Avec pour parents une icône du punk et l’ancien manager des Sex Pistols, qui en sont les initiateurs, Joe Corré avait toutes les chances d’avoir la rébellion inscrite dans son patrimoine génétique. Le lancement, dans les années 90, d’Agent Provocateur, label de lingerie annonçant ses intentions sulfureuses jusque dans son nom, n’a fait que confirmer ce potentiel subversif. A l’époque, lui et sa femme Serena Rees, trouvant les sous-vêtements existants sur le marché trop sages, ouvrent une boutique à Soho, au coeur de Londres. On y vend des soutiens-gorge et des petites culottes sexy et colorés mais aussi, plus coquins tout en restant glamour, des porte-jarretelles ou des guêpières, pour le coup remis au goût du jour bien avant que Tom Ford ne fasse du porno chic un statement modeux. Les Anglaises en redemandent, le succès est au rendez-vous, et les enseignes se multiplient rapidement partout dans le monde.

S’il est désormais presque quinqua, le fils de la créatrice Vivienne Westwood et de Malcolm McLaren ne renie pas pour autant ses prédispositions à la sédition. Ainsi, en constatant qu’Elisabeth II adoubait un courant musical qui n’aimait rien tant que se foutre de sa royale tronche, ses chromosomes anticonformistes n’ont fait qu’un tour. L’objet de son exaspération ? Le parrainage par la reine des manifestations marquant les 40 ans d’Anarchy in the UK, le titre emblématique du mouvement contestataire.  » C’est la chose la plus effrayante que j’ai jamais entendue, déclarait-il dans un communiqué rapporté par The Guardian. La culture alternative récupérée par le mainstream !  » Puisque c’est comme ça, l’enfant terrible l’affirme, il brûlera tous les souvenirs de cette période dans un magistral autodafé. Soit une collection estimée à 6 millions d’euros, quand même.

D’ici au 26 novembre prochain, date officielle des commémorations, peut-être l’apprenti pyromane aura-t-il réalisé que cela fait longtemps que les signes d’appartenance keupon ont quitté les garages un peu crades de Manchester ou Liverpool, pour imprégner notamment la mode. Les défilés automne-hiver 16-17 de Chloé, Véronique Leroy, Hermès ou Isabel Marant, où le noir, les robes en cuir et les blousons de mod’s étaient à l’honneur, en témoignent une fois de plus. Quant à la silhouette-phare de Vuitton, c’était carrément perfecto, rangers et pantalons en vinyle. Mais l’argument ultime, celui qu’on rêverait de balancer à la face de ceux qui ont semé le deuil et la tristesse sur Bruxelles le 22 mars dernier, c’est Vetements qui l’a imprimé sur ses sweat-shirts : You fuck’n asshole, soit quelque chose comme  » espèce de sale trou du cul « . Punk is not dead, pour sûr. Et la liberté d’expression peut emprunter des voies qu’on n’attend pas.

DELPHINE KINDERMANS

VETEMENTS L’A IMPRIMÉ SUR SES SWEAT-SHIRTS : YOU FUCK’N ASSHOLE.

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