Le Parisien serait-il donc devenu une Parisienne comme les autres ? A l’instar d’AMI, de plus en plus de griffes masculines s’inspirent de son dressing, réel ou imaginaire. Avec en toile de fond un marketing qui repose sur l’aura jamais démentie de la Ville lumière.

Quand on imagine le vestiaire présumé du Parisien trentenaire, version boboïsée tendance hipster, on pense jeans bien sûr, paire de sneakers blanches, tee-shirt uni ou pull en cachemire, peu importe, pourvu qu’ils aient vécu, avec un blouson cintré par-dessus. Un look plus casual que chic, autrement typé que l’idée que l’on se fait d’une silhouette à l’italienne ou à l’anglaise, formatée par près d’un siècle de tailoring instaurant le costume bien coupé en art de vivre. De plus en plus de jeunes griffes se revendiquent désormais de cette dégaine à la cool qui se fignole aussi saison après saison grâce à elles. L’éternelle question de la poule et de l’oeuf, finalement, qui pousse à se demander qui a engendré quoi. Ce qui est sûr en revanche, c’est que la marque de fabrique  » en direct de Paris  » fait vendre. La preuve par trois labels  » made in Paname  » du début du troisième millénaire.

COMMUNE DE PARIS, 1871

Les boss. La marque est lancée en 2009 par Alexandre Maïsetti –  » titi parisien ayant grandi à l’ombre de la butte de Ménilmontant  » – et Sébastien Lyky –  » banlieusard exilé sur les hauteurs de Belleville  » -, tous deux autodidactes de la mode. Elle compte désormais une centaine de points de vente et a ouvert sa première boutique, à Paris, en avril 2015.

L’histoire. C’est l’insurrection populaire de 1871 qui a donné son nom au label qui n’hésite pas à se revendiquer des  » valeurs humanistes  » d’un mouvement contestataire qui s’est tout de même terminé dans le sang et la répression… Un propos qui n’a pas manqué de faire grincer des dents du côté de l’extrême gauche française, regrettant la récupération d’un mouvement prolétaire à des fins mercantiles. Qu’à cela ne tienne, les deux créateurs se disent imprégnés par l’esprit d’indépendance, d’audace et de liberté des insoumis parisiens et proposent une  » mode qui se veut simple et bien faite, avec un peu de sens « . Chaque collection est l’occasion pour eux de collaborer avec des  » communards invités  » – cette saison, les illustrateurs Pierre Jeanneau et le duo du studio Fortifem signent deux capsules – qui réinterprètent à leur manière les cocardes, canons, coqs, barricades et autres symboles du XIXe siècle révolutionnaire.

www.communedeparis1871.fr

BLEU DE PANAME

Les boss. La marque est lancée en 2009 par Christophe Lépine et Thomas Giorgetti, deux enfants de la banlieue sud de Paris. Alors que ce dernier baigne dès l’adolescence dans la culture skate infusée au graffiti, Christophe, au même âge, décroche un diplôme en maintenance électrique dans un lycée professionnel, ce qui l’amène à porter des bleus et autres vêtements de travail dans la vraie vie avant de les revisiter dans ses collections aujourd’hui. BDP possède une boutique à Paris depuis presque deux ans maintenant et est proposé dans 140 points de vente.

L’histoire. Destiné à une  » nouvelle génération d’urbains  » en quête de  » vêtements de travailleurs updatés pour accompagner le labeur et la détente « , le label de fabrication 100 % française honore, par son nom,  » un esprit parisien « , tout en annonçant d’emblée la couleur monobloc, qui se distillera majoritairement dans toutes les collections. Son must-have – la veste dite de comptoir, aussi appelée bougnat – est produite chaque saison dans sa version originale mais le vestiaire, composé à la base de huit pièces, s’est aujourd’hui élargi pour offrir des pantalons, des chemises, des sweats, des vestes, des blousons et même des parkas déclinés dans des matières premières exclusives, dérivées des tissus fondamentaux utilisés pour le vêtement de travail  » classique  » comme la moleskine française, le coutil ou le croisé.

www.bleudepaname.com

PIGALLE PARIS

Le boss. La marque est lancée en 2008 par Stéphane Ashpool. Il s’agit au départ d’une boutique pointue distribuant Comme des Garçons et Rick Owens, entre autres, qui développera sa propre ligne dès l’année suivante. Passionné de basket – il entraîne une équipe de minimes dont les membres seront au coeur de la collection printemps-été 2016 – l’enfant de ce quartier qu’il rêve de mettre au coeur de la scène fashion a reçu le Grand Prix de l’Andam en 2015.

L’histoire. Biberonné à la culture street, Pigalle Paris se définit davantage comme un  » mouvement  » qu’une simple griffe de mode, lié au monde de la nuit et à la création musicale via ses liens avec le collectif Pain O Chokolat. Les tee-shirts noir et blanc des débuts ont laissé la place à des pièces plus  » couture « , entre bombers venus du Japon, peignoirs en soie – que Stéphane Ashpool adore porter façon kimono à toute heure de la journée – et manteaux colorés en mohair. Le label, qui a séduit les stars internationales du sport, du hip-hop et du R’N’B, a choisi de garder une distribution confidentielle – deux boutiques, à Paris et Tokyo – afin de maîtriser sa croissance et garantir une production majoritairement française. L’ambition de son créateur : installer son atelier dans le quartier qui l’a vu grandir et refaire de la  » confection  » non plus un commerce dont la force de travail est délocalisée, mais un artisanat capable de faire vivre des gens localement.

www.pigalle-paris.com

PAR ISABELLE WILLOT

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content