PARLER LA LANGUE DES INSIGNES

DELPHINE KINDERMANS, RÉDACTRICE EN CHEF © FRÉDÉRIC RAEVENS

A priori, difficile de faire plus antinomique que l’épingle à nourrice, rebelle en diable, et la très racée montre Tank de Cartier. A y regarder de près, pourtant, et malgré des ADN bien distincts, certains rapprochements ne sont pas à exclure entre les deux accessoires, qui l’un et l’autre doivent en partie leur notoriété aux stars qui se les sont appropriés. Tandis que Clark Gable, Duke Ellington, Cary Grant et Andy Warhol ont largement contribué au succès de la version masculine de la célèbre tocante, Jackie Kennedy, Lady Di, Michelle Obama ou Madonna, pour ne citer qu’elles, ont fait connaître son interprétation féminine. Dans une catégorie moins sage, on sait que les têtes de pont du mouvement punk ont pris pour emblème ce qu’on pourrait considérer comme une descendante de l’antique fibule. D’abord destinée à leurs piercings, elle s’est vite retrouvée, en nombre, sur les jeans déchirés, chemises de bûcheron ou tee-shirts des Siouxsie Sioux, Johnny Rotten et Sid Vicious. La légende voudrait que Malcolm McLaren, manager des Sex Pistols, ait piqué l’idée à Elli Medeiros, croisée sur un trottoir parisien, qui l’arborait à l’oreille. Nouveau point de convergence, donc, avec la centenaire horlogère, elle aussi née dans la rue. C’est en effet en voyant d’en haut un char britannique, symbole de la libération, que Louis Cartier invente son design en 1917 : l’habitacle se mue en boîtier, et les chenilles se font brancards. Et le nom est tout trouvé.

Ces deux bijoux ont à la fois réussi à incarner une époque et à devenir intemporels.

Iconiques dans des genres différents, les deux bijoux ont à la fois réussi à incarner une époque et à devenir intemporels. Un filon qui ne pouvait rester inexploité. Alors que des créateurs indépendants, dont les Belges Wouters & Hendrix, ont repris l’épingle à leur compte pour en proposer des déclinaisons ultrachics – une récupération bourgeoise qui aurait de quoi filer de l’urticaire aux keupons -, la maison de la place Vendôme s’est, de son côté, inspirée des chiffres romains de son modèle-phare pour imaginer une  » collection d’instants olfactifs de pure émotion « . Car pour faire naître un parfum sous les meilleurs auspices, rien de tel que de l’ancrer dans une solide tradition de luxe. Tiffany & Co., dernier-né des jus de joailliers, ne s’est pas écarté de cette règle d’or : flacon facetté comme les diamants les plus précieux de la griffe, allusions au fameux bleu la distinguant depuis 1853, notes d’iris référant à un des motifs classiques des pièces qu’elle dessine… Tout est là pour que la communication soit cohérente. Parce que porter un bijou ou une fragrance, c’est toujours délivrer un message.

Retrouvez chaque vendredi Delphine Kindermans dans l’émission Pop & Snob de Fanny Guéret sur www.rtbf.be/auvio et sur pure

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