À contre-courant des marques qui entendent faire de nos enfants des copies fashion de leurs parents, certains créateurs misent sur des collections plus ludiques et joyeuses destinées aux kids, et à eux seuls. Panorama d’une tendance émergente.

C’est par le biais des jouets que Jenny Boije s’est fait connaître. En 2005, cette créatrice suédoise se lance en effet sur le marché du design avec de drôles d’animaux. Un jour, elle a l’idée d’accrocher l’un de ses personnages – une grenouille – à un tee-shirt. Elle réalise l’assemblage artisanalement, chez elle, et teste le produit dans deux boutiques. C’est le succès, les premières foires, la naissance d’une véritable collection textile… Il faut dire que l’amusant bestiaire répond parfaitement aux attentes des parents scandinaves qui entendent offrir à leurs rejetons une enfance la plus longue et la plus préservée possible et ne recherchent donc pas – contrairement aux consommateurs d’autres nations européennes – une garde-robe inspirée directement de l’adulte.

Depuis ces débuts, les habits-jouets de Jenny, griffés Lipfish, ont toutefois essaimé dans vingt pays. Car, prenant conscience des dérives d’une certaine mode enfantine, de plus en plus de papas et mamans tournent dorénavant le dos aux grandes marques pour privilégier des créateurs aux idées moins sérieuses et davantage orientées vers le monde des petits. C’est pour répondre à cette demande – certes encore assez limitée – qu’en France, Bouille de Clown a vu le jour. L’idée :  » inclure dans chaque habit un jeu et un conte « . C’est ainsi que, dans le vestiaire de la Bretonne Coralie Benitte, les manches deviennent des marionnettes et les poches des cachettes pour minibestioles. Chaque modèle est conçu sur mesure, dans des matériaux bio, l’option n’étant pour l’instant pas de développer le concept commercialement à grande échelle mais de le tester sur une clientèle intéressée par ces modèles pointus, via des commandes en ligne.  » Grâce à ces vêtements qui s’appuient sur l’imaginaire de l’enfant, un véritable rituel s’installe lors de la séance d’habillage. Plutôt que de lui répéter « dépêche-toi » – ce qui ne marche de toute façon pas -, sa maman peut lui raconter une histoire qui le stimulera à enfiler sa veste ou son pantalon rapidement, sans rechigner « , explique la styliste… qui affirme que ses créations sont aussi très pratiques pour occuper les mômes en voiture ou dans une file d’attente.

Plus ambitieux quant à sa diffusion en boutiques, le tout nouveau label français Rose pour les garçons partage cette même vision de la mode enfantine et désire  » colorer le quotidien, inverser les codes et créer des vêtements à jouer… ou des jouets à porter « . Ainsi, l’un de ses motifs représente des mains dessinant des ombres chinoises, pour inviter les petits à en faire autant. Un autre dessin symbolise un visage dont l’enfant peut masquer les yeux de ses mains pour jouer à cache-cache. Le tout ne se revendiquant pas du tout dans les tendances saisonnières…  » Un des plus beaux compliments qu’on puisse nous adresser sur la collection, c’est qu’elle est indémodable « , avoue la créatrice, Elvira Llopis.

D’autres marques empruntent également cette voie de traverse qui fait fi des diktats modeux pour permettre aux gosses de se réapproprier leur vestiaire. Comme îuf be Good qui propose des ensembles en alpaga à accessoiriser de masques, de cols ou de queues à clipser au pantalon. Ou Yporqué, champion dans cette catégorie de griffes à jouer. Derrière ce nom, un label espagnol qui fait le buzz dans le milieu de la mode enfantine avec notamment des sweats à capuche de superhéros et des tee-shirts sonores, équipés d’une petite capsule waterproof qui reproduit le son du motif représenté. Pour l’été prochain, cette ligne basée sur les sens s’étoffera avec des blouses olfactives, cette fois !  » Nous réinventons le design de chaque vêtement afin qu’il apporte quelque chose en plus au môme qui le porte, insistent Andrea, Beth et Eli, le trio derrière ce concept. Nous voulons lui donner envie de mettre cet habit. Que ce soit parce qu’il est amusant ou tout simplement parce qu’il est plus confortable qu’un autre. « 

Le succès d’Yporqué, qui a obtenu, en 2011, le prix de la griffe la plus créative de la péninsule ibérique, face à ses concurrentes du monde de l’adulte, prouve que le créneau n’en est qu’à ses débuts. Certaines marques grand public surfent d’ailleurs progressivement sur cette vague, comme Absorba, qui, depuis l’an passé, propose dans son catalogue des bodies d’éveil dont le motif est composé de diverses matières à toucher,  » pour que la maman profite du moment privilégié du change pour jouer, rire et stimuler la curiosité de bébé « . De même, la chaîne Du Pareil au Même sort depuis quelques saisons des gammes de pyjamas et robes de nuit déguisements pile-poil dans cette mouvance… qui fait son chemin chez nous également. Ainsi, la designer textile tournaisienne Virginie Beaufays a lancé cet automne des robes étiquetées Nomdidomme en teddy 100 % coton qui sont décorées d’une sorte de col-bijou à pompons…  » C’est à la fois un vêtement et un objet. Il y a un aspect tactile fort, entre art, design et stylisme « , note la conceptrice. Motivée par cette première collection, qu’elle confectionne elle-même avec l’aide de couturières de sa région, elle planche maintenant sur des modèles similaires pour les femmes,  » avec un peu plus de sobriété bien sûr « … Après la mode du  » mini-me « , qui perd des plumes au nom de la préservation de l’enfance et de la volonté de ne pas faire de nos mômes des pseudo-adultes, voici donc venir la mode  » maxi-me « . Ou comment s’inspirer de nos têtes blondes pour retrouver le plaisir simple de jouer à s’habiller.

Carnet d’adresses en page 126.

PAR FANNY BOUVRY

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