Cet hiver, on réduit son empreinte carbone au maximum en se passant des remontées mécaniques. Ski de rando, raquettes, fat bike… En route pour une neige  » unplugged « .

L’objectif  » poudreuse  » de cette année était clair : s’offrir le plein d’activités, tout en faisant l’impasse sur les infrastructures mécaniques encadrant les domaines skiables. But de la manoeuvre ? Eviter les foules, renouer avec une glisse originelle, nourrie à l’effort et aux endorphines, mais également être au diapason des questions environnementales. C’est en toute logique que l’on s’est retrouvé à Pralognan-la-Vanoise, fond de vallée situé en Tarentaise. Installée au coeur du parc national de la Vanoise – un patrimoine vert parfois perçu comme un frein pour les habitants qui aimeraient en développer le potentiel économique -, la station fait valoir un vrai profil alpin préservé : elle est entourée d’une trentaine de sommets de plus de 3 000 mètres et possède la plus grande calotte glaciaire d’Europe continentale. Une sorte de petit Chamonix, le côté oppressant en moins. Etabli à 1 410 mètres d’altitude au confluent des vallées glaciaires de la Glière et de Chavière, ce coin de France se découvre comme une destination nature par excellence. En témoignent les 70 % de son territoire classés en zone centrale du parc national et son taux d’urbanisation ridiculement bas, 5 % (7 habitants par km2). La randonnée y est incontournable, que ce soit sur les vias ferratas ou le long des GR 5 et 55.

La marche et l’effort sont inscrits dans l’ADN de cette commune de Savoie. Dès le XVIIe siècle, elle s’affichait comme un jalon sur la route du sel et du beaufort, un chemin prisé par les colporteurs et les contrebandiers. Au bout du périple ? Le Piémont et plus globalement l’Italie, d’où l’on revenait les bras chargés d’étoffes et d’épices. Autre élément fort du caractère aventureux de cette contrée : son inscription précoce sur la carte de l’alpinisme. Dès 1860, un Britannique, William Matthews, accompagné d’un pisteur local et d’un guide de Chamonix, chatouille La Grande Casse, point culminant de la Savoie, dont les 3 855 mètres toisent le massif de la Vanoise. Il n’en faut pas plus pour qu’un destin se dessine. Création de la Compagnie des Guides de Pralognan, ouverture d’un grand hôtel, visite du président Félix Faure… A l’aube du XXe siècle, ce village compte parmi les lieux pionniers de cette ruée vers la poudreuse qui portera un jour le nom de  » sports d’hiver « .

Aujourd’hui,  » Pralo « , comme la surnomment les habitués, s’impose auprès des amateurs en tant que paradis du ski de rando. Ce dernier y a pris son essor en raison de l’incroyable terrain de jeux – 7000 hectares – qu’offre l’endroit. A l’immense décor blanc s’ajoute un caractère authentique fourni par l’aura glaciaire du lieu. Ce n’est pas pour rien que Pralognan accueille la Trans’Vanoise, unique course de ski alpinisme à se dérouler sur glacier dans l’Hexagone. Cet événement impressionne par sa difficulté : 38 km d’un parcours comprenant passages encordés et sur arêtes, ainsi qu’un relief de 3 820 m de dénivelé tant positif que négatif. Outre la sueur et les vertiges qu’elle génère, cette compétition engendre des vocations. Difficile d’en regarder les teasers sur YouTube sans aller voir sur place ce que cela donne. Le bureau local des guides l’a bien compris en mettant au point un programme spécifique. En compagnie d’un pro, il est possible de pratiquer la rando, spatules aux pieds, par nuit de pleine lune, à l’aurore ou lors d’un périple de deux jours à l’assaut des sommets mythiques. La bonne nouvelle, c’est que cette discipline n’est plus l’apanage d’une poignée de sportifs chevronnés. On en a eu la preuve le temps d’une ascension. Notre profil ? Celui d’un skieur moyen à la condition physique honnête. Il n’en faut pas plus pour expérimenter de belles sensations.

GARE AU DARD

Accompagné par Sébastien Amiez, médaillé d’argent aux Jeux olympiques de 2002, on s’est offert une ascension jusqu’au refuge du Col de la Vanoise à 2 517 mètres d’altitude avec, pendant un long moment, La Grande Casse en ligne de mire. La montée n’est pas trop raide, elle se fait en traversant le plateau de la Glière et en longeant le Lac des Vaches. Progressivement, on laisse derrière soi les épicéas, aulnes sauvages et mélèzes. L’itinéraire fait alterner en douceur terrains légèrement pentus, plats et sentiers plus verticaux. Remarquable est la faune qui sert de toile de fond à cette balade d’environ 2 h 30. Dans les jumelles, on aperçoit bouquetins – 2 600 d’entre eux ont été recensés dans le parc naturel -, chamois, coqs de bruyère, lièvres variables et, pour les plus chanceux, aigles royaux ou perdrix blanches.

