Coloriste star, Kathleen Flynn-Hui peint avec humour le monde impitoyable de la coiffure new-yorkaise et le non moins piquant univers de la haute société américaine… Dans un roman au parfum autobiographique.

Bienvenue chez Jean-Luc, le salon le plus mode à New York, où les princesses de Madison Avenue confient leur chevelure de rêve aux mains expertes de Georgia Watkins. Georgia, et le monde impitoyable de la beauté, sont au centre du roman piquant de Kathleen Flynn-Hui, elle-même coloriste star pour riches et célèbres à Manhattan.  » Je ne peux pas dire que mon livre est une autobiographie car je risquerais un procès dans ce pays ! Mais la plupart des situations que je décris sont vraies « , explique l’intéressée, blonde au sourire malicieux et au regard bleu vif, devenue la coqueluche des plateaux de télévision depuis la sortie de  » Beyond the Blonde « , aux Etats-Unis, en septembre dernier.

Publiée en français sous le titre  » Pure Blonde  » (aux éditions J.C. Lattès), la fiction se nourrit des aventures d’une jeune apprentie aux doigts d’or qui trace sa voie dans l’univers des formules chimiques pour blonds magiques et gros pourboires. Rayon de soleil dans le salon AKS de son mari Kao Hui (surplombant, comme par hasard, lui aussi, Madison Avenue), Kathleen – dans la vraie vie – enchaîne, comme son personnage Georgia, balayages et colorations réservés des semaines à l’avance par l’élite new-yorkaise et les fashionistas. L’experte se rend aussi tous les mois à Washington pour illuminer les mèches des déesses de la politique croisées dans les couloirs du Capitole. Ces femmes d’influence n’ont d’ailleurs pas de secrets pour leur coloriste favorite.  » Les coiffeurs sont de très bons confidents. Mais comme je l’écris dans mon introduction, il y a les histoires que je peux partager avec mes lecteurs, et celles que je ne révélerai jamais « , confie Kathleen qui pas une seconde ne s’interrompt d’appliquer sa potion et ceci tout en répondant aux questions.

L’envers du décor

Ce sont ses clientes qui l’ont encouragée à écrire.  » Tu es une formidable conteuse, tu devrais écrire un livre « , lui avaient-elles enjointe. Kathleen qui n’avait pourtant pas le temps de s’ennuyer entre le salon et ses deux petites filles à la maison, les a prises au mot :  » Je voulais créer quelque chose qui soit vraiment moi. »

L’ultimatum pour la publication de son premier roman ? Son 40e anniversaire. Le résultat ?  » Pure Blonde  » est une fiction rafraîchissante, cousue de scènes hilarantes et de commentaires astucieux sur l’envers du décor de la haute société américaine, celle qui investit plusieurs milliers de dollars par mois dans son apparence, et qui n’hésite pas à dépenser dans une nouvelle coupe de cheveux le prix d’un billet aller-retour pour Paris. Non dénué d’intrigues, le récit nous fait emboîter les pas de Georgia Watkins, depuis sa petite ville de province jusqu’à la grande vie dans la capitale du monde. On est très proche de la réalité. Kathleen a grandi modestement à Lee, dans le New Hampshire, où elle a baigné toute son enfance dans les recettes de beauté mises au point dans la cuisine de sa maman, coiffeuse à domicile.  » Pour moi, embellir mes clientes est un don, mais c’est aussi ce que je fais depuis toute petite. Je suis dans ce milieu depuis toujours « , dit-elle.

