Harvey Nichols, le grand magasin le plus glamour de Londres, à la veille de Noël. Au département  » bougies parfumées « , la vendeuse me confie que pour les fêtes de fin d’année, elle vient de casser sa tirelire pour offrir à sa mère une paire de Jimmy Choo, acquise à l’étage.  » Elles sont tellement belles « , s’épanche-t-elle tout en confectionnant, un peu distraitement à mon goût, mon paquet cadeau.

Deux mois plus tard, alors que je m’apprête à monter dans l’Eurostar, gare du Midi, direction Londres pour la semaine de la mode, le contrôleur de passeport me complimente sur mes chaussures, une paire de bottes rouges à lacets.  » Ce sont des Jimmy Choo ?  » me demande le plus sérieusement du monde l’agent de la police britannique. Mais que se passe-t-il donc outre-Manche avec Jimmy Choo ? On semble toucher là à un vrai phénomène de société dont je me sens désormais l’obligation, que dis-je ?, la nécessité d’investiguer.

Informations prises, j’apprends que la présidente-fondatrice se prénomme Tamara Mellon, une Anglaise de 37 ans, anciennement responsable des pages Accessoires du magazine  » Vogue  » britannique. C’est en 1996 qu’elle décide de fonder sa société de chaussures de luxe en s’associant avec le cordonnier réputé de l’Est de Londres, monsieur Jimmy Choo, de son vrai nom. En 2001, les parts de Mr Choo sont rachetées par le groupe Equinox Luxury Holdings dirigé par un certain Robert Bensoussan, et dès lors, c’est l’ascension. En 2003, la marque Jimmy Choo développe une ligne de sacs à main. En 2004, la société pèse 101 millions de livres sterling (146 millions d’euros). Très tôt plébiscitée par les plus grandes stars de Hollywood qui se chargent de faire sa publicité aux oscars, aux Emmy Awards, au Festival de Cannes, Jimmy Choo vole la vedette aux stars (les vraies) lors de la cérémonie officielle des Golden Globes 2006. En effet, on ne voit plus qu’elles aux pieds de Penelope Cruz, de Scarlett Johansson, de Charlize Theron ou encore d’Hilary Swank, toutes des fidèles de la marque. Tout comme Nicole Richie, l’égérie de la campagne de publicité de ce printemps-été 2006 qui s’affiche, glamour, avec une paire de Jimmy Choo et le sac Ramona, un des hits de cette saison.

Mais ce n’est pas tout. Dans  » 4 Inches « , un superbe ouvrage de photographies paru en 2005 aux éditions londoniennes Scriptum, Tamara Mellon a l’idée de faire prendre la pause à 44 femmes du milieu de la mode et du show-biz, nues, simplement chaussées de Jimmy Choo et parées de bijoux Cartier. Immortalisées par les plus grandes photographes de mode, les recettes de la vente de l’ouvrage, qui met en scène la sensuelle Kate Moss sur la couverture, complétées d’une mise aux enchères chez Christie’s de vingt de ces portraits, permettent de recueillir 2 millions de livres sterling (près de 3 millions d’euros) en faveur de la Elton John Aids Fondation qui vient en aide aux femmes et aux enfants victimes du sida en Afrique.

En octobre dernier, Tamara Mellon fait encore parler d’elle en ouvrant une boutique Jimmy Choo, un ravissant boudoir, sur l’avenue Montaigne à Paris.

Après plusieurs rendez-vous manqués – difficile en effet de faire coïncider son propre agenda avec celui de Tamara Mellon qui vit entre Londres et Los Angeles -, c’est finalement par voie épistolaire que nous décidons d’évoquer ce véritable phénomène de mode… Un échange très instructif.

Weekend Le Vif/L’Express : A quel moment et pourquoi avez-vous décidé de créer votre propre marque ?

Tamara Mellon : Lorsque j’étais responsable des pages Accessoires du  » Vogue  » britannique, j’avais remarqué qu’il y avait un réel manque sur le marché en termes de chaussures sexy et glamour. Jamais je ne trouvais de paire de chaussures parfaite. Je connaissais Jimmy Choo qui possédait un atelier dans l’Est de Londres. Quand j’avais besoin d’une paire de souliers pour un shooting, je l’appelais pour qu’il les confectionne et, en retour, je mentionnais son nom dans le magazine. Il était déjà bien établi en tant que cordonnier et reconnu pour son talent. J’ai pensé que ce serait là un magnifique tremplin pour commencer mon propre business.

Une paire de jeans, un joli top, une paire de bottes et un beau sac à main semblent être le nouvel uniforme de la fashionista. Pensez-vous que les accessoires sont devenus essentiels ?

Ma devise, c’est  » peu importe ce que vous portez, vous êtes toujours bien habillée dès lors que avez une belle paire de chaussures et un joli sac « . Il y a eu une évolution énorme dans la mode et je crois fermement que ce sont les accessoires qui désormais dictent la mode. Ils ont volé la vedette aux vêtements, ce sont eux qui font parler et marcher la planète fashion. En plus de cela, ils constituent un achat accessible à toutes les femmes.

Jimmy Choo est rapidement devenue la marque des stars. Etait-ce votre stratégie initiale ?

Oui, j’avais remarqué que les actrices étaient submergées par le choix des robes mais qu’il n’y avait aucune paire de chaussures glamour, qui pouvaient être recouvertes de perles ou bien teintées, pour accessoiriser leur robe de soirée. Nous avons donc mis nos chaussures à disposition des stars pour la première fois à Los Angeles en 1999 lors de la cérémonie des oscars. C’est ce qui a fait que toutes les jeunes actrices de Hollywood ont pris Jimmy Choo en affection. De Halle Berry à Hilary Swank, beaucoup d’actrices ont gagné un oscar avec des Jimmy Choo aux pieds, ce qui me fait penser que ces chaussures font presque office de porte-bonheur !

Vous possédez déjà plus de 500 paires de chaussures, toutes griffées Jimmy Choo. Quelles autres marques vous autorisez-vous à porter ?

La collection Jimmy Choo s’est étoffée de manière conséquente ces dernières années. Depuis les talons de 10 centimètres jusqu’aux chaussures plates en passant par les bottes en fourrure de la ligne Weekend, ou encore les sacs à main de jour et du soir, je peux absolument tout trouver dans la collection d’une saison. Ma seule exception ? Mes tennis Nike que je porte régulièrement puisque je suis aussi une folle de sport.

Vous affirmez :  » Si j’ai besoin d’une paire de chaussures, je la dessine. Je connais la cliente parce que je suis la cliente.  » Pensez-vous que ce soit la raison de votre succès ?

Je pense qu’une grande partie du succès de Jimmy Choo réside dans le fait que nous sommes des femmes qui dessinent pour des femmes. J’essaie chaque paire que nous dessinons. La précision apportée à la confection est d’une extrême importance. Il m’arrive de changer une bride d’un millimètre pour être sûre que le résultat final soit parfait.

Comment définiriez-vous le style Jimmy Choo ?

Jimmy Choo est une marque jeune, glamour et qui a toujours juste ce qu’il faut de sexy.

Quelle a été votre source d’inspiration pour cette collection printemps-été 2006 ?

La collection a puisé son inspiration dans les couleurs chaudes de l’Inde moderne, et s’est surtout nourrie de l’image de la princesse Rajmata Gayatri Devi. Une véritable icône de mode qui a été élue par le portraitiste britannique Cecil Beaton (1904-1980) comme l’une des plus belles femmes du monde. Sa présence étincelante à de somptueuses réceptions à travers le monde, de Mumbaï à Deauville, est une belle toile de fond pour imaginer une collection à son image, innovante et élégante, faite de couleurs vibrantes et de pierres précieuses.

Vous attribuez aux chaussures que vous dessinez des noms de villes ou des prénoms de femmes…

Chaque saison, nous choisissons cinq lettres de l’alphabet pour désigner tous les styles de la collection. Et nous tentons d’inclure des villes clés où nous aimerions ouvrir une boutique Jimmy Choo.

Un des modèles cette saison se prénomme  » Belgium « . Avez-vous des projets d’ouverture d’un magasin en Belgique ?

Il n’y a ni un endroit ni une date fixés dans le calendrier en termes d’ouverture d’une boutique en Belgique mais cela fait partie de notre programme global d’expansion. Nous sommes passés de quatre magasins en 2001 à quarante en 2006 !

Pensez-vous qu’une femme soit plus féminine en talons hauts ?

Vous devriez poser la question à un homme ! Toutefois, selon moi, les talons dopent le moral et ils vous rendent plus sûre de vous et plus féminine. J’ai toujours apprécié ces quelques centimètres de plus qui vous élèvent à la hauteur d’un homme !

Pourquoi, selon vous, une paire de chaussures est-elle si érotique ?

Elles vous font marcher d’une manière très sensuelle et changent votre démarche tout en augmentant votre pouvoir de séduction.

Dessinez-vous des sacs comme vous dessinez des chaussures ? Y a-t-il une ligne directrice ?

Sandra Choi, la directrice de la création, et moi-même sommes responsables du design des collections. Les sacs à main Jimmy Choo se sont imposés parmi les best-sellers. Je pense que c’est grâce à leur design. Ils sont à la fois classiques et modernes, tout en révélant un équilibre harmonieux entre le soin porté au détail, le style et la matière.

Envisagez-vous d’autres lignes ?

Tout à fait. Je voudrais étendre mon univers à d’autres accessoires, peut-être aux lunettes solaires, aux ceintures ainsi qu’aux produits de cosmétiques, en particulier pour les jambes.

Vous conservez des chaussures pour votre fille Minty…

Absolument, je garde tout pour ma fille. Ma mère Ann, qui était mannequin pour Chanel dans les années 1960, avait une garde-robe des plus exquises constituée notamment de belles chaussures griffées Charles Jourdan et Gucci. Mon seul regret est qu’elle en ait gardé si peu.

Vous vivez entre Londres et Los Angeles avec votre fille. Un de vos secrets beauté est de vous coucher avant 23 heures. Vous menez une vie très saine…

Je passe mon temps le plus précieux avec ma fille bien que jongler entre une vie de femme active et de mère célibataire n’est facile pour personne. Si je ne voyage pas, j’essaie d’être à la maison à 18 heures pour passer du temps avec elle avant qu’elle aille au lit. Et quand je peux m’échapper pour sortir, je le fais !

Carnet d’adresses en page 98.

Propos recueillis par Agnès Trémoulet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content