Sa beauté orientale a séduit L’Oréal. Mais ce nouveau rôle d’icône glamour ne la détourne pas des films engagés qu’elle a toujours aimé tourner. A l’affiche du dernier Claire Simon, Les Bureaux de Dieu, Rachida Brakni se dévoile. Sans fard.

C’est à coup sûr un film de femmes. Qui vous fend le c£ur sans mélo. Parce que les histoires qu’il raconte sont toutes vraies. Tellement vraies qu’on les a presque toutes vécues, de près ou de loin, un jour ou l’autre. La porte des Bureaux de Dieu, que l’on soit homme ou femme, jeune ou vieux, riche ou fauché, on la pousse, le plus souvent, la trouille au ventre. Car ce que filme ici Claire Simon, ce n’est pas l’antichambre du paradis. Mais la salle d’attente d’un planning familial comme tant d’autres.  » Un des rares lieux, comme l’hôpital ou la prison, où l’on est face à un véritable brassage social, insiste Rachida Brakni qui incarne dans le film l’une des conseillères du planning. Comme la plupart des jeunes femmes, j’y suis allée moi-même un jour. Et j’ai retrouvé dans les dialogues de Claire l’ambiance si particulière à ce genre d’endroit. Un lieu de parole, de confiance, où je me sentais vraiment en sécurité.  »

Proche du documentaire, le dernier long-métrage de Claire Simon s’appuie sur une retranscription minutieuse d’entretiens qui se sont déroulés derrière les portes fermées de ces bureaux où, contrairement à ce qu’on pourrait croire en ce début de xxie siècle, la sexualité et tout ce qui en découle – contraception, protection, avortement… -, ce n’est pas une  » affaire qui roule « .

Pour incarner les  » pros « , Claire Simon a choisi de faire appel à des grands noms du cinéma : aux côtés de Rachida Brakni défilent Nathalie Baye, Nicole Garcia, Isabelle Carré, Béatrice Dalle. Face à elles, pour donner vie aux consultantes, des inconnues qui ressemblaient aux véritables  » héroïnes  » de ces tranches de vie souvent tragiques. Ce film bouleversant, hors normes, Rachida Brakni l’a défendu, à Cannes, lors du dernier Festival, où il était présenté durant la Quinzaine des Réalisateurs… Alors même qu’elle venait de rejoindre le pool glamour des égéries de L’Oréal, abonnées à la montée des marches sous les coups de flashes et les projecteurs. Deux facettes de sa personnalité qu’elle met au service de ce qu’elle aime par-dessus tout : faire du (très bon) cinéma. Confidences.

Weekend Le Vif/L’Express : Tout dans le dernier film de Claire Simon – le script, le casting, les longs plans séquences de 10 min… – est pour le moins atypique. Qu’est-ce qui vous a tenté dans cette aventure ?

Rachida Brakni : Le scénario tout d’abord est extraordinaire. A lire ces témoignages, tous authentiques, on mesure à quel point un lieu comme le planning familial est un espace fragile. Et plus que nécessaire aujourd’hui. Car la méconnaissance des risques en matière de contraception, de sexe, reste totale.

A Cannes en mai dernier, vous défendiez Les Bureaux de Dieu qui est plutôt un film engagé. Et vous faisiez votre entrée dans la dream team de L’Oréal. Ce n’est pas un peu schizophrénique ?

Non, je ne pense pas. L’un peut servir l’autre. Aujourd’hui, toutes les actrices sont sollicitées comme égérie, pour présenter une certaine image de la beauté, de la féminité. Cela ne les empêche pas de tourner ce qu’elles veulent, au contraire. Tout à coup je ne vais pas me cantonner dans des films à gros budgets basés sur des scénarios qui ne racontent rien. A Cannes, si je n’avais été là que pour L’Oréal, tout ce faste m’aurait peut-être agacée. A l’inverse, j’aimais assez le contraste qu’il pouvait y avoir entre l’image un peu triviale de mon rôle d’égérie face à ce personnage plutôt grave dans le film de Claire Simon.

Vous êtes désormais le visage de la gamme de maquillage Oriental Beauty. Fini de sortir de chez vous  » au naturel  » ?

Certainement pas ! Au quotidien, d’ailleurs, je ne me maquille pas. Pour un événement particulier, une soirée, une première, j’aime le faire avec plaisir. C’est plutôt agréable d’ailleurs. Mais je ne suis pas du genre à m’angoisser à l’idée de sortir sans fard. J’adore porter une robe de créateur tout comme j’aime être là, comme je vous parle, en jeans, les cheveux en bataille, avec juste une peu de crème hydratante sur la peau ! Jeune fille, je n’avais pas le droit de me maquiller. Et quand je vois aujourd’hui des gamines de 13 ans toutes peinturlurées, cela m’effraie. Il y a un temps pour tout. C’est beau aussi, la différence. Cela permet de garder une certaine échelle de valeurs. Si on se maquille beaucoup, tous les jours, ce n’est plus exceptionnel. Le jour où vous enfilez une robe cou-ture, les gens sont surpris, ils se disent : ouaw !

Votre nouveau rôle d’égérie fait davantage parler de vous que votre travail d’actrice. Cela ne vous choque pas ?

Vous avez raison, j’avais déjà reçu un César et un Molière, tourné dans de très beaux films primés. Là je me rends compte que travailler pour L’Oréal a plus d’impact médiatique que tout ce que j’ai pu réaliser auparavant. D’un côté, cela m’effraie un peu. Mais il faut faire avec. Si toute cette attention peut me permettre de mener à bien des projets difficiles, tant mieux. C’est aussi à cela que cela sert.

Comme Marion Cotillard ou Mélanie Laurent, rêvez-vous de tenter l’aventure hollywoodienne ?

Pourquoi pas, j’adore le cinéma américain. Là-bas, le divertissement n’est pas synonyme de vulgarité. Les studios américains osent aussi se donner les moyens d’aborder des sujets difficiles. J’adorerais tourner aux Etats-Unis mais pas à n’importe quel prix. Si c’est pour me retrouver à jouer le rôle d’une Irakienne dans un film post-11 septembre, être là juste pour apporter une caution raciale, non merci. Cela ne m’intéresse pas du tout.

Vous avez le sentiment, parfois, d’être confinée dans des rôles  » ethniques  » ?

J’ai eu beaucoup de chance de travailler pour la Comédie-Française et de me voir offrir des rôles du répertoire. Cela m’a donné une vraie légitimité : j’ai joué de tout depuis lors. Des Arabes, des Juives, des Françaises. Je n’ai pas à me plaindre quand je vois ce que je tourne ou ce que je vais tourner. Même si je suis sûre qu’une fille avec un autre prénom aurait déjà reçu 20 fois plus de propositions que moi. Il ne faut pas se voiler la face : je suis assez choquée de voir le nombre de magazines féminins qui se disent progressistes mais qui ne mettent jamais une fille noire ou maghrébine en couverture. Cela a tendance à m’agacer, surtout s’ils sont du genre donneur de leçon.

Propos recueillis par Isabelle Willot

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