A la fois authentique et ultramoderne, l’hôtel-restaurant La Grenouillère demeure une adresse incontournable du Nord-Pas-de-Calais. Son chef, Alexandre Gauthier, surprend avec une cuisine aussi radicale que raffinée.

Niché en pleine campagne, non loin de la citadelle bien conservée de Montreuil-sur-Mer et à seulement sept kilomètres des plages de la Côte d’Opale, ce relais dont la réputation n’est plus à faire est installé dans une exploitation agricole datant du XVIe siècle. La Grenouillère est implantée dans les marais, sur les rives de la Canche, et rassasie ses hôtes depuis 1915 déjà. Durant les deux guerres, les commandants des armées allemande, britannique et française venaient d’ailleurs se sustenter dans cet endroit à l’abri des regards.

Ce sont les parents d’Alexandre Gauthier qui acquièrent le restaurant de la ferme le 15 mars 1979. Soit onze jours avant la naissance de leur fils. Enfant, ce dernier s’intéresse déjà à la bonne chère et il n’est pas rare de le croiser aux côtés de son père dès ses 15 ans. C’est donc assez logiquement qu’il reprend l’enseigne à l’âge de 23 ans et lui confère une touche plus contemporaine. Mais il faudra attendre encore quelques années, en 2011, pour que les lieux prennent réellement un nouveau départ. La métamorphose de l’hôtel et de sa table est l’oeuvre de l’architecte et scénographe Patrick Bouchain et de l’artiste François Delarozière. Depuis ces transformations, la bâtisse affiche un look de pavillon de chasse. Vaste, la nouvelle salle, au mobilier gainé de cuir, s’habille désormais d’acier, de verre et de murs noirs. Celle-ci offre une vue agréable sur les abords verdoyants et les fourneaux où s’affairent des cuisiniers vêtus en noir et blanc et travaillant à la lumière de dizaines de spots. Ce décor hors du commun prend encore davantage d’ampleur le soir venu.

IMMERSION COMPLÈTE

Si les citadins se rendent à La Grenouillère, c’est non seulement dans le but de se laisser surprendre par les mets proposés mais aussi de se détendre dans un environnement totalement dépaysant. Quelques chambres-huttes disséminées dans le jardin sauvage permettent en effet aux visiteurs de prolonger quelque peu l’expérience. Chaque cabane compte une baignoire dissimulée dans un large caisson et un feu ouvert qui, par temps froid, réchauffe l’atmosphère. Pour se dégourdir les jambes, la Baie de Somme et les Jardins de l’abbaye de Valloires se situent à un jet de pierre. La Belgique n’est pas bien loin non plus. Nombreux sont d’ailleurs nos compatriotes possédant une seconde résidence dans ce coin perdu de France. La Grenouillère n’est également qu’à deux heures de route de Paris. Mais Alexandre Gauthier préfère dire qu’il se trouve  » au sud de Bruxelles et de Londres  » qu’à  » proximité de la capitale française « .

Sa référence culinaire ? Michel Bras, officiant à Laguiole dans l’Aveyron et pour lequel il éprouve un immense respect. Alexandre Gauthier décrit son propre style culinaire comme  » spontané et empreint d’une brutalité et d’un raffinement maîtrisés « . Le jeune chef cuit les coquilles Saint-Jacques à feu vif afin qu’elles soient croquantes à l’extérieur et tendres à l’intérieur. S’il accorde une grande importance au goût, l’odorat est également essentiel à ses yeux. Il prépare ainsi le homard dans du genièvre brûlant et grille la viande à feu très vif de façon à ce qu’elle soit presque crue à l’intérieur. Ses plats stimulent les sens et l’intellect. L’homme travaille sans complexes ni préjugés en réinterprétant son terroir. Ses réalisations reposent sur les règles de la gastronomie française, mais aussi sur son humeur et les produits régionaux, notamment les fruits de mer et les poissons. Il joue avec les aliments en les cuisinant tantôt jeunes, tantôt bien mûrs. Si une fraise à maturité, parfumée et sucrée à souhait, est idéale en dessert, il apprécie le croquant et l’acidité d’un fruit plus vert dans une entrée à base de foie gras par exemple.

Alexandre Gauthier dit ne pas avoir de recette signature. C’est au travers de ses menus que s’exprime toute l’étendue de son talent culinaire. Ceux-ci débutent toujours par des saveurs acides et rafraîchissantes dans le but de mettre en appétit. Ici, pas de métaphores pompeuses pour décrire les assiettes : c’est le nom de l’ingrédient principal qui désigne la création. Au fil des services, on assiste à une véritable montée en puissance, entrecoupée de moments plus calmes pour  » neutraliser  » le goût, avec une succession de préparations réellement artistiques qui forment finalement un ensemble cohérent.

La Grenouillère, rue de la Grenouillère, à 62 170 La Madelaine-sous-Montreuil. Tél. : +33 3 21 06 07 22. www.lagrenouillère.fr

PAR PIETER VAN DOVEREN / PHOTOS : KRIS VLEGELS

Ici, pas de métaphores pompeuses pour décrire les assiettes : c’est le nom de l’ingrédient principal qui désigne la création.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content