Cela sent la science-fiction, non ? Genre cuisine de l’an 3000, lorsque nous nous repaîtrons d’oeufs de casoars mutants au four à méga-ondes… Il s’agit en fait simplement d’un truc de pro dont, bonne fille dans le fond, je m’apprête à vous tuyauter. Un jour, j’avais le plaisir de bavarder avec Sonia Ezgulian, cheffe réputée, et un monsieur, qui regrettait ne jamais manger d’oeufs pochés tant c’est ardu à réussir… Et Sonia de lui conseiller le procédé. 1) Eau frémissante. 2) Jamais de sel. 3) Cassez l’oeuf dans un petit bol avec 3 gouttes de vinaigre blanc pour empêcher le jaune de se faire la malle dans l’eau de cuisson pour ne plus ressembler qu’à une vieille tignasse décolorée au peroxyde. 4) Juste avant le pochage, faites un tourbillon dans l’eau avec une spatule et plongez votre oeuf corps et biens dans l’oeil du cyclone : ce vertigineux vortex va coaguler le blanc autour du jaune tel un voile de mariée autour d’un bouquet de renoncules (eh ! Poétesse à ses heures, hein, votre dévouée !). Cela  » marche  » aussi pour les oeufs frits, mais il est vrai que de nos jours ce mode de préparation suranné ne sert plus qu’à buser les élèves cuisiniers,  » numerus clausus ovulus « .

Personnellement je mets mon grain de fleur de sel sur votre oeuf : 1) Chemisez un petit bol de film micro-ondes, y casser l’oeuf, nouez le film comme une aumônière et plongez-la 3 min dans l’eau frémissante. 2) Courageuse mais pas téméraire, mon bon vieux truc : pour 4 oeufs pochés… prévoyez-en 8, vu les risques de ratages (ouf, les oeufs ne sont pas chers et vous pouvez écraser les ratés dans une vinaigrette, un sandwich…) ! Prudence est mère de sûreté… Gourou-Jedi Juju a parlé, à moins d’être un pro, lorsque vous vous frottez aux oeufs pochés ne les prévoyez pas pour un dîner chic de douze personnes, ou pour bluffer votre boss ou vos beaux-parents toujours ravis de vous coincer sous leur regard plein de commisération… Parfaite pour la Saint-Valentin, cette cuisson délicate et délicieuse est à réserver aux oeufs-dans-les… euh, aux yeux-dans-les-yeux des petits dîners en amoureux, d’autant plus qu’en cas d’échec, l’être aimé sera particulièrement enclin à vous pardonner, ou à vous infliger un  » gage  » auquel vous vous soumettrez de bonne grâce, j’en suis persuadée… Côté cuisine, l’oeuf poché chaud s’entend particulièrement bien avec la sauce hollandaise – en fait c’est de l’oeuf à l’oeuf, préparation pléonastique – ou, plus simple, une sauce Mornay, une crème à la ciboulette ou à l’estragon ; crevé au sommet d’une salade afin que le jaune liquide se mêle lascivement à la vinaigrette ; froid, sur un fond d’artichaut avec du caviar, du crabe ou du saumon fumé ; ou plus démocratique, moulé en aspic avec une lichette de jambon et de la mayonnaise (Encore ! Décidément, c’est fou ce que l’oeuf est amoureux de l’oeuf…).

Les recettes et réflexions culinaires épicées à l’humour de Juliette Nothomb

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