Philippe Besson sonde merveilleusement les êtres dont la vie bascule. Ici, une romancière oscille entre un mari aimant et un jeune amant inattendu… Mais l’heure du choix a sonné.

Petit, vous aviez envie d’être…

Prof car mon père l’était. Bon élève, j’aimais le décor de la classe.

Puis, alors que vous étiez juriste, l’écriture  » a pris toute la place « .

J’exerçais ce métier depuis dix ans quand j’ai été envoyé à Toronto et Buenos Aires. Mon premier roman est né dans des chambres d’hôtel. Démissionner fut le choix d’un fils modèle osant un saut dans le vide, pour ne pas louper l’essentiel.

Votre héroïne Louise se décrit comme  » l’écrivain du pressentiment  » et vous ?

Aussi. La vie est rattrapée par le romanesque. Je suis à l’affût des intuitions et des accidents, parce qu’ils nous construisent.

Quel est le mot plus dangereux ?

L’agonie. Je n’ai pas peur de la mort, mais de ce qui précède ce moment de vérité.

Et le plus inoffensif ?

Aucun. Chaque mot porte en lui quelque chose d’émouvant ou de blessant.

Ce roman s’inspire du film Les Choses de la vie, de Claude Sautet. En quoi vous a-t-il touché ?

J’aime son dispositif narratif : un homme, deux femmes, un accident de voiture. Ici, j’inverse les sexes pour aborder un bilan de vie. J’écris toujours sur le basculement… et tous mes portraits de femmes sont dédiés à des actrices.

Qu’est-ce que l’amour ?

Peut-être la capacité d’être seul ensemble, en respectant l’autre. Je refuse les compromis. Il n’y a pas d’amour sans liberté, sinon c’est l’enfermement ou la folie !

Que ravive-t-il en Louise ?

La ferveur, la frivolité et la beauté de son âge. L’harmonie conjugale est douce, mais elle la conduit à l’ennui. Un couple doit avoir la lucidité d’admettre que c’est fini.

Qu’êtes-vous prêt à faire par amour ?

Je suis trop raisonné pour aller dans l’excès. Mon instinct de survie refuse que je me laisse humilier ou détruire.

Quel sentiment devrait être  » satisfait ou remboursé  » ?

Les sentiments ne sont pas un investissement. En amour, on doit accepter le risque et la gratuité.

Qu’est-ce qui vous rend fort ?

J’ai appris à affronter le malheur, sans me laisser abattre. Ayant perdu beaucoup d’êtres aimés, j’ai l’impression d’être un survivant qui vit avec ses disparus, en se nourrissant d’eux.

Et fragile ?

Quand on me dit qu’on aime, je suis décontenancé, voire dérouté. Comme si on se trompait ou que je ne le méritais pas.

De là, on voit la mer, par Philippe Besson, Julliard, 204 pages.

KERENN ELKAÏM

 » IL N’Y A PAS D’AMOUR SANS LIBERTÉ, SINON C’EST L’ENFERMEMENT OU LA FOLIE !  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content