Les nouvelles stars de la gastronomie sont formelles : ce fruit mérite d’être redécouvert. Weekend a craqué pour l’avocat et avec la complicité de la  » globe-croqueuse  » Kéda Black vous propose trois recettes faciles… et so chics pour épater les gourmets.

Que les choses soient claires : il n’y a pas mille raisons de parler de l’avocat ces temps-ci. Peu concerné par les saisons – on en trouve pratiquement toute l’année – il n’est ni follement à la mode ni particulièrement vertueux du point de vue diététique, et semble avoir un peu de peine à se défaire de son ventre creusé farci de crevettes sauce cocktail ou, les jours moins fastes, de simple vinaigrette. Seulement voilà : l’Afrique du Sud n’est pas du tout de cet avis. Timide sur le marché depuis les années 1960, encore loin derrière le Mexique en termes de volumes de production (100 000 tonnes par an, contre 700 000 ou 1 million pour le Mexique), ce producteur des antipodes est décidé à conquérir le marché européen.  » L’avocat a tout pour plaire et gagne à être redécouvert « , se convainc Richard Nelson, représentant de la Saaga (South African Avocado Growers’ Association). Parole de nouveau conquistador ! Car c’est bien Cortés, le conquistador en chef, qui en rapporta à la cour d’Espagne au début du xvie siècle. Le mot avocat vient de l’espagnol  » aguacate « , qui lui-même provient de l’aztèque  » auacatl  » (testicule). On n’en retrouve pour autant pas trace dans la gastronomie française avant le début du xxe siècle.

Originaire du Mexique donc, certains disent du Guatemala, où les Aztèques et les Mayas le consommaient il y a 8 000 ans, l’avocat, ce  » beurre du pauvre « , est la composante principale du guacamole, abréviation de  » aguacate mole « , sauce à l’avocat, tellement saccagé depuis les années 1980 par les mauvais snacks tex-mex qu’il évoque d’office nachos et quesadillas consternants de mollesse. Or il est un peu là, le pépin de l’avocat. C’est un fruit (issu de  » Persea americana « , un arbre de la famille des lauriers et canneliers) qui n’a pas l’air d’exciter culinairement les foules, les chefs faisant rarement exception. Sans doute est-ce lié au fait qu’il est tellement simple à consommer tel quel qu’on ne peut pas franchement s’aventurer à le cuire, qu’il s’oxyde vite, et qu’il a mauvaise réputation nutritionnelle. Sur ce dernier point, levons tout de suite le doute : il est plus ou moins gras en fonction de son degré de maturité, pouvant atteindre les 360 kilocalories pour 100 grammes. Il s’agit, à 60 %, d’acides gras mono-insaturés (bon gras) et, tout de même, à 20 %, d’acides gras saturés (mauvais gras).

Il semblerait qu’il faille être sacrément affranchi du répertoire classique pour se lancer dans la cuisine de l’avocat. Il faut au moins la vivacité de la créatrice culinaire Frédérick Grasser Hermé pour oser une tarte tiède d’avocat et roquette ou un curry poulet-avocat… Les chefs sont plutôt réservés, cantonnant souvent l’avocat à jouer la carte de la fraîcheur en l’associant à du crabe émietté, façon rémoulade. Pour le tripe étoilé Alain Passard, de L’Arpège, à Paris, créateur d’un fameux soufflé à l’avocat, pistache et vanille, ce fruit est un  » parent pauvre qui gagne à être connu, pour sa texture pommadée qui permet mille usages et une saveur subtile mais assez neutre pour laisser courir son imagination « . Cela étant, il reconnaît qu’il est délicat à manier.

Chez Laurence Salomon, naturopathe qui donne un vrai visage à la  » gastronomie végétarienne  » dans son restaurant Nature & Saveur à Annecy, l’avocat est omniprésent : en sorbets sucrés ou salés, en crème au panchphoron (un cinq-épices indien) pour accompagner des petits gâteaux de saumon à l’aneth, en soupe froide avec fèves et petits pois… Et, à Londres, Yotam Ottolenghi, la nouvelle star de la cuisine végétarienne, chef (et chroniqueur à l’ Observer Food Monthly) des restaurants à son nom, sert un formidable tartare de thon, avocat et tequila sur water cracker (NDLR : biscuits minces et croustillants).

Côté sucré ? L’affaire est délicate. Le soufflé d’Alain Passard mis à part, les exemples de  » grands desserts de chefs  » à base d’avocat sont rares. Inaki Aizpitarte, du Chateaubriand, à Paris, a tenté le coup avec une soupe sucrée audacieuse ! La  » globe-croqueuse  » Kéda Black (*), elle, a imaginé un très simple avocat, fraises et chantilly, pour lequel on préférera miser sur un avocat très peu mûr, pour s’épargner le côté gras sur gras. Ailleurs, au Brésil et aux Philippines, on l’accompagne tout bêtement de sucre et de citron. Et si on commençait par là ?

(*) Surfez aussi sur son Bloggiboulga , hébergé par le site du Fooding (www.lefooding.com ), un blog poétique et diablement malin où elle répond aux SOS des e-cuisinières en détresse.

Elvira Masson

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