L’écrivain français nous offre un inventaire des parfums composant son univers. En inhalant ces flacons de mots, on se plonge dans une lecture vagabonde qui abonde en savoureuses surprises.

Quelle est l’odeur de l’écriture ?

Elle prend l’odeur de l’être ou du paysage que je décris, comme si l’écriture était un flacon à remplir. C’est le plus alambiqué des parfums à extraire. Écrire me met dans un état d’exaltation contrôlée qui m’abstrait du monde et du temps.

Votre mot préféré ?

 » Matin « , parce que j’aime l’aube, le commencement. Quand le jour se lève, je suis dans l’impatience de lire, d’écrire et de voyager.

 » Je suis dans les livres, c’est le lieu où j’habite.  » Si vous pouviez vivre dans l’un d’entre eux, quel serait-il ?

Je choisirais un récit d’aventure, à la Jack London ou à la Arsène Lupin, pour le côté palpitant. Ce qui me plaît, ce sont les livres qui dégagent une odeur ou une vision. Ils créent des univers en faisant appel à nos facultés de sens.

Votre dernier coup de c£ur littéraire ?

La Première Défaite (P.O.L) de Santiago H. Amigorena, qui aborde l’expérience destructrice de la dépression après une rupture amoureuse.

Si la paternité renfermait une odeur ?

Elle se situerait au plus près de l’enfant qui dort. Quand j’embrasse ma fille au réveil, je savoure cette douceur de la chair détendue par la nuit. L’odeur de l’abandon confiant qu’on retrouve dans le tableau de Klimt, Les Trois Âges de la femme, en couverture du livre.

Quel est le parfum suprême ?

Celui des femmes, que ce soit la mère, l’amante ou la fille. Elles me fascinent, je ne serais rien sans elles, ce sont elles qui nous font. Souvent, je respire le sillage d’une femme dans la rue. Le plus envoûtant étant celui du sexe féminin. Chaque femme a son odeur, comment ne pas être intrigué ? Dès l’enfance, j’ai su que ce serait la quête absolue.

Une odeur qui vous dégoûte ?

Tout ce qui contient un parfum chimique ou synthétique, comme les déodorants violents, les assouplissants au faux lilas ou les plaquettes odorantes dans les taxis.

Vous aimez  » sentir l’haleine des pays nouveaux « . Qu’en est-il pour la Belgique ?

La Belgique a le visage d’un cousin, qui nous ressemble tout en étant différent. Son odeur : celle de l’humidité heureuse ! Je pourrais vivre à Gand, Malines ou Anvers.

Si on devait créer un parfum à votre nom, quelles en seraient les fragrances ?

Les ombellifères, le lys, les violettes et les roses anciennes. Il contiendrait à la fois le temps perdu et retrouvé. J’y ajouterais aussi le vin, la partie la plus intime des femmes et le soleil réchauffant une terre de blé. Sans oublier l’odeur des sourires ! Pour être heureux, il faut y croire.

Parfums, par Philippe Claudel, Stock, 220 pages.

KERENN ELKAÏM

LA BELGIQUE A LE VISAGE D’UN COUSIN, QUI NOUS RESSEMBLE TOUT EN ÉTANT DIFFÉRENT.

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