Au bout de l’ascension, une surprise, le vieux bâtiment qui constitue le refuge originel, celui-là même qui avait été baptisé Félix Faure après la visite du président, est flanqué de deux autres bâtisses. La plus visible a été inaugurée en 2014. Loin de l’image d’inconfort rustique qui colle au genre, cet hébergement en bois et en pierre locale invite à se poser. Depuis la terrasse, le panorama époustouflant embrasse le plateau du Col de la Vanoise, la Grande Casse et la Pointe de la Réchasse. Avec ses panneaux Matra, l’autre édifice porte la marque des années 70 et est signé par Jean Prouvé. Labellisée  » patrimoine du XXe siècle  » et forte de lignes emblématiques, cette structure a été mise en vente par le Club Alpin Français, sans succès.

C’est déçu de ne pas pouvoir consacrer les 200 000 euros nécessaires au sauvetage de ce trésor architectural que l’on entame la route du retour. Celle-ci est 100 % plaisir, une descente jubilatoire dans un énorme paquet de neige. Le parcours est néanmoins parsemé d’un soupçon d’adrénaline : il est placé dans l’axe de la Pointe du Dard, l’un des couloirs d’avalanche les plus impressionnants de France. Heureusement, la saison n’est pas aux glissements de manteau blanc et Sébastien Amiez connaît le terrain. Pas envie de courir ce genre de risque ? A Pralognan, la discipline peut aussi s’aborder de manière plus accessible. Direction les Fontanettes, vers le Mont Bochor. Le pitch ? De la montée sèche disponible en version  » 1 h 30  » – jusqu’à 2000 mètres d’altitude, avec 400 mètres de dénivelé – ou  » 2 h 30  » – 650 mètres de dénivelé jusqu’à 2 250 mètres. Jean-Pierre Favre, guide de haute montagne, explique :  » Contrairement aux randonnées organisées, le plus de cette nouvelle piste est qu’elle est entièrement praticable sans guide car sécurisée. C’est un excellent moyen de s’entraîner ou de s’initier.  »

DÉCONNEXION AUTORISÉE

Pralognan n’est pas la seule destination à pousser les candidats à se passer des remontées mécaniques. Dans un autre genre, Saint Martin de Belleville propose d’intéressantes possibilités débranchées. Est-ce parce que la commune n’a été reliée au réseau électrique qu’en 1953 ? Toujours est-il que les opportunités sont nombreuses. Ouverte par excellence, la Vallée des Belleville permet elle aussi d’inoubliables odyssées en raquettes ou en ski de rando. Un guide comme Michel Perret a plus d’un itinéraire-découverte dans son sac. L’homme sait comment retrouver le goût de la neige loin des files des télécabines. Dans les traces de ses spatules, on part du Châtelard, un petit village à l’ubac, direction le lieu-dit Téton. Soit 3 heures de grimpette offrant une superbe vue sur la vallée et les maisons en pierre de La Gittaz. La progression est lente, un pas après l’autre, on grignote les flancs à travers des alpages et des montagnettes, hébergements traditionnels savoyards, qui, l’hiver, perdent leur statut de propriétés privées en raison de la  » loi Montagne « . Ce texte de 1985 précise que sur les sites touristiques classés, le  » manteau neigeux n’appartient à personne « , un privilège pour le randonneur qui, le temps de quelques heures, évolue dans un monde où les limites ont été abolies. La sensation est plus que grisante, elle ajoute au bonheur de ne croiser personne. En sueur, on comprend définitivement que celui qui ne s’en remet qu’à la gravité pour dévaler les pistes manque l’essentiel. Saint Martin programme aussi une initiation au biathlon, discipline combinant ski de fond et tir à la carabine. Sans oublier le VTT des neiges et le fat bike qui consistent à dévaler les pentes à vélo, solidement harnaché d’un casque, de genouillères, de coudières et d’un garde-corps. L’impression de liberté est totale. On oublie qu’à quelques kilomètres, Val Thorens débite des fanas des cimes au kilomètre. Tel est le plus beau paradoxe de cette station : on se dépense et pourtant on recharge ses batteries. L’autonomie qui en résulte n’a pas de prix.

PAR MICHEL VERLINDEN

UNE DESCENTE JUBILATOIRE DANS UN ÉNORME PAQUET DE NEIGE.

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