Si les fabricants horlogers continuent de surenchérir dans les brevets et les effets, ils rééditent aussi leurs modèles phares, en version sobre et épurée. Zoom sur ces merveilles de simplicité.

Qui peut le plus peut le moins ! Ce printemps, le joaillier Boucheron se relance en horlogerie avec la manufacture suisse Girard-Perregaux. Respectivement fondées en 1858 et 1852, ces deux maisons sont riches d’un admirable passé, chacune dans sa spécialité. Entre les mouvements mécaniques GP 4000 à remontage automatique, dotés d’une masse oscillante avec pour motif gravé un caméléon, un serpent ou une tortue, et les boîtiers, décorés de ces mêmes petites bêtes pavées de pierres précieuses, ces deux protagonistes ont déployé tous leurs trésors de savoir-faire. Preuve de la surenchère entre fabricants, les trois quarts de ces modèles se révèlent plus spectaculaires les uns que les autres. Mais il y a aussi la montre Reflet, modèle emblématique de Boucheron depuis 1947, qui est rééditée avec un mouvement à quartz et son système original de bracelets interchangeables. Chic, sobre et racé, ce garde-temps pourrait être le best-seller de leurs coéditions.

Une tendance extrême appelle toujours son contraire.  » Ces dernières années, le secteur de l’horlogerie a multiplié les éditions de nouveautés, ainsi que les déclinaisons, variations et séries limitées « , observe Arnaud Chadourne, jeune horloger parisien à la tête d’un magasin dans le VIIe arrondissement depuis trois ans.  » Si cette effervescence créative, poursuit-il, séduit les passionnés, qui traquent le modèle qui vient de sortir, le grand public n’est pas collectionneur de garde-temps. Lorsqu’un homme ou une femme décide d’investir dans une vraie belle montre, son choix porte généralement sur le modèle phare d’une marque de prestige.  »

Réflexe de consommation qui se vérifie aussi dans la mode ou l’automobile à l’issue de toute période de création débridée, ce recentrage sur des valeurs sûres se produit aujourd’hui dans l’horlogerie.  » On a connu une véritable atomisation des styles et des tendances « , constate Jean-Jacques Weber, PDG de la société Templus, qui distribue des marques comme Eterna, Frédérique Constant ou Porsche Design sur le marché français.  » La mode des complications, de la fantaisie et du strass n’est pas finie, ajoute-t-il, mais il y a une demande croissante de modèles plus purs. Moins on en rajoute, plus ils séduisent.  » Pour l’heure, les fabricants se gardent de communiquer sur ces modèles qui traduisent un certain retour aux sources. Néanmoins, quels que soient le style et la gamme de prix, tous se mettent à en proposer parmi d’innombrables pièces dernier cri. Par exemple, en 2005, le groupe Swatch, qui compte pas moins de 17 marques dans son portefeuille, a ressorti de ses placards Jaquet Droz, label de montres aussi racées qu’épurées. Quelques années plus tôt, en pleine  » bulle horlogère « , son come-back n’aurait jamais été envisagé.

 » Après avoir fait le tour des montres tendance, des clients ont envie d’une montre patrimoniale « , commente Olivier Perruchot, directeur général France de la marque Piaget, qui, depuis 2005 également, croit beaucoup au retour de son modèle Altiplano, ultraplat et on ne peut plus sobre.  » Dans des secteurs comme la mode, précise-t-il, on a évoqué le néodandysme, à l’occasion du retour à une sorte de classicisme. Dans l’horlogerie, il y a à présent une demande de montres qui, sans être sportives, soient simples et élégantes. Pour autant, ces jeunes clients ne recherchent pas le modèle de leur grand-père. Tout modèle emblématique doit être contemporain.  » Ainsi, l’Altiplano a subi un insoupçonnable lifting de son boîtier, de son cadran ou encore de ses index pour avoir une allure actuelle, sans que ce soit un tout autre modèle. Chez Seiko, qui ne propose pourtant pas la même gamme de prix que toutes les