La vitesse à laquelle les nouvelles collections enfantines arrivent sur le marché est tout simplement stupéfiante. Les thèmes se succèdent à un rythme effréné et les marques sont soumises à forte pression pour proposer des nouveautés ébouriffantes.  » Quand, au début des années 1980, nous avons commencé à moderniser notre atelier de production, six marques faisaient la pluie et le beau temps sur le marché belge, précise Piet Van Hassel, le PDG de la société Van Hassels, l’une des entreprises belges pionnières en matière de mode enfantine. A l’époque, les marques phares se nommaient Tricotvem, Becopa, Little David, Dujardin… Ensuite, par vagues successives, Dada, Fifibrinda, Max & Lola, etc. sont apparues sur le marché. Actuellement, les marques belges se comptent par dizaines. Et comme le secteur n’est pas extensible à l’infini, chacun essaie de conserver ses parts de marché. C’est l’une des principales raisons pour laquelle les fabricants proposent des collections de plus en plus étoffées. Si, auparavant, on se contentait d’une palette de 4 coloris, il faut désormais en proposer un minimum de 7. Il en va de même pour les matières et les tissus qui comptent désormais 40 ou 50 références alors que l’on n’en utilisait jamais plus de 30 jusqu’à présent. Ainsi, il y a vingt ans, personne ne proposait de lin dans une collection pour enfants. En outre, les matières utilisées atteignent des degrés de sophistication inouïs : tissu prélavé, froissé, enduit, rehaussé de fils métalliques…  »

Du classique au trendy

Depuis de nombreuses années, la mode enfantine belge jouit d’une excellente réputation. Le textile et la confection belges sont synonymes de qualité et de solidité. Malheureusement, les collections étaient un peu trop sages.  » La campagne « Mode, c’est Belge » qui a vu le jour au début des années 1980 a complètement changé la donne, enchaîne Piet Van Hassel. Auparavant, les marques belges présentes sur les foires internationales tentaient de cacher leur origine en cousant des étiquettes Paris-Londres-Milan dans l’encolure de leurs produits. A l’époque, c’étaient en effet les collections italiennes et françaises qui donnaient le ton. D’ailleurs la majorité des marques belges n’avaient pas de styliste propre et devaient se contenter d’acheter les patrons, de préférence à Paris. Désormais, les Belges ont confiance en leur talent et en leur capacité à créer des collections aussi innovantes que pointues. Les années 1980, c’est également la période durant laquelle les premières collections de créateurs pour enfants, telles que celle d’Anouk Robijn, qui dessine à présent pour la marque Quincy, ont vu le jour. D’ailleurs, nous bénéficions encore aujourd’hui des effets positifs de cette vaste campagne de marketing. Les gens qui surfent encore sur cette vague doivent une fière chandelle à Helena Ravijst et à son équipe de l’ITCB. En effet, même s’il s’agissait d’une initiative gouvernementale, elle a permis de révolutionner le paysage de la mode belge.  »

Il n’y a pas si longtemps encore, la mode pour enfant était une simple transposition, version miniature, de la mode pour adultes.  » Il y a vingt-cinq ans, nous réalisions des costumes pour garçonnets qui étaient la réplique exacte de ceux de leurs papas. D’ailleurs, on les vendait dans les mêmes magasins « , se remémore Piet Van Hassel. A cette époque û fin des années 1970, début des années 1980 û quelques enseignes féminines telles que Scapa et Andres, entre autres, avaient réussi à se créer une solide image de marque et ont rapidement ouvert des boutiques entièrement dévolues à la mode enfantine. Les collections qui y étaient proposées ont bousculé le schéma classique. En effet, les patrons n’étaient plus la simple réduction d’un modèle pour adulte mais étaient spécialement dessinés pour épouser la morphologie du corps de l’enfant. C’est ainsi que sont nés les premiers total look.  » Au début des années 1980, chaque marque avait sa spécialité. Bivolino, par exemple, commercialisait des chemises, des anoraks, des manteaux et, par la suite, des pantalons. La majorité des gens pensaient que ces collections n’avaient aucun avenir parce qu’elles ne présentaient pas de points forts particuliers et qu’elles étaient trop onéreuses à produire… Pourtant, actuellement, si quelques spécialistes subsistent encore, ce sont les collections total look qui donnent le ton.  » Et de plus en plus de marques pour adultes, telles que Mer du Nord, Chine, Essentiel et Kaat Tilley lancent désormais des lignes de vêtements spécialement destinées aux kids.

