Barbara Witkowska Journaliste

Tour à tour sensuelle ou romantique, moderne ou rétro, allurée ou fatale… La lingerie, aujourd’hui multiple et éclectique, suit admirablement la Femme dans ses métamorphoses. Au gré de ses humeurs et de ses envies.

Carnet d’adresses en page 78.

Séduire… La fonction première de la lingerie s’impose, certes, toujours. Mais, aujourd’hui, son univers s’élargit et elle incarne, de plus en plus, l’image du plaisir au sens large. Le vocabulaire emprunte des termes à la mode, à la beauté, à l’air du temps et à l’art de vivre en général. La lingerie est désormais liée à la notion de bien-être, de sensualité, de sérénité, de légèreté, de complicité et d’envie. S’amuser, se plaire, s’émouvoir… Les mots se font plus affectifs et relèvent d’états d’âme et d’esprit. Concrètement, le phénomène s’exprime par une transversalité, tendance très actuelle qui répond aux nouvelles aspirations de l’individualisme et de la liberté d’être soi.

La lingerie s’affiche partout. Garde-robe à part entière, elle se glisse dans le vestiaire du prêt-à-porter et s’intègre parfaitement à la vie de tous les jours. Baroque ou minimaliste, sage ou coquine, elle suit nos humeurs du moment. On assortit de plus en plus ses dessus et ses dessous, en s’offrant un soutien-gorge qui va avec la veste ou le pull sexy qu’on vient d’acheter. La femme n’hésite plus à dévoiler le haut d’un bonnet, la fleur d’un string ou un bonnet à travers un top un peu transparent. Et elle ose la couleur. Elle est prête à rompre avec le diktat du classicisme et des unis. Fleurs, pois, rayures, dessins, effets digitaux, bijoux, petits accessoires… tous les motifs flirtent les uns avec les autres. Les codes de couleurs et de mélanges volent en éclats. Les dessous n’obéissent désormais qu’à une nouvelle loi, celle du désir, ainsi qu’à une nouvelle envie, celle de parer son corps avec une multitude de petites pièces sensuelles, colorées et ludiques.

En septembre dernier, le salon Lyon mode city, qui présentait les collections de printemps 2006, fut l’exact reflet de ces nouvelles tendances. Rarement, on a vu un tel nombre de courants cohabiter. La volupté voisine avec l’innocence, la modernité épouse le vintage, la légèreté flirte avec l’opulence, le show-off côtoie la discrétion. Plus que jamais, la lingerie est un accessoire de mode. Son but ? Surprendre, faire varier les plaisirs et susciter l’envie.

Londres A la pointe des tendances

Cap sur Londres, à la Une de l’actualité. Damaris Evans est née à Notting Hill, le quartier branché par excellence. Parmi ses ancêtres, il y a de solides références artistiques. Son grand-père, par exemple, sir William Rothenstein, qui a dirigé pendant de longues années la Tate Gallery. Formée au prestigieux Central Saint Martins College of Art and Design, Damaris a lancé sa collection de lingerie éponyme en 2001… sur sa table de cuisine. Le concept ? Faire l’impasse sur les sempiternels  » coton Lycra et dentelles en nylon  » et privilégier des soies voluptueuses et caressantes, des détails coquins et le design d’avant-garde. Son produit phare ? La petite culotte avec une insolente découpe… sur les fesses. Dans la nouvelle collection, il est rehaussé de n£uds spectaculaires, de lanières ludiques ou encore de savants laçages. Le blanc et le noir sont en vedette, dopés par quelques touches de vert et d’orange. Le rose est une autre valeur sûre, rythmé par des pois fuchsia ou par des lanières noires. Le best-seller ? La petite culotte et son gilet assorti ; les deux ornés de pompons multicolores, mobiles et virevoltants, façon grigris. Parmi les inconditionnelles de Damaris, on cite Claudia Schiffer, Jade Jagger, Angelina Jolie et Courtney Love.

Le même esprit  » tout soie et pas de dentelles  » caractérise les collections State of Undress (SOU). Deux Canadiennes, originaires de Vancouver, ont posé leurs valises à Londres, après une formation au Central Saint Martins College of Art and Design. Alexandra Suhner dessine les modèles, Emma Cheevers s’occupe de la gestion. Le concept ? Une lingerie très luxe, conçue dans l’esprit boudoir ou pin-up girl et très inspirée par la mode. Les soies sont créées et peintes à la main par de jeunes artistes, différents à chaque saison. En ce moment, la nature a la cote. Fleurs, oiseaux, grenouilles et serpents s’épanouissent sur des fonds rose, gris et marron. Pour le printemps prochain, le thème  » nature  » est reconduit, avec des coloris de fond plus tendres et plus frais, tels les fuchsias, les bleus et les mauves. Les culottes, très sexy, osent des découpes en forme de goutte ou des fentes audacieuses. Des n£uds souples et généreux coulent sur les hanches ou sur les fesses. Du dessous, la lingerie State of Undress passe de plus en plus au dessus. Elle ne se contente plus de faire les yeux doux au prêt-à-porter, mais elle passe à l’acte. Les mêmes imprimés se déclinent donc en parures de lingerie, en robes, en kimonos, en tops et en combinaisons. A porter à l’intérieur ou à l’extérieur, comme on voudra. L’un des best-sellers ? Le masque pour dormir en soie, assorti à chaque parure, très apprécié des élégantes raffinées qui ont un sommeil fragile.

Paris Au top de la féminité

A Paris, Eva Rachline, passionnée par l’univers des dessous et du balnéaire depuis sa tendre enfance (à l’âge de 11 ans, elle créait des maillots qu’elle vendait à ses copines), a fait ses premières armes, après une formation dans une école de stylisme, chez Chantal Thomass. Sa propre marque, lancée en 1996, vient de trouver, il y a un an, un très joli écrin, sous forme de boutique propre, située dans la très chic rue de Grenelle. Le style ? Celui du xviiie siècle, avec son cortège de soies façonnées à l’aspect de brocart, de résilles, de broderies, de tulles imprimés et de rubans. Pour cet hiver, la créatrice a puisé son inspiration dans l’ambiance très hot des comédies musicales de Chicago et de Broadway, dans les années 1920. Place au spectacle ! Brillances, paillettes et glamour sont au programme. Dans la ligne Lumière, la résille fantaisie épouse le satin, rebrodé de fils irisés et opte pour des tons intenses de violet et de noir. Des perles se posent sur les bretelles et rehaussent l’éclat de la parure. Idée amusante ? Ce thème est détourné en gilet du soir à porter le jour. Très jazzy, la ligne Ludwig mise sur les motifs graphiques et géométriques et joue avec des contrastes noir et ivoire ou encore noir et rose. Vous aimez les dentelles ? Vous allez craquer pour la ligne Liaison et sa profusion de dentelle qui souligne les galbes de la silhouette aux allures très glamour.

Elise Anderegg, originaire de Bienne, en Suisse, a une prédilection pour les dessous que l’on n’hésite plus à faire passer dessus. Frais, juvéniles et très  » émotionnels « , ses modèles sont issus des formes du prêt-à-porter, retravaillés avec des détails et des finitions empruntés à la lingerie. Sa marque de fabrique ? La dentelle. Après les études de stylisme à l’école Esmod, à Paris, Elise Anderegg débute sa carrière chez Solstiss, l’un des rois de la dentelle en France. Plus tard,  » la petite reine de la dentelle « , comme on la surnomme à Paris, imagine des motifs pour des couturiers, Dior, Ungaro ou Chanel (le dessin de dentelle de la robe du parfum Chance, c’est elle). Dans sa toute première collection de lingerie, lancée cet hiver, les tops et les nuisettes sont taillés dans des soies, crêpes et mousselines. Des pompons, des bretelles en plumes et des petits n£uds se posent ici et là. Pour le printemps 2006, la légèreté et l’insouciance des années 1970 se profilent à l’horizon et déclinent les codes du prêt-à-porter. Des combinaisons en soie s’habillent juste d’un collier de perles et sont prêtes pour aller danser. Des jupons et pantalons, généreusement incrustés de dentelle, brouillent les pistes et se sentent aussi à l’aise dedans que dehors. Des nuisettes arachnéennes et délicates adoptent le côté brut d’un jeans. Les coloris empruntent les valeurs sûres de la lingerie : le beige, le noir et l’écru voisinent avec le vieux rose et le rose pâle.

Un nouveau romantisme, à la fois délicat et sensuel, se dévoile dans la toute nouvelle marque Bien fée pour toi. En dessinant les modèles, la créatrice Vanessa Schleimer a pensé à la jeune femme d’aujourd’hui, celle qui a envie de fraîcheur, de couleurs pastel et de matières douces et confortables. Le tulle et le tulle plumetis s’associent à une véritable matière seconde peau, composée du Meryl et du Lycra. En bas, les versions proposées sont le shorty, la forme la plus tendance qui prend de l’importance et le tanga. Il y a aussi quelques strings, bien qu’ils soient légèrement en perte de vitesse. En haut, les décolletés plongent. A la fois profonds et dégagés, ils sont très bien mis en valeur. Et, bien sûr, une panoplie de tops et de nuisettes qu’on ne manquera pas de porter au grand jour. Les couleurs explosent dans les acidulés avec des mauves, des roses et des turquoises. En version plus pure, le blanc est souligné de liserés orange ou fuchsia. Faussement sage, la collection ose des rubans de satin, souples et sensuels ainsi que des détails coquins, comme ce petit hublot que l’on retrouve sur les culottes, derrière, devant ou sur le côté.

Turin Le vintage moderne

Pour terminer, faisons un saut à Turin, chez Guia La Bruna. En sortant des Arts déco à Paris, cette Italienne surdouée s’est mise à fouiller dans les archives de ses parents qui avaient une usine de dessous. La passion pour la lingerie ne la lâchera plus. Guia récupère les coupes et les patrons et les réinterprète à son goût, avec ses matières, ses motifs, ses idées et ses détails ludiques. Elle aime le tulle élastique, le lin, la mousseline de soie, la crêpe de soie élastique et la broderie anglaise. Et, surtout, elle possède cet art, typiquement italien, d’associer des coloris et des imprimés les plus inattendus. Terriblement sexy, subtilement rétro, ses parures sont du vintage moderne.

Barbara Witkowska

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