Plats uniques

Lillian Tørlen, Oslo © SDP / LILLIAN TØRLEN

Une assiette est une toile vierge sur laquelle un chef laisse libre cours à sa créativité. Ces cinq designers ne sont toutefois pas de cet avis. Avec leurs créations, ils apportent à chaque mets une pincée d’originalité.

Lillian Tørlen, Oslo

Cette Norvégienne est avant tout une artiste. Après son premier projet solo, Levels of Attachment & Belonging, une série de récipients sculpturaux en céramique présentés à Oslo, Lillian Tørlen (45 ans) a été repérée par Jouw Wijnsma et Martin Kullik, qui organisent des événements gastronomiques expérimentaux depuis 2009, en Europe, sous le nom de Steinbeisser.  » On m’a demandé d’imaginer des assiettes qui permettraient de partager un plat. Je me suis alors plongée dans les interactions humaines au cours d’un repas.  » Ses assiettes, de la série Annoyingly Dependent Objects, ne doivent pas uniquement présenter un mets, elles requièrent également une coopération de la part des serveurs et des convives.  » Elles reposent sur des blocs en bois. Les utilisateurs doivent donc trouver le bon équilibre. Sans cela, elles tombent et ne remplissent plus leur mission. Les assiettes et les plats sont souvent si anonymes qu’ils passent inaperçus. Je voulais que cette collection trouve sa place sur les tables avec subtilité. En surprenant les invités et en les obligeant à réfléchir à ce qui d’habitude est évident. En résumé, je voulais compliquer la tâche de tout le monde !  »

Lillian Tørlen, Oslo
Lillian Tørlen, Oslo© SDP/ STEINBEISSER

Instagram : @lilliantorlen

Sarah-Linda Forrer, Amsterdam

Basée à Amsterdam, Sarah-Linda Forrer (30 ans) a grandi dans le sud de la France. Après des études à la Design Academy d’Eindhoven, elle a décidé de ne pas quitter les Pays-Bas. Sa première ligne de vaisselle en porcelaine a été baptisée Indulge.  » J’ai toujours été intéressée par la relation entre l’humain et la nourriture. Les emballages et la production de masse nous éloignent de ce que nous mangeons. Je veux rétablir cette connexion. Les formes de mes créations sont très organiques, j’ai par exemple dessiné un bol inspiré d’une huître, dans lequel les aliments peuvent glisser. Avec la porcelaine, je crée la sensation de manger avec les mains.  » La trentenaire compte déjà à son actif plusieurs collaborations avec des restaurants étoilés de toute l’Europe, comme Geranium au Danemark, Aan de Poel aux Pays-Bas et Mizazur à Menton.  » Pour eux, j’ai conçu des services sur mesure. Cela donne des pièces uniques et précieuses. Les assiettes blanches classiques sont pratiques quand tout doit aller vite, mais j’espère que nous évoluerons vers des variantes plus folles et plus expressives.  »

Sarah-Linda Forrer, Amsterdam
Sarah-Linda Forrer, Amsterdam© SDP

Instagram : @sarahlindaforrer

Raphaël Lutz, Lausanne

Descendant d’une famille travaillant dans l’horeca, Raphaël Lutz (36 ans) baigne dans la gastronomie depuis l’enfance.  » Ça a été un choc quand j’ai annoncé que je voulais devenir designer. Mais je n’ai quand même jamais vraiment quitté le monde qui m’a vu naître « , raconte-t-il. En 2016, l’homme a en effet été chargé de concevoir les assiettes pour l’équipe suisse candidate au Bocuse d’Or, le fameux concours de cuisine. Durant des mois, il a pu collaborer avec les chefs renommés de L’Hôtel de Ville à Crissier, avec pour objectif d’imaginer un support qui sublimerait leur plat. Ils n’ont pas gagné, mais l’expérience a inspiré au trentenaire une initiative annuelle : Designer’s Table.  » C’est un projet de recherche expérimental autour de l’art de la table et de l’acte de manger. Je m’intéresse à la gastronomie augmentée.  » Lors de ces tables d’hôtes événements, le designer et son équipe servent eux-mêmes les plats aux invités.  » Il s’agit d’expérimenter les interactions entre le repas, les objets dessinés et ses utilisateurs et de recueillir les impressions des convives à chaud « , explique l’organisateur sur son site. Pour sa dernière Designer’s Table en date, inspirée par le cinquantième anniversaire du premier homme sur la Lune, il a imaginé un plat principal servi dans un tube en verre de 50 cm de long avec lequel chaque personne devait nourrir celle en face d’elle.

Sarah-Linda Forrer, Amsterdam
Sarah-Linda Forrer, Amsterdam© SDP

Instagram : @studioraphaellutz

Teresa Berger, Vienne

Beyond Taste est le titre du travail de fin d’études de Teresa Berger (30 ans), à la Design Academy d’Eindhoven. Une collection qui porte très bien son nom puisqu’elle crée une expérience culinaire qui implique différents sens, au-delà du goût. On retrouve par exemple une assiette pourvue d’une coupole en silicone abritant un fumoir : lorsque l’on saisit le poisson fumé se trouvant sur la coupole, une légère odeur fumée se dégage. Ou encore un bol muni d’un haut-parleur Bluetooth qui diffuse des sons pendant le repas. Les cuisiniers peuvent alors jouer avec les saveurs, puisque des études montrent que des sons aigus rendent un plat plus sucré tandis que des sons graves apportent une note amère. Aujourd’hui, la jeune femme se concentre sur un nouveau projet de vaisselle, sans gadgets techniques cette fois. Ses créations sont fabriquées en céramique, selon la technique du coulage. De la pâte liquide est versée dans un moule préalablement modelé. Elle n’y reste que quelques instants, de sorte qu’elle ne forme qu’une fine paroi. Si les premiers objets étaient plutôt destinés aux expositions, la nouvelle ligne a été conçue pour les restaurants. Le rêve le plus fou de la designer ? Une collaboration avec la célèbre table étoilée Noma, au Danemark.

Raphaël Lutz, Lausanne
Raphaël Lutz, Lausanne© SDP / ODILE MEYLAN

Instagram : @_teresaberger_

Roxanne Brennen, Athènes

Née à Paris d’un père américain, Roxanne Brennen (27 ans) a étudié aux Pays-Bas et a fait son stage à Athènes. Pas étonnant donc que ce soit ce côté globe-trotteur qui l’ait inspirée pour ses Dining Toys.  » J’ai été impressionnée par les différences culturelles parfois énormes autour des repas en Europe. Les Français peuvent passer des heures à table ; en Grèce, tout est partagé ; et aux Pays-Bas, la nourriture est abordée de manière très pratique. Je suis fascinée par ces divergences de comportements.  » Elle s’est donc plongée dans différentes études scientifiques et a découvert que la nourriture, comme le sexe, stimule la zone responsable du plaisir dans notre cerveau.  » Nous fabriquons des endorphines. Avec Dining Toys, je veux que ce taux d’hormones libérées soit encore plus élevé, pour que manger procure plus de plaisir. Que cela devienne une activité intense, presque une aventure. Les jeunes enfants ont souvent le réflexe de lécher leur assiette ou de jouer avec les aliments, et en grandissant, on nous apprend à ne plus le faire. D’une part parce que cette attitude ne correspond pas aux bonnes manières occidentales, et d’autre part parce que les bols et les assiettes ne sont pas conçus pour être léchés ou pour devenir un jouet. Avec ma collection, on peut laisser libre cours à cet instinct enfoui. Et avec élégance !  »

Raphaël Lutz, Lausanne
Raphaël Lutz, Lausanne© SDP / CLEMENT LAMBELET

Instagram : @brennenroxanne.design

Teresa Berger, Vienne
Teresa Berger, Vienne© SDP / KOLLEKTIV FISCHKA – PHILIPP
Teresa Berger, Vienne
Teresa Berger, Vienne© SDP
Roxanne Brennen, Athènes
Roxanne Brennen, Athènes© SDP / ROXANNE BRENNEN
Roxanne Brennen, Athènes
Roxanne Brennen, Athènes© SDP / ROXANNE BRENNEN

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