Au pays du chiffon les enfants sont rois

Dans cette foison de créations, les enfants sont rois. Ils disposent désormais d’une autonomie et d’un réel pourvoir de décision. Ils ont un avis sur tout, savent pertinemment bien ce qu’ils veulent et comment l’obtenir.  » Ce sont les enfants qui font leur mode, souligne Piet Van Hassel. Les parents se contentent de choisir le magasin et de payer l’addition.  » Les gosses ont un flair infaillible en matière de tendances. Ils savent toujours ce qui est in et ce qui est out. D’après Piet Van Hassel, c’est encore plus vrai pour les garçons.  » Auparavant, nous proposions des vêtements pour garçons jusqu’à 14 ou 15 ans. Maintenant, dès l’âge de 12 ans, ils veulent appartenir à un groupe et les vêtements pour enfants en sont complètement bannis. Même les garçons qui ne se soucient pas trop de mode refusent radicalement d’en porter. Ils acceptent uniquement de se vêtir dans les magasins de jeans et dans les boutiques pour ados. Même des marques telles que Nike et Adidas s’intéressent à eux. Les filles, elles, sont moins exclusives. Quand un vêtement leur plaît, elles l’achètent, qu’il s’agisse d’une marque pour enfants ou pas.  »

Caroline Felst de Ten

 » Je veux que mes collections évoluent en fonction du développement de l’enfant, parce que c’est un aspect que l’on perd trop souvent de vue.  »

Marie Hendrickx de Ba-Beurre et Farfelu

 » Il est amusant de constater que les tendances de la mode pour adultes se retrouvent dans la mode enfantine. Les enfants sont de mini-adultes. Ils veulent être considérés comme des adultes et refusent catégoriquement de porter des vêtements qui font trop « enfant sage ».  »

Rudi Maes de Filou & Friends

 » Auparavant, la mode enfantine était inspirée par le monde des adultes. Désormais les enfants ont leur mot à dire : ils décident ce qu’ils souhaitent porter. « Alain Fajwlewicz de Jules et Julie

 » Tout petits déjà, les enfants choisissent les vêtements qu’ils veulent porter. Il nous arrive de voir des gosses de 3 ans réclamer une couleur bien précise. Et les parents cèdent à leurs caprices. Du coup, nous nous intéressons plus aux enfants qu’à leurs parents.  »

Olivier De Pauw de Red & Blu

 » La concurrence entre les marques de prêt-à-porter pour hommes et dames qui proposent des collections pour enfants est terrible. Les enfants choisissent leurs vêtements de plus

en plus tôt et se projettent dans le monde des ados et des adultes. « Kaatje Sandra de Max & Lola

 » Il n’y a plus de limites à la créativité. Au niveau de la forme et des couleurs, les possibilités sont infinies. Les classiques tons de rose et de bleu sont enterrés. Et c’est tant mieux. La mode enfantine respecte désormais l’enfant et sa personnalité.  »

Frederic Bossaert de Hilde & Co

 » L’offre est devenue impressionnante. On recherche également des matières plus raffinées et des techniques plus pointues dans la confection pour enfants. En outre, le consommateur se montre plus critique alors que les gosses suivent les modes et les tendances dès leur plus jeune âge. « 

Hilde Verbiest

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