Les senteurs qui leur plaisent, celles que leurs parents adoptent pour eux. Petit tour au vert paradis des fragrances enfantines.

Si l’on en croit le dramaturge Corneille,  » la valeur n’attend point le nombre des années « . Si l’on en juge par les rayonnages des magasins de beauté, le parfumeur, lui non plus, n’attend pas le nombre des années, car c’est dès le berceau qu’il vient cueillir le consommateur. De quand date cet engouement ? C’est la maison Christian Dior qui a inventé le marché, comme le raconte l’historienne des parfums Elisabeth de Feydeau.  » En 1967, la princesse Grace de Monaco avait inauguré, au 28, avenue Montaigne, à Paris, juste à côté du siège de la maison de couture, une boutique Baby Dior où les clientes pouvaient trouver de quoi habiller leur progéniture, mais aussi peluches, hochets et couffins. Trois ans plus tard, en 1970, c’est sous le même nom de Baby Dior qu’apparaît un parfum pour enfant, conçu sur une base d’eau de Cologne, mais dans une version peu alcoolisée compte tenu de sa destination pour le plus jeune âge.  »

Las ! trop en avance sur l’époque, cette audacieuse fragrance ne fut pas un réel succès. Les mères se contentant du bon vieux savon Cadum pour toiletter leurs rejetons, le parfum partit aux oubliettes en à peine trois ans. Il faudra attendre 1986 pour qu’un autre fabricant de mode enfantine ose se lancer dans l’aventure. Il faut dire que le contexte familial s’y prêtait. Un peu plus de dix ans après avoir créé Bonpoint, sa boutique de vêtements bon chic bon genre pour enfant, Marie-France Cohen demande en effet à sa soeur, la parfumeuse Annick Goutal, de concevoir une fragrance pour sa jeune clientèle. Baptisée l’Eau de Bonpoint, cette composition tout en agrumes (néroli, orange bigarade, citron et mandarine) devient tout de suite un élixir vedette.

Un quart de siècle plus tard, pas un vêtement dans une boutique Bonpoint n’est vendu avant d’en avoir été délicatement parfumé. Preuve de l’enthousiasme, une version concentrée a même été mise en vente en 2011. Parfum connu et reconnu, l’Eau de Bonpoint est pourtant loin d’être le n° 1 des ventes ; c’est un autre pionnier du marché, lancé un an plus tard, en 1987, et aussi venu de la mode enfantine, qui tient ce rang : le Ptisenbon de la griffe Tartine et Chocolat. Aujourd’hui produit par Givenchy, ce best-seller, aux notes de chèvrefeuille, de muguet et de jasmin, a un bouquet floral en réalité si léger (ce qui ressort avant tout est un fond de citron) que les adolescentes asiatiques, friandes de sillages discrets, en ont longtemps fait leur chouchou dans cette partie du monde.

Toutes les grandes maisons de parfumerie qui ont concocté des senteurs enfantines n’ont pas connu un destin couronné du même succès. Conçu pour l’un de ses petits-fils, Petit Guerlain, créé en 1994 par Jean-Paul Guerlain, n’est plus disponible aujourd’hui, tout comme Une Souris verte de Molinard. Se défendent plus que bien, en revanche, Baby Touch de Burberry (mandarine et menthe sur fond velouté de vanille) ou, dans une moindre mesure, Petits et Mamans de Bulgari (bois de rose, pêche et camomille, mariés à des notes d’iris).

Chez la plupart des acteurs de ce marché, les lignes se déclinent en deux versions : l’eau de toilette et l’eau de senteur. Si cette dernière dénomination  » n’a fait l’objet d’aucune législation précise, comme le souligne Isabelle Orquevaux Hary, conseillère scientifique auprès de la Fédération des entreprises de la beauté, en France, les professionnels s’en servent usuellement pour désigner un produit sans alcool. Plus adéquat pour les nourrissons et les jeunes enfants jusqu’à 3 ans « . Les senteurs sont alors plus volatiles, mais, comme la peau des tout-petits est non seulement très fine et fragile, et que le rapport entre le poids d’un bébé et la surface de son épiderme est de sept à huit fois supérieur à celui d’un adulte, même un ingrédient en petite quantité dans un parfum peut se retrouver en forte concentration dans son organisme, par simple pénétration cutanée.

Pour Laurence Wittner, coauteur du guide Les Meilleurs Produits de soins pour bébés et jeunes enfants,  » il est préférable dans les premières années de parfumer leurs vêtements plutôt que leur peau, certaines huiles essentielles contenues dans les fragrances pouvant être agressives « . Passé ce principe de précaution, il semble toutefois difficile d’interdire à une petite fille ou à un petit garçon (même si moins de produits sont élaborés à son intention…) âgé de 7 ans et plus, de vouloir se bichonner comme les grands. Vers quoi se tournent alors leurs premiers désirs olfactifs ?  » Ils veulent de la gourmandise avant toute chose « , répond Nathalie Gourbeyre, fondatrice de l’entreprise lyonnaise Koto Parfums.

 » Avec de la vanille, des fruits rouges et une touche florale, vous avez les bons ingrédients de base pour les séduire. Reste à trouver le personnage qui va remporter leurs suffrages !  » Car c’est bien là l’un des autres aspects de cette parfumerie enfantine : héros de dessins animés, vedettes de manga ou figurines peuvent déclencher l’achat ! Après avoir fait un carton avec ses parfums Hello Kitty, Nathalie Gourbeyre a ainsi vendu, depuis septembre 2011, plus de 100 000 flacons de ses Kimmi, minigeisha aux cheveux multicolores. Ce que fleure bon Billie, l’un des derniers-nés de la gamme ? Barbe à papa et feuille de figuier. Cela pourrait bien présager d’un succès à plein nez…

PAR GUILLAUME CROUZET

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