Le king du dermographe qui a tatoué people, politiques et quidams rêve de  » s’offrir  » Arno. En attendant, Loïc Gignoud, né à Liège et installé à Paris où il a trois ateliers, peaufine son style, coloré et aéré.

Loïc Gignoud – salopette denim, cheveux ras et barbe dépareillée – a l’allure d’un personnage steinbeckien. Fermier ruiné quittant son Oklahoma dans l’Amérique de la Grande Dépression ou, mieux, Pied Nickelé échappé du bagne, courant à travers des champs de maïs façon frères Coen dans O’Brother. Il faut pourtant se rendre à l’évidence, cet homme de 37 ans n’a à voir ni avec l’un ni avec l’autre. Loïc est un ténor du tatouage. À Paris, où il s’est installé il y la quinze ans, il détient trois ateliers sous le nom d’Abraxas qui ne désemplissent pas, plus un autre à la Réunion ainsi qu’une société de fabrication d’aiguilles de tatouage délocalisée en Chine.

Bruce Willis et sa petite amie, Emma Heming, s’en sont remis à son dermographe. Mais aussi le haut fonctionnaire et énarque Jean-Paul Cluzel, directeur du Grand Palais à Paris, l’humoriste Guy Carlier et Joséphine, la fille de Frédéric Dard  » qui se sont échangé leurs initiales sur leur poignet  » ainsi que  » quantité de gens de la télé-réalité  » dont il a oublié le nom.  » Le tatouage s’est généralisé, la pratique touche toutes les classes sociales, du quidam au sportif de haut niveau.  » Son rêve ? Il aimerait  » s’offrir  » le chanteur Arno dont il écoute les albums en boucle.

Très impliqué dans la profession, Loïc délivre des stages de pratiques sanitaires en compagnie de médecins et épidémiologistes.  » L’hygiène est une priorité.  » Une quête préventive qu’il mène en milieu hospitalier avec son frère cadet, Richard, 34 ans, pierceur notoire. Les deux frangins ont grandi à Bressoux, à côté de Liège, élevés par leur arrière-grand-mère qui leur interdisait d’approcher à moins de 20 mètres le salon de tatouage du coin de la rue tenu par d’affreux Hell’s Angels. L’interdit sera bravé dix ans après, à Limoges où Loïc s’installe comme barman après une adolescence passée en Savoie. Allez savoir pourquoi, ce sera une repro inspirée par la BD, Tintin ou plus exactement l’araignée de L’Étoile mystérieuse sur le mollet droit.

Monté à Paris, Loïc se forme au métier de tatoueur chez un vieux routier du pistolet, dans le quartier du Marais. Il trouvera peu à peu son style, aéré et coloré.  » Les grandes pièces sont très stimulantes, mais si je fais en moyenne un « costume » (un corps intégralement tatoué) par an, je trouve beaucoup de plaisir à réaliser des petites interventions. L’important est d’évoluer. Je me nourris beaucoup des rencontres avec mes collègues étrangers, car il y a une vraie communauté tattoo. Je travaille six à huit semaines, dix heures par jour et après je voyage pendant quinze jours dans le monde en choisissant mes destinations en fonction des pierceurs et tatoueurs que je vais rencontrer. « 

Le jour de notre rencontre, Loïc s’apprête à partir en Equateur dont il reviendra peut-être orné d’un nouveau blason.  » Il y a encore de la place. Quelque part entre les avant-bras (esquisse maori), le torse (fac-similé de fruits) ou le pectoral droit, fraîchement repeint d’un motif  » dot « , le courant montant de la scène tattoo, qui consiste en une succession de petits points piqués à l’aiguille et non dessinés.

Sur la cuisse droite de Loïc Gignoud, on trouve un dragon qu’il s’est tatoué lui-même à ses débuts. Sous le menton, se cache une petite tête de mort, gravée au lendemain du décès de son grand-père. Le tatoueur évoque à demi-mot les pratiques moins populaires et plus trash de la profession, comme les scarifications, le branding – exécuté avec un fer chauffé à blanc – ou le peeling profond qui en ferait évanouir plus d’un.  » Le jeu consiste parfois à repousser les frontières de la transgression. Moi je finirai tout bleu « , promet-il. Loïc Gignoud, baptisé par Hergé, achevé par Peyo.

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Antoine Moreno

 » Le jeu consiste parfois

à repousser les frontières

de la transgression.

Moi je finirai tout bleu. « 

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