L’aménagement d’intérieurs se déride. Loin des clichés de déco minimale et léchée, une kyrielle de créateurs proposent des objets amusants et décalés, inspirés de l’univers des mômes… mais pas que pour eux. Démo en deux reportages.

Fini la monotonie ! Alors qu’il y a quelques années, les lofts monochromes et autres projets tirés au cordeau se bousculaient dans les magazines, une tendance moins rigide se dessine. Les salons reprennent vie, le mobilier en voit de toutes les couleurs et d’aucuns prônent une philosophie d’habiter, orientée vers le plaisir et le vécu, plutôt que la beauté et l’esthétisme dogmatique. Témoin de cette vague épicurienne, les éditeurs s’en donnent à coeur joie avec des réalisations débridées. Il suffisait de se balader dans les allées du salon parisien Maison & Objet, en septembre dernier, pour se rendre compte de cette envie de chambouler les habitudes. On pense entre autres à la société Neo Legend, exposant des jeux Arcade à intégrer dans son séjour, version table basse ou borne ; à Meccano, commercialisant une ligne de meubles à monter soi-même ; ou encore aux balançoires de Fab Design à accrocher au beau milieu de son logement.

 » Ces collections jouent sur les codes de l’enfance mais aussi sur la nostalgie d’une génération aujourd’hui devenue adulte, mais ayant gardé une âme de gosse « , analyse Franck Millot, directeur commercial de Maison & Objet. C’est ainsi que les années 70, 80 et 90 reviennent en force et, avec elles, des références à la science-fiction, aux mangas, aux super-héros et à la pop culture en général.  » J’ajouterais que de nos jours, on ne recherche plus uniquement la fonctionnalité de son habitat mais on désire en faire un lieu de détente, complète l’expert. On voit également cela dans certaines startup qui veulent offrir à leurs employés un environnement permettant de faire de temps à autre un break, dans cette même volonté d’intégrer le délassement dans notre quotidien.  » Corollaire de cette évolution des lieux de vie : on ne reçoit plus les visiteurs de la même façon que par le passé.  » On observe dans les collections récentes des assises très basses, on accueille ses hôtes presque par terre, à cent lieues des prétendues bonnes manières de nos aïeux « , constate le directeur commercial, rappelant qu’une marque comme Fatboy, loin d’être nouvelle sur le marché, prône cet état d’esprit cool depuis des années, notamment avec son fameux pouf coloré, vendu déjà à plus d’un million d’exemplaires.

KIDS FRIENDLY

Un autre élément explique encore cette tendance : la manière dont la société envisage la famille et sa place dans le foyer.  » Désormais, parents et enfants partagent volontiers le séjour, ce qui implique que tout le monde doit s’y sentir bien, analyse l’organisateur de Maison & Objet. Il faut que l’espace soit beau mais par ailleurs adapté et cohérent.  » Les meubles design, version XXS, gagnent ainsi en popularité… et, dans une même logique, un mobilier  » pour les grands  » moins hermétique à l’imagination des plus jeunes apparaît – un exemple parlant, la Top Moumoute de Fab Design, véritable housse poilue à déguiser les tabourets. Des labels comme Moooi, Droog Design, Moustache ou encore Petite Friture multiplient les créations rigolotes, voir surréalistes, pour répondre à cette demande…

Dans un même ordre d’idées, les murs et étagères se couvrent d’oeuvres ou produits déridant l’atmosphère : figurines cartoons – Artbeat, Züni… -, mais aussi jouets arty – à l’échelle belge, on pense au récent babyfoot signé Alain Gilles ou à la toupie très graphique de Frédérique Ficheroulle, présentés au printemps dernier à Milan – ou de tableaux et affiches résolument décontractés – Ikea a ainsi invité cette année douze artistes street art à créer une ligne capsule de posters…

Si le fun fait donc figure de valeur montante, il ne s’agit néanmoins que d’un revival qui répond au besoin de dérision de notre société plutôt morose, mais pas d’une réelle nouveauté. Ainsi, Charles et Ray Eames imaginaient déjà, en 1945, un drôle d’éléphant en contreplaqué. Il ne fut pas vendu en série à l’époque, mais fait aujourd’hui partie, en matière synthétique, des classiques édités par Vitra. De même, le divan Marshmallow (1956) de George Nelson, constitué de  » macarons  » en cuir, ou encore la Ball Chair d’Eero Aarnio (1963), ludique cocon devenu culte, ont traversé les âges. Une récré commencée il y a bien longtemps donc… mais dont la fin est loin d’avoir sonné.

PAR FANNY BOUVRY

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