Haciendas princières, plages sublimes et une activité artistique qui met Mexico en ébullition… Voici (au moins) trois bonnes raisons de redécouvrir ce pays à l’inépuisable richesse.

L’EFFERVESCENCE ARTY DE MEXICO

Il est cinq heures, la ville s’éveille. 22 millions de Chilangos – ses habitants – démarrent la journée sur le jingle tonitruant de  » Rrradio Rrromantica « . Dans l’enfer brûlant du périphérique saturé, des pèlerins pédalent vers la basilique de la Guadalupe en portant la Vierge en bandoulière. Sous des parasols rafistolés, cuisent les premières galettes de maïs, le breakfast local fort en piment rouge que les businessmen avalent en se brûlant les doigts, indifférents à la cacophonie des transistors accrochés aux arbres. A 2 240 mètres d’altitude, les 1 500 kilomètres carrés cernés de volcans de Mexico (ou DF pour Distrito Federal) laissent aussi pantois qu’a dû l’être Cortés devant la grandeur de l’empire aztèque.

La movida vibre partout dans les colonias, quartiers arty au caractère bien trempé. Ainsi Polanco incarne l’art de vivre des ultrariches, entre buildings de verre et boutiques chics. Une bulle de luxe où les musées sont des cadeaux de milliardaires. Sur l’esplanade Carso, trône le Soumaya de Carlos Slim. Ce silo d’argent, métaphore de la deuxième fortune du monde, abrite 6 000 oeuvres dont 55 sculptures de Rodin ! A 180 degrés, on admire depuis novembre 2013 la ligne épurée du musée d’Art contemporain Jumex. Parmi 2 600 pièces, un conceptuel Flying Sink, du sculpteur américain Robert Gober  » fraîchement décroché de son salon « , s’exalte la conservatrice, en transe, rejoignant les oeuvres de Calder ou Warhol, notamment.

D’autres quartiers ont conservé leurs fastes coloniaux et leurs palmiers, comme le centre historique de la Reforma avec ses précieux palais baroques alignés en haie d’honneur sur calle Madero. La colonia Roma, elle, est le refuge des artistes. Le couchant ajoute un gramme d’or aux façades Art déco bleues et roses et au carrelage turquoise des cafés design. La sublime Casa Lamm, hôtel particulier converti en centre culturel, jouxte Romita Comedor, cantine des fashionistas. Attirés par les notes de Te Quiero Dar qui s’en échappent, nous venons nicher, nous aussi, dans cette somptueuse cage à oiseaux couleur de jais. Une Corona bien fresca, et nous voilà prêts à franchir l’avenue de los Insurgentes qui nous sépare du quartier de Condesa. A l’ombre du parc España, circulent les Ecobicis (Villo locaux) et les joggeurs suivis de leur xoloescuincle – chien aztèque à peau nue et au rigolo toupet punk. Les trompettes des groupes de mariachis mettent en fête mille restaurants où l’on se laisse tenter par une salade de cactus au goût légèrement acide. Enfin, le dieu Lune se lève et la noche sort ses paillettes à Zona Rosa, qui rassemble, en quatre rues canailles, le nec plus ultra des dancefloors.

DES HACIENDAS AU DÉCOR DE WESTERN

A vingt minutes au sud de Mexico, les Chilangos déboulent le dimanche à Coyoacán. Ce village colonial nous chuchote un Mexique aussi sucré que les barbes à papa de son pittoresque marché. Rien n’a changé depuis Frida Kahlo et Diego Rivera, pas même la Casa Azul, où ils s’aimèrent. Intact, le lit bordé de dentelle de Frida. Intacte, la chaude émeraude de son jardin. Tout à coup, vient l’envie des kiosques de roses, à une heure de là, de Cuernavaca, la Ville du printemps éternel. Petite provinciale tapie aux pieds des montagnes de Morelos, elle fut la Quauhnahuac du roman iconique de Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan. Une fois rassasié de fleurs, de timides clochers, du palais de Cortés fermé sur ses secrets, on s’aventure dans la garrigue vers Tepoztlan. Village  » magique  » aux maisons chaulées de blanc et aux ruelles de lave polie par les sandales. Notre sorbet, parfum baiser d’ange, coule entre les doigts pendant qu’on marchande ponchos y sombreros. Au bout du village, le couvent de la Natividad aux évanescentes fresques rouges et noires, et si peu de monde pour saluer cette beauté du XVIe siècle inscrite sur la liste du patrimoine mondial par l’Unesco. Reste finalement à trouver l’hacienda de nos rêves. Tour à tour plantations sucrières, refuges de Zapata… et de don Diego de la Vega, ces châteaux espagnols offrent de vastes chambres pâles comme des infantes. On quittera à regret notre lit, un vaisseau de chintz pastel, pour Xochicalco, piquée sur l’azur. La haute cité précolombienne conserve toujours la pyramide du dieu serpent Quetzalcoatl… à glacer le sang des hypersensibles aux sacrifices humains.

DES PLAGES AUX ALLURES DE PARADIS

On rêve de côte Pacifique. En fait, notre paradis prend la silhouette tentatrice de Puerto Vallarta, bercée par l’immense Bahia de Banderas. Elle est la clé des plages vierges accessibles seulement par bateau, cernées de jungles et ruisselantes de cascades. Passagers et marchandises voguent en direction de Tomotlan, à la pointe sud, ou des palaces ultrasélects de Punta Mita au nord. Une paillote apparaît ici ou là. A Mismaloya, Liz Taylor et Richard Burton vivent d’ailleurs une robinsonnade durant le tournage de La Nuit de l’iguane. En confidence, grosse frayeur quand un saurien grassouillet se laisse tomber tel un météore sur le toit de votre restaurant ! Sur la promenade maritime de Puerto Vallarta, sortie de l’anonymat grâce à John Huston, autour de la cathédrale coiffée d’une charlotte royale, on croise aussi les Indiens huichol. Ce peuple millénaire, adepte du peyotl sacré, se distingue par le port du pantalon blanc rebrodé et de l’iPhone vissé à l’oreille. Ce mélange de  » Quetzalcoatl et de Pepsicoatl « , comme l’exprimait Carlos Fuentes, c’est ça, le Mexique… Et cela vaut bien une tequila !

PAR ELISA MORÈRE

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