L’artiste

Pierrick Sorin est né à Nantes en 1960. Diplômé de l’École nationale des beaux-arts de la ville bretonne, ce vidéaste blindé d’humour et d’ironie désabusée s’est fait connaître à la fin des années 80 à la faveur de vidéos au look amateur dans lesquelles il se met en scène sous son plus mauvais jour. Dans la série Réveils (1988), on le surprend chaque matin, la mine de plus en plus chiffonnée, promettre au spectateur qu’il se  » couchera dorénavant plus tôt « . Une esthétique de l’échec ordinaire et de l’inadaptabilité chronique qui signe les débuts d’une £uvre vidéo burlesque qui doit autant à Georges Méliès pour ses géniaux dispositifs vintage et bouts de ficelle qu’à Mister Bean pour sa cocasserie imbécile. Adepte de l’autofilmage, Pierrick Sorin s’illustre par ailleurs dans des  » petits théâtres optiques « , écrins low-tech idoines pour ses saynètes barrées où des personnages loufoques (toujours joués par lui) prennent vie sous forme d’hologrammes. À la fois tendre et grinçant sur la condition humaine, Sorin s’amuse du monde de l’art avec la même férocité amusée. Il a ainsi récemment mis en scène une pièce sur ses doutes d’artiste faraud dans 22 h 13 (ce titre est susceptible d’être modifié d’une minute à l’autre) au Théâtre du Rond-Point à Paris. Parmi ses autres faits d’armes, notons également la réalisation de clips (Miossec, Philippe Katerineà) ses mises en scène pour l’Opéra ( La Pietra del Paragone de Rossini au Théâtre du Châtelet, à Paris en 2007, et en 2011 Turandot de Puccini à la Scala de Milan). Car mine de rien, Monsieur a des références. Vous en doutiez ? Lui aussi.

L’expo

Année faste pour Pierrick Sorin qui a bénéficié d’une grande rétrospective au Lieu Unique, à Nantes, cet été. Avec C’est mignon tout ça – du nom d’un de ses dispositifs vidéo où il se mate vêtu en femme -, l’artiste présente sa première exposition en Belgique. Loin d’être exhaustive, la sélection opérée par le galeriste Jérôme Jacobs chez Aeroplastics, à Bruxelles, offre néanmoins un goût de rétrospective tant les différents aspects de l’£uvre de Pierrick Sorin sont abordés. On s’amusera du ridicule qui tous les jours ne nous tue pas dans Une vie bien remplie. L’artiste y rejoue sur une vingtaine d’écrans  » les actes stupides et répétitifs qui envahissent l’existence « . On esquissera un sourire narquois devant ses coups portés dans le ventre mou de l’art contemporain. Avec en premier lieu Nantes Projets d’Artiste, court film où Sorin parodie de  » Jeunes Artistes européens  » fumeux comme une casserole de moules réchauffée. Ou encore son Dommage à Buren, vidéo sur trois écrans superposés réglant leur compte aux célèbres bandes de couleurs inventées par l’artiste français avec un grand A. Ces symboles du minimalisme y coulent d’un écran à l’autre, retrouvant leur aspect originel de pâte à peindre. À ne pas manquer également, les caissons de théâtres optiques, dont l’hilarant 142 positions érotiques dans lequel Pierrick Sorin joue sa pornstar avec un polochon. Parfaitement ridicule. Doucement déprimant. Mais tellement drôle.

C’est mignon tout ça, chez Aeroplastics contemporary, 32, rue Blanche, à 1060 Bruxelles. Jusqu’au 31 décembre prochain. Tél. : 02 537 15 49. www.aeroplastics.net

Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

Baudouin GalleR

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