle devient ainsi habilleuse attitrée des plus célèbres chanteurs sénégalais tels que Baba Maal ou Youssou N’Dour. Au cinéma, elle réalise les costumes des films de grands cinéastes africains comme Mansour S. Wade, Sembène Ousmane ou Idrissa Ouedraogo. Avec  » Po Di Sangui « , de Flora Gomès et  » Hyènes « , de Djibrill Diop, Oumou Sy gravit par deux fois les marches du Festival de Cannes. C’est d’ailleurs au cours d’un tournage qu’elle rencontre le producteur français Michel Mavros avec qui elle vit aujourd’hui à Dakar.

Artiste engagée dans le développement culturel et social de son pays, la styliste inaugure, le 3 juillet 1996, le premier cybercafé d’Afrique de l’Ouest : le Metissacana. Situé en plein coeur de la médina de Dakar, le lieu, d’une superficie de 800 m² et décoré avec soin par sa propriétaire, abrite un salon de thé, une salle informatique, des défilés de mode ou encore une salle de projection. Le Metissacana reçoit également tous les ans la Semaine internationale de la mode de Dakar, créée par Oumou Sy.

N’oubliant pas ses talents de pédagogue, Oumou Sy fonde en 1998 sa propre école-atelier : Leydi. Animé par des professionnels africains et occidentaux, le centre de formation enseigne les techniques traditionnelles, utilisées par les différentes ethnies africaines pour la création de leurs parures et bijoux. Mais on y apprend aussi les techniques contemporaines et occidentales. Au programme : coupe, couture, broderie, tissage, batik, teinture, peinture sur soie, maroquinerie, bijouterie, filigrane, céramique, poterie, maquillage, coiffure, stylisme…

Dans ce foisonnement d’activités, les domaines de prédilection d’Oumou Sy restent la haute couture et le prêt-à-porter. Ses oeuvres parcourent les podiums du monde entier et sont de tous les défilés. Robes-bijoux de bronze touareg, ensemble en tiges de raphia ou en dizaines de calebasses, costume en taffetas et anneaux tressés en fibre végétale, ses créations exubérantes lui ont valu tous les honneurs; dont le 1er prix 1998 de la Fondation Prins Claus ou encore le titre d’ambassadrice de la Mode africaine à l’Exposition universelle 2000 de Hanovre.

Julien Fernandez Photos: Christophe Lepetit/Saola/Photo News

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