Un unique geste de maquillage permet à certaines femmes d’affirmer leur identité. Explications.

C’est un trait de khôl autour des yeux, un rouge pulpeux qui rehausse le dessin des lèvres, un fard à paupières gris qui durcit le regard… C’est ça et rien d’autre ! On le dessine généralement le matin, les yeux (presque) fermés, le geste (totalement) instinctif. Sans lui, nous ne serions pas vraiment nous-mêmes. Avec lui, on a l’illusion d’offrir à la face du monde non le visage dont on a hérité, mais celui que l’on s’est choisià Comme Bérénice. On l’a adopté une bonne fois pour toutes et l’on n’en changera pour rien au monde, contrairement à l’adage  » Souvent femme varie… « . Car que serait le visage de Marilyn Monroe sans son éternel grain de beauté (qu’elle appuyait au pinceau), celui de Rita Hayworth sans ses immuables lèvres pourpres ou encore celui de Juliette Gréco sans son ineffaçable trait d’eye-liner ?

 » Grâce au maquillage, certaines femmes complètent l’image qu’elles ont d’elles-mêmes, estime la psychanalyste Gisèle Harrus-Révidi, auteur de Séduction – La fin d’un mythe (Payot). C’est un auto-engendrement, dans le sens où celle qui se maquille n’est pas comme ses parents l’ont faite, mais comme elle s’est faite elle-même.  » Ainsi,  » on se maquille chaque jour pour se trouver soi-même, c’est-à-dire être identique à une image idéale, explique Camille Saint-Jacques, auteur d’Eloge du maquillage (Max Milo). On ne se voit que très rarement dans un miroir et, quand nous nous regardons, nous ne nous reconnaissons pas toujours. Le maquillage constitue une aide pour se trouver.  » Ou pour mieux brouiller les cartes.

Artifice vieux comme l’humanité, le maquillage est perçu depuis toujours – surtout dans les yeux masculins – comme un art de la ruse, un moyen de tromper sa proie.  » C’est vrai qu’il peut agir comme une mise à distance, une façon de ne pas se dévoiler d’un seul coup « , reconnaît l’écrivain Véronique Ovaldé (*). Si certaines femmes aiment agir comme des caméléons, en changeant quotidiennement d’allure ou de parfum, d’autres se plaisent à ne jamais varier ni les traits ni la gamme chromatique, se situant hors du temps et des modes. Ainsi ritualisé, le maquillage agit comme un masque. Un bouclier d’autant plus apprécié qu’il est facile à mettre en place : chaque matin le geste est automatique, presque inconscient.  » Ne jamais changer de maquillage est aussi une question de confort. Les gestes sont parfaitement maîtrisés, incroyablement rapides et précis « , précise Camille Saint-Jacques. Ce n’est pas parce que l’on se maquille a minima que l’effet sera amoindri, au contraire.  » Comme un peintre ne va pas juger de la puissance de son £uvre en fonction de la quantité de couleurs qui s’y trouvent, une femme sait que c’est l’effet de contraste qui importe « , ajoute Camille Saint-Jacques.

Si l’on se maquille toujours de la même manière, pourquoi ne pas opter pour la solution, certes radicale mais pratique, du maquillage permanent ?  » Avoir un maquillage définitif m’angoisserait, confie Bérénice. Se maquiller est un rendez-vous avec soi, un face-à-face renouvelé chaque matin. Y a-t-il tout de même des jours où, exceptionnellement, elle ne revêt pas ses attraits ?  » Même quand je traîne chez moi le dimanche, sans sortir, je me maquille, assure-t-elle. Finalement, la seule chose qui pourrait m’en empêcher, c’est la maladie « , estime Bérénice. Pourtant, il est souvent très utile dans ce contexte :  » La plupart des psychologues et sociologues s’accordent à dire que le renoncement au maquillage chez les femmes gravement malades, dépressives, en détention ou en fin de vie correspond à une perte dangereuse du désir de vie « , rappelle Camille Saint-Jacques. Alors, vraiment si futile, le maquillage ?

(*) Dernier livre paru : Et mon c£ur transparent (L’Olivier).

Catherine Robin

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