Après avoir été un secret bien gardé des vignerons, les vins pétillants naturels gazouillent désormais à l’oreille du grand public. Vibrez pour les nectars qui font Shebam ! Pow ! Blop ! Wizz !

Les vins dits  » pétillants naturels  » n’ont pas l’habitude de la lumière des projecteurs. Rien à voir donc avec la bulle officielle champenoise familière des pince-fesses mondains. Pour cause, les pet’nat’ – comme les appellent les initiés – ont longtemps traîné, au frais, dans les caves de vignerons, soucieux de les garder à l’abri des regards indiscrets.

On débouchait ces effervescents rustiques, entassés en vrac au rayon  » consommation personnelle « , pour la communion du gamin ou quand le soleil se montrait décidément trop chaud. Seulement voilà, de petites bombes de fruits et de fraîcheur comme celles-là ont fini par susciter la convoitise des citadins par l’odeur alléchés.

De bouche en gosier, le secret de cette limonade du vigneron s’est éventé. Pour comprendre leur potentiel de séduction, il faut entendre cette anecdote rapportée par Guillaume Joubin, sommelier du Bistro de la Poste, à Bruxelles :  » Lors d’une présentation de vins de la Loire, Pascal Potaire était venu avec un fût de vin pétillant naturel. Il avait en permanence autour de lui quatre à cinq groupies qui le suppliaient de remplir leurs verres. À un moment donné, ça a sauté aux yeux de tous : il avait là un véritable piège à filles entre les mains. Du coup, la plaisanterie est restée, il a carrément donné le nom de  » Piège à filles  » à sa cuvée. « 

Il ne faudrait pas croire pour autant que les vins pétillants naturels ne séduisent que les midinettes en quête de frissons gustatifs. Au contraire, ces vins non formatés font valoir un joli pedigree qui leur assure une certaine aura auprès des connaisseurs. Comme l’écrivait la journaliste Sylvie Augereau dans un article de La Revue du Vin de France (1),  » le pétillant naturel a toujours existé « . Et de citer Pline l’Ancien mentionnant son existence en 77 après Jésus-Christ du côté de Die, dans le département de la Drôme, en France, où  » l’on plongeait dans l’eau froide des torrents des récipients de vin au début de la fermentation pour l’arrêter et en conserver le pétillant « .

Pour Laurent Mélotte, grand connaisseur du vin nature en Belgique, le pet’nat’ s’apparente à l’enfance de l’art.  » Difficile de trouver plus authentique que ce procédé vu que le pétillant naturel est issu de la seule fermentation des sucres du raisin. Pour en faire, il faut en amont un fruit parfaitement sain – c’est la raison pour laquelle les pétillants naturels sont l’apanage des vignerons qui travaillent en bio ou en biodynamie. Le raisin doit posséder suffisamment de levures indigènes pour qu’elles puissent transformer les sucres en alcool, en arômes et en gaz carbonique. Au bon moment, c’est-à-dire lorsqu’il y a encore assez de sucre à grignoter pour les levures, on met le vin en bouteille. Contrairement au champagne où l’on ajoute du sucre et de la liqueur d’expédition, on est sur une boisson tout à fait naturelle. Cerise sur le gâteau, comme le gaz carbonique protège le vin de l’oxydation, il n’est même pas besoin d’ajouter des sulfites. « 

La montée en puissance du pet’nat’ s’inscrit dans la foulée d’une génération de vignerons non conventionnels qui prennent plaisir à placer leurs productions en marge des codes habituels. Ainsi, la plupart des bouteilles arborent fièrement une très iconoclaste  » capsule soda  » qui s’ouvre avec un décapsuleur plutôt qu’avec un tire-bouchon. Autre signe distinctif, les vins pétillants naturels n’entrant dans aucune case INAO – du nom de cet institut qui délivre les appellations d’origine contrôlées -, ils se baladent allègrement du côté des  » vulgaires  » vins de table avec des noms volontairement atypiques et irrévérencieux – Pépin la Bulle, You are so happy, Bubulle, Tant Mieux…

Ces bulles impertinentes possèdent déjà leur panthéon, soit des vignerons culte pour une génération, à l’instar de René Mosse – malheureusement ses pet’nat’ n’étaient pas encore sur le marché au moment d’écrire ces lignes (2) -, de Nathalie et Christian Chaussard ou de Lise et Bertrand Jousset. Derniers détails, le vin pétillant naturel est un produit saisonnier plutôt printanier – il est produit après l’hiver au moment où l’activité fermentaire en général ne titre que faiblement en alcool (11°- 12° en moyenne mais on en trouve à 8°)… élément qui achève d’en faire l’ami rêvé des beaux jours.

(1)  » Pétillants naturels, la bulle au bond « , RVF de juillet et août 2010.

(2) René Mosse signe deux perles angevines : Moussamoussettes et Just’avant l’été. Notre dégustation en pages 94 et 96.

PAR MICHEL VERLINDEN

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