» Les parfums sont les sentiments des fleurs « , disait l’écrivain allemand Heinrich Heine. A Tirlemont, une passionnée a créé tout un monde d’émotions olfactives dans son jardin clos.

Carnet d’adresses en page 98.

 » C’ est merveilleux comme un jardin clos peut retenir les odeurs. Elles semblent suspendues dans les airs « . Cela fait près de dix ans que Francine Reymen et son mari ont emménagé dans leur jolie maison, construite sur l’emplacement de ce qui fut autrefois la conciergerie de l’hôpital de Tirlemont, détruit en 1945. Leur propriété compte 300 m2 de jardin dont le périmètre est entièrement clos. Deux hauts murs latéraux réunissent, en effet, l’habitation récente aux anciennes écuries transformées en orangerie, le tout formant un quadrilatère.

Il suffit d’emprunter la petite ruelle latérale qui longe ce jardin pour en percevoir tout le charme. Lorsqu’il est en fleurs, le rosier liane  » Rambling Rector  » dépose un ravissant tumulte de pétales blancs par-delà un des piliers de la grande porte. Entrez et abandonnez-vous au plaisir des sens… La structure et la symétrie du jardin de Francine Reymen sont remarquables. Pour accroître encore les possibilités de jouer sur les axes et les chiffres pairs, l’ensemble a été séparé en deux par une haute haie de hêtres, tracée dans le prolongement de la cloison de la cuisine, une pièce qui fait ainsi face à un espace à la fois plus discret dans le choix de ses dessins et plus fantasque dans l’organisation des masses de rosiers grimpants roses qui escaladent le mur.

Face au salon-living, le jardin est plus large, plus ample et ouvragé, comme en témoignent les premières broderies de buis bas, ponctuées de boules légèrement plus grosses. Ce ne sont pas les seuls éléments à nécessiter une taille, loin s’en faut. Pêle-mêle, on trouve quatre Taxus façonnés en cônes, deux boules de Lonicera nitida, deux érables champêtres (Acer campestre) formés en hauts parallélépipèdes rectangles, deux boules sur tige de Ligustrum delavayanum placés dans des pots. Il y a aussi deux pommiers palissés,  » Elstar  » pour ses pommes rouges et  » Winter Banana  » pour ses pommes vertes. A noter : cette géométrie aux lignes régulières est adoucie par la présence de vivaces, d’arbustes à fleurs ou de grimpantes, comme l’imposante Clematis ‘Grandiflora’ qui occupe un bon tiers de la façade de l’orangerie.

Plus près de la maison, deux grosses touffes de Euphorbia characias ssp. wulfenii dominent de leur prestance les petits massifs. Il y a aussi un immense bouquet de Phlomis et bien d’autres vivaces que Francine consigne dans de longues listes de plantes tenues méthodiquement à jour.  » J’ai beaucoup de Geranium, mais aussi des lupins, des pivoines, d’autres euphorbes, des Hosta, des hellébores, des ancolies. Hellébores et ancolies ont chacune la possibilité de s’hybrider naturellement et de donner naissance à des variétés qui ne ressemblent pas aux parents. Chaque reprise de la végétation après l’hiver est donc annonciatrice de surprises. Mais j’ai le net sentiment que les vivaces auront de moins en moins mes faveurs dans le futur. C’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui. Je suis désormais plus intéressée par la structure, ou par les éléments que l’on peut tailler. J’ai envie de vues plus calmes. C’est pour la même raison que j’ai limité les clématites. Elles ont trop tendance à se développer de manière anarchique, à occuper l’espace.  »

La lecture des listes de plantes de Francine révèle différents classements. Parmi les fleurs parfumées, il y a la Matthiola longipetala ssp. bicornis, une annuelle qu’elle achète en Angleterre, car elle est difficile à trouver dans les catalogues de nos grainetiers. Cette plante herbacée de 35 cm de hauteur ouvre ses fleurs le soir, dégageant un parfum pénétrant. Les odeurs agréables sont généralement l’apanage de certains arbustes. La maîtresse des lieux a ainsi planté Viburnum, comme Virburnum carlesii  » Aurora  » ou Viburnum x bodnantense  » Dawn  » à l’Osmanthus x burkwoodii à Choisya ternata, Lonicera fragrantissima, Clerodendrum trichotomum ou Skimmia japonica  » Rubella « . Dans le jardin, on remarque aussi d’autres plantes odorantes beaucoup moins courantes comme Calycanthus floridus ou Carpenteria californica, un arbuste qui pousse sur les pentes sèches et dans les forêts de pins en Californie.  » Lorsque nous faisons visiter le jardin, beaucoup de gens sont étonnés de ne pas connaître notre sélection de plantes, s’amuse la jardinière. C’est assez logique parce qu’elles sont pour la plupart sensibles au froid. Mais une fois encore, les murs nous aident : ils créent un microclimat favorable, plus doux.  »

Ici, on peut aussi voir pousser quantité d’arbustes et de plantes herbacées.  » J’ai un temps essayé les Allium, explique Francine. Une tentative décevante : ils poussent bien la première année, puis les résultats sont plus aléatoires. En revanche, une bulbeuse comme Nectaroscordum siculum donne des résultats très gratifiants, et ce dès la première année.  » Le jardin compte encore des dizaines de rosiers : des buissons et des grimpants. Pêle-mêle, on peut citer  » Violette « ,  » Penelope « ,  » Buff Beauty « ,  » Perle d’Or « ,  » White Bath  » ou une rose à fleurs simples, Rosa rubrifolia.

La visite de ce petit paradis est source d’informations, d’idées. Il suffit de voir comment il a été tiré parti d’un coin ingrat, situé à l’ombre, ou comment a été traitée la pièce d’eau placée au centre de la plus grande chambre.  » L’eau me semble indispensable dans un jardin, souligne Francine. J’ai opté pour une forme classique. La plupart des gens pensent qu’il s’agit d’une construction ancienne. Il n’en est rien. La margelle a été réalisée en béton. Simplement, j’ai favorisé son vieillissement et le développement des lichens en appliquant régulièrement des couches de lait battu. Et puis, j’ai voulu assouplir cette présence. Il me semblait que le contact du béton et de la dolomie qui se trouve sur le pourtour dégageait une atmosphère froide. C’est pour cela qu’on a déposé ce petit liséré en lierre tout autour.  »

C’est ainsi, par de petites touches personnelles, que Francine  » construit  » un jardin original, à découvrir pour la combinaison qu’il propose entre la connaissance des plantes et la passion pour les structures. Celles-ci consistent d’ailleurs en l’essentiel des travaux d’entretien.  » En hiver, il n’y a pas grand-chose à faire, conclut la maîtresse des lieux. Mais on peut compter qu’à partir d’avril il faut y passer deux heures par jour, notamment pour les tailles.  »

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content