Ambitieuse et décidée à croquer sa destinée à pleines dents, la Kathleen en chair et en os embarque pour Big Apple  » où l’herbe est plus verte et le blond plus blond  » à la fin des années 1980,  » à l’époque où les grands coiffeurs avaient un tel ego et une telle arrogance qu’ils pensaient accorder une faveur aux clients qui poussaient leur porte « , évoque-t-elle. Promue coloriste junior, elle est remarquée par Frédéric Fekkaï, le coiffeur de Madonna et chouchou des célébrités, qui l’engage dans son palais doré de la 5e Avenue. Dans son ouvrage, Kathleen dépeint le salon de Jean-Luc comme le temple de la sophistication, où Georgia, née pour teindre les cheveux, touche alors son rêve du bout des doigts. Les promotions se succèdent, son carnet de rendez-vous ne désemplit pas, et elle rencontre l’homme de sa vie, le beau Massimo. L’héroïne se sent alors tout aussi auréolée d’or que la plus brillante teinture imaginable. Mais même les meilleurs balayages finissent par trahir les sombres racines de la nature humaine. Lâchée par ses proches, sa loyauté et son amour mis à rude épreuve, Georgia découvre alors l’autre face de la beauté. Il n’y a qu’un pas facilement franchi pour imaginer que les artifices, les trahisons et les sombres dessous de la profession dépeints avec beaucoup d’humour par l’auteur sont inspirés de son expérience aux côtés de son désormais concurrent, Frédéric Fekkaï. Celle-ci règle-t-elle ses comptes avec son ancien patron ?  » On me pose souvent cette question. Mais Jean-Luc est un personnage de composition, le mélange de plusieurs personnalités « , assure Kathleen, qui reconnaît ne plus fréquenter Fekkaï,  » parce que nous sommes trop occupés chacun dans notre monde « .

Tout comme l’épilogue du livre, les fidèles de Kathleen et de son époux Kao, top coiffeur chez Fekkaï, les ont suivis quand ils ont ouvert le premier puis le second salon AKS.  » Nous coiffons entre 800 et 1 000 personnes par semaine « , s’enorgueillit Kao Hui, qui décrit fièrement sa femme comme  » un phénomène « . Parmi leur clientèle, des célébrités comme le mannequin Heidi Klum, David Bowie, Bette Midler ou encore Catherine Deneuve. Parodie des coulisses de la haute coiffure,  » Pure Blonde  » se dévore aussi comme un carnet mondain sur les codes et les caprices de la haute société américaine, où il n’est pas rare de teinter les poils des chiens pour les assortir à la couleur des cheveux de leurs maîtresses et où l’on accepte le plus naturellement du monde un pourboire de 1 000 dollars (830 euros).

Pas droit à l’erreur

Si Kathleen Flynn-Hui garde le secret de son blond qui rend les New-Yorkaises si attractives, elle partage nombre de conseils, dans son ouvrage comme dans la vie.  » Brillance, contraste et hydratation  » composent la formule magique de cette experte du blond parfait, qui avoue beaucoup apprécier travailler sur les brunes,  » parce qu’il est plus difficile de réaliser un brun naturel « .  » Les chirurgiens du cerveau sont autorisés à faire des erreurs, pas nous « , lâche-t-elle en vous lançant un clin d’£il.

Dans son salon AKS de Madison Avenue, la coloriste passionnée, qui peut maintenant ajouter le titre de romancière à son CV, choie six jours sur sept des femmes d’affaires, actrices et  » socialistes « , dont elle devient la confidente, la conseillère, et parfois l’amie.  » Pour réussir dans ce monde, vous devez adopter le style de vie des personnes que vous coiffez. Vous devez être capable de les informer sur les nouveautés chez Prada, sur les bonnes adresses pour sortir, sur la dernière exposition du Moma « , poursuit-elle. Aujourd’hui, grâce au succès de son roman, Kathleen est en passe de devenir aussi populaire que les têtes qu’elle transforme. Pour elle, coiffeur n’est d’ailleurs pas une profession moins valorisante qu’avocat ou docteur.  » Je sais tout de la vie des gens que je coiffe depuis des années, mais je leur dois la confidentialité « , martèle celle qui est régulièrement invitée dans des villas de millionnaires à Palm Beach ou dans des suites d’hôtels à 10 000 dollars (8 275 euros) la nuit. Comme ce séjour à Paris, dans le penthouse prêté par une cliente sur l’avenue Montaigne.  » Mon voyage à Paris avec Kao a inspiré l’épisode du roman où Georgia et Massimo, envoyés par Jean-Luc dans la Ville lumière, trouvent la localisation parfaite pour l’ouverture d’un salon sur l’avenue Montaigne.  » Les pieds sur terre et la tête sur les épaules, cette fée de la coiffure n’oublie pas que sa vie n’a pas toujours été un conte… même si Disney lui a déjà racheté les droits d’adaptation de son roman autobiographique.

Elodie Perrodil

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