Des célèbres côtes de Blaye aux doux contreforts des Pyrénées, l’Aquitaine s’enorgueillit de villes prestigieuses entourées de paysages vert tendre cinglés par les rouleaux furieux de l’Atlantique. Escapade au charme vivifiant en passant par Bordeaux, Biarritz et Bayonne.
Bordeaux, l’élégante
D’abord se précipiter sur la rive droite via le splendide pont de Pierre. Où, au pied de l’ancienne gare du Paris-Orléans, on s’offre le plus beau travelling sur laà rive gauche. L’or des façades classiques s’y mire dans les flots de la Garonne. Somptueux décor du xviiie siècle, de jour comme de nuit, la place de la Bourse flanquée des hôtels de la Bourse et des Douanes éclate de grandeur sous toutes les nuances que les ciels lui peignent. En forme de croissant, entièrement restaurés et dépouillés des anciens entrepôts, les quais historiques arriment aujourd’hui les chalands en quête de boutiques et restos branchés.
Tout proche, le quartier des Chartrons (Chartreux en gascon) regorge d’antiques demeures de négociants en vins. Autrefois marécages, les lieux – tirés au cordeau – ont été asséchés par les Flamands (un quartier s’appelle Bruges) et les Néerlandais. Ces ruelles étroites, aux immeubles puissants en calcaire blond d’Aquitaine ont accueilli dès le xviie siècle des générations de courtiers protestants issus d’abord des Pays-Bas, ensuite d’Irlande et des villes marchandes de la Hanse germanique. Les façades des chais abritaient d’impressionnantes caves où les vins vieillissaient en barriques. Le 18 avril 1855, à l’instigation de Napoléon III, naissent les grands crus classés Médoc et Sauternes. En 1924, Philippe de Rothschild décide de la première mise en bouteille au château, privant ainsi de leurs prérogatives ancestrales les négociants bordelais.
Des Chartrons, dans un doux glissement, le tramway bleu gris nous entraîne à la découverte du centre-ville où se côtoient les monuments et quartiers les plus remarquables. On s’engouffrera dans les rues piétonnes où s’alignent, abrités dans de splendides bâtiments classiques du xviiie siècle, restaurants, boutiques, grands magasinsà dans une ambiance particulièrement animée, joviale et sympathique. L’interminable rue Sainte-Catherine entraîne ainsi le promeneur jusqu’à la place de la Comédie où se toisent dans toute leur splendeur le Grand Théâtre (inauguré en 1780), aujourd’hui Opéra national, et son contemporain, le Grand Hôtel.
Image emblématique du Bordeaux d’aujourd’hui, le nouveau Palais de justice et tribunal de grande Instance est signé de l’architecte britannique sir Richard Rogers (Prix Pritzker en 2007). Immense aquarium, l’espace aligne sept cônes-ruches en lamellé-collé qui percent un toit à vagues en cuivre. Le palais s’appuie sur d’anciens éléments des fortifications du Moyen Âge. Ce qui l’intègre parfaitement au tissu urbain tout près de la cathédrale gothique Saint-André. Contigu au parvis, place Pey-Berland, où de belles terrasses se prêtent à d’agréables moments de contemplation, l’hôtel de Rohan a une classe élyséenne. Construit en style Louis XVI pour l’archevêque de Bordeaux, le palais sera successivement tribunal révolutionnaire, palais impérial sous Napoléon puis palais royal. Depuis 1836, il héberge la mairie. A l’arrière se trouve le musée des Beaux-Arts : s’accusant d’être le parent pauvre de la culture locale, il accroche pourtant à ses cimaises un majestueux portrait du primat d’Irlande, le baron de Rokeby par le Britannique Joshua Reynolds, une exceptionnelle collection de l’école hollandaise du xviie siècle dont Ruysdael et Van Goyen ainsi que, pour l’école flamande, Le Martyre de saint Georges par Rubens (à l’origine à Lierre) et un splendide portrait de Marie de Médicis par Van Dijck (avec Anvers en arrière-plan).
Biarritz, l’impériale
La ville ne fut d’abord qu’un minuscule port de pêche à la baleine et ce jusqu’au passage de Victor Hugo en 1843 et l’arrivée en 1853 d’Eugénie de Montijo, impératrice des Français, qui en gardait, elle, un excellent souvenir de séjours familiaux. La souveraine en fit son lieu de villégiature privilégié. Napoléon III construisit en 1854, au c£ur d’un terrain de 20 hectares, la villa Eugénie (aujourd’hui hôtel). Biarritz est alors propulsée au devant de la scène mondaine et mondiale. Les altesses s’y pressent. Toute l’Europe titrée va se bousculer aux bains de mer, grands hôtels, casinos, golfsà Britanniques, Russes, Allemands, Espagnols se saluent et intriguent dans un luxe brillant. Phares d’une réussite insolente issue de la Révolution industrielle, de prestigieuses villas occupent les points de vue les plus imprenables. Sur la côte déchiquetée, les flancs rocheux et les rouleaux violents qui déferlent sur le front de mer et s’étalent sur les plages blondes. Cette brutalité des éléments attire aujourd’hui toute la crème mondiale des surfeurs qui tentent d’apprivoiser ces immenses déferlantes. Héritière d’un passé faste très présent par son patrimoine préservé, Biarritz procure aujourd’hui un coup de fouet magistral. Un petit conseil : n’évoquez surtout pas le Pays basque français ou espagnol. En Euskadi, l’on ne parle que du nord ou du sud.
Le couple impérial est encore aujourd’hui omniprésent dans la région. De par les travaux que Napoléon III fit par exemple entreprendre à Saint-Jean-de-Luz pour protéger la baie des emportements rageurs du Golfe, mais aussi par leur propension à parcourir l’arrière-pays. Armé d’un élégant makhila, bâton-dague de marche en néflier, on arpentera ainsi le massif de La Rhune (905 m) pour profiter du plus beau panorama qu’offre le pays. N’hésitez pas à y emprunter le petit train électrique à crémaillère qui a gardé tout son charme des années 20 (www.rhune.com). A Cambo-les-Bains, classé monument historique depuis 1995, la villa Arnaga est une réelle splendeur. Venu ici en 1900 pour s’y refaire une santé, Edmond Rostand, richissime trentenaire et auteur à succès, va se faire construire une villégiature de toute beauté. Réussite intégrale, cette grande maison d’inspiration basque renferme une suite de pièces à vivre de style Art nouveau. » Pour se reposer et fuir Paris « , l’auteur de Cyrano de Bergerac imaginera des jardins où se marient ordonnancement à la française et épanouissement faussement sauvage à l’anglaise. Couronné par un point de vue unique, cet écrin de verdure magnifie la demeure de rêve. (www.arnaga.com)
Bayonne, la gourmande
Plantée au confluent de l’Adour et de la Nive, la ville portuaire est résolument tournée vers l’Atlantique. Ordonnées autour de la majestueuse cathédrale gothique Sainte-Marie et de son cloître, d’étroites et hautes bâtisses (xviie – xixe siècles) de pierre ou décorées de colombages de chêne, se blottissent les unes contre les autres. Incontournables : les cours intérieures habillées d’élégantes cages d’escalier. A l’origine hébergeant artisans et commerçants, disposant d’étonnantes et énormes caves gothiques, ces édifices accueillent aujourd’hui antiquaires, restaurants et artisans de bouche. Renommée pour son jambon, Bayonne l’est tout autant pour sonà chocolat. La tradition remonterait au xviie siècle, lorsque les juifs chassés d’Espagne et du Portugal s’installent dans le sud-ouest pour en lancer la fabrication au royaume de France. Fascinant et véritable » must » pour Bayonne, le musée Bonnat (www.museebonnat.bayonne.fr) – un des plus importants de France – cache plusieurs collections de toute haute qualité. Articulées autour d’un féerique patio à l’italienne aux colonnettes d’acier topaze, les galeries abritent les plus grands noms de la peinture et de la sculpture. A voir.
Guide pratique en page 42.
Par Michel Hordies
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