Catherine Pleeck

Au Congo, elle ne savait même pas ce qu’était la mode. Encore moins le métier de mannequin. à 21 ans, Godelive Kasongho vient pourtant de représenter la Belgique au concours Best Model of the World. Une belle revanche pour cette Namuroise d’adoption.

Elle n’a finalement pas gagné le concours de mannequins Best Model of the World. Représentant la Belgique lors de cet événement international qui rassemble les top-modèles en herbe les plus prometteuses, elle n’a pas réussi à séduire le jury final. Pas grave. Godelive Kasongho, 21 ans, 1m75, peau couleur ébène, ne se départit pas pour autant de son stupéfiant sourire. De la Bulgarie, découverte en décembre dernier lors de ce prestigieux challenge, la Namuroise garde des souvenirs impérissables. Sans oublier la compétition en tant que telle, ponctuée par trois défilés. Marcher sur un catwalk : ce que la miss préfère, par-dessus tout. Pour l’occasion, elle s’est laissé draper dans un drapeau noir-jaune-rouge, avant de revêtir une robe d’un créateur belge –  » Je ne me souviens plus de son nom « , souffle-t-elle, en faisant passer ses longs cheveux lissés de gauche à droite.

La mode, la beauté des coupes, les matières luxueuses, les paillettes et étiquettes : très peu pour Godelive.  » Ce n’est pas ce qui m’intéresse dans le métier. Je trouve que c’est de l’argent jeté par les fenêtres. Je préfère aller au marché, dans des magasins abordables. Je ne tiens pas à gaspiller mes économies. Surtout après tout ce que j’ai vécuà « 

Ses cheveux filent à nouveau à la gauche de son visage. Geste machinal. Peut-être pour masquer la gêne qu’elle éprouve à raconter sa vieà  » Je suis née à Kisangani. J’avais 2 ans quand mon père nous a enlevés, mon frère et moi. Il lui arrivait de nous abandonner, pendant de longs mois, aux bons soins de quasi-inconnus.  » Les enfants ne sont jamais maltraités, mais la vie est dure : ils doivent vendre du poisson, participer aux tâches ménagèresà Six ans plus tard, leur mère les retrouve.  » Je ne me souvenais plus d’elle, n’éprouvais aucune émotion. C’est mon frère qui l’a reconnue et s’est jeté dans ses bras. « 

Là aussi, place à la débrouillardise. L’école, la jeune Congolaise ne la fréquente qu’épisodiquement, quand l’argent ne vient pas à manquer. Jusqu’à ce jour où un membre de sa famille, résidant en Belgique, propose de les adopter, elle et sa s£ur, afin de leur offrir un avenir meilleur. L’adolescente de 14 ans ne refuse pas l’aventure :  » Je pensais que les Belges étaient riches et n’avaient pas besoin de travailler, que l’argent tombait du ciel.  » Arrivée en Wallonie, la vie est nettement moins rose qu’espérée. Sa nouvelle famille ne ressemble pas du tout à ce qu’elle s’était imaginé. Godelive mord sur sa chique, pas le choix, apprend à écrire, à parler français, suit un apprentissage comme vendeuse, et finit par prendre son indépendance, le jour de ses 19 ans. Elle en profite pour tenter sa chance comme mannequin. A l’automne dernier, elle remporte le concours Future Top Model qui lui permet de signer un contrat avec Dominique Models, l’une des grandes agences belges de mannequins. Depuis, la Namuroise alterne défilés, shootings photo et boulots d’hôtesse.

Bien au chaud dans ses bottes plates fourrées et sa robe-pull en laine aubergine, la Belgo-Congolaise ne peut s’empêcher de mater l’écran plat accroché dans le salon de l’agence. Le poste est branché en permanence sur une seule chaîne : Fashion TV. Photographes, créateurs et tops célèbres en sont les invités permanents. Godelive rêve d’en être :  » Je serais la fille la plus comblée.  » En attendant, elle n’oublie pas son pays d’origine, où elle espère passer ses prochaines vacances. Le soleil, l’ambiance particulière de Kinshasa, le vrai goût d’une mangue… Mais aussi ces enfants des rues.  » Quand je vivais là-bas, je n’étais rien. Je ne savais pas parler français, je ne connaissais rien de la mode. Avec une copine qui vient aussi de là-bas, on a l’intention d’aider les jeunes filles congolaises, de leur envoyer des vêtements. Même avec 100 euros, il y a déjà moyen d’être utile.  » Godelive en sait quelque chose.

Catherine Pleeck

Quand je vivais là-bas, je n’étais rien.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content