Au cour de Malmesbury, les ruines d’une ancienne abbaye ont inspiré un couple de jardiniers anglais hors normes.

The Abbey House, Malmesbury, Wiltshire SN16 9A – Tél : + 44 16 66 82 22 12. E-mail : info@abbeyhousegardens.co.uk. Ouvert du 21 mars au 21 octobre de 11 à 18 heures.

 » I an est architecte. Il s’est fort impliqué ici à Malmesbury dans le groupe de travail chargé de préparer les événements autour de la célébration de l’an 2000. Tout le monde en Angleterre espérait obtenir des subventions de l’Etat. Jusqu’au jour où l’on s’est rendu compte que le Millenium Dome de Londres ( NDLR : le dôme gigantesque réalisé à Londres au bord de la Tamise pour le passage à l’an 2000) allait absorber tout l’argent public. Alors nous avons décidé de faire quelque chose de symbolique à notre niveau. C’est ainsi que l’idée est venue de planter 2000 rosiers différents. Nous maintenons ainsi une des plus importantes collections d’Angleterre, plus vaste par exemple que certains jardins qui possèdent les collections nationales de référence.  » La première fois que l’on aperçoit Barbara Pollard au travail dans son jardin, on a l’impression de croiser une nymphe qui aurait survécu à la vague hippie : longue chevelure rousse, jambes élancées et court vêtues, habits colorés. Occupé à nettoyer les feuilles fanées d’un groupe de plantes bulbeuses, Ian Pollard, son mari, semblerait, lui, tout droit descendu de sa Harley Davidson.  » Ian est épris de liberté, comme celle d’exposer sa peau au soleil. C’est quelqu’un de très visuel. Et moi, tout simplement, j’aime lui plaire « , explique Barbara.

 » En 1994, lorsque nous avons acheté la maison et ses 2 hectares et demi de terrain, il y avait ici des orties de près de 2 mètres de hauteur. On ne voyait plus l’étang qui se trouve en contrebas « , relate Ian Pollard.  » Nous avons donc nettoyé les mauvaises herbes et éliminé une partie de la végétation arbustive qui étouffait littéralement le terrain « . Aujourd’hui, les jardins de Abbey House comptent deux parties essentielles. Au devant de la maison, dans ce qui fut autrefois le domaine réservé au supérieur de l’abbaye, on retrouve les grands thèmes du jardin anglais du xxe siècle : des chambres séparées par des haies ou des structures verticales, un border de vivaces, un jardin aux motifs taillés, une roseraie, un jardin d’herbes aromatiques, une grande allée couverte (supportant des cytises), des arbres fruitiers palissés.

A l’arrière, la forte déclivité du terrain conduisant dans le lit de la rivière Avon conçu un ensemble paysager avec une promenade de rhododendrons, un sous-bois de fougères et d’autres massifs d’arbustes ou de plantes d’ombres. Le réaménagement des étangs a donné vie à une chute d’eau créée à l’aide de centaines de tonnes de grosses pierres de la région. Plus récente que la partie haute, cette vallée gagnera à être visitée dans quelques années, lorsque tous les végétaux auront atteint leur taille adulte. On pourra alors seulement comprendre l’effet recherché par Ian et Barbara, à savoir celui d’un sous-bois sauvage.

Sur le même niveau que la maison, le plan est beaucoup plus strict et régulier avec deux éléments  » à la française « , un knotgarden (littéralement jardin de n£uds, par référence à la forme décrite) en santoline et une croix celtique, réalisée avec des plantes de parterre illustrées dans des peintures des xve et xvie siècles. Bien qu’introduit en Angleterre un peu plus tard, le buis est aussi repris dans les motifs. C’est un peu plus loin qu’est rassemblée la collection de 2000 roses. Les borders de vivaces sont tout aussi impressionnants de richesse. Le plus beau est celui qui propose, au bout de sa perspective, une fontaine sculpture en métal, signée par l’artiste contemporain Barry Mason.

C’est à l’extrémité de la parcelle que se trouve une des réalisations les plus imposantes du couple : un jardin d’herbes circulaire ceint par une double arcade. Alors qu’à l’intérieur, de multiples petits carrés permettent de cultiver abondamment les simples typiques des cloîtres d’autrefois, le pourtour est un véritable jardin à la verticale, supportant des dizaines de pêchers, cognassiers, poiriers et pas moins de 180 pommiers palissés. On y trouve même des variétés de pommes décoratives, qui sont en fait là pour assurer la pollinisation des fleurs qui donneront les pommes comestibles. Quelques rosiers et clématites viennent s’enlacer au milieu de ce  » verger « . Ian et Barbara Pollard aiment mettre des chiffres en exergue. Ils insistent ainsi sur le fait que le jardin d’herbes comprend 1200 plantes différentes, à utiliser en parfumerie, en cuisine ou en pharmacie. Enfin, plus de 30 000 ont été enfouis dans le sol, favorisant ainsi l’éclosion du jardin dès son ouverture printanière.

L’an dernier pas moins de 50 000 personnes ont visité les jardins de Abbey House, situés à l’ombre des ruines de l’ancienne abbaye bénédictine de Malmesbury. Et toutes en sont ressorties avec le sentiment d’avoir visité une atmosphère. Celle-ci a cependant été construite en peu de temps. Une véritable prouesse pour un jardin conçu il y a une petite dizaine d’années seulement. Mais qui a su s’imposer déjà grâce à sa richesse et à sa voluptueuse originalité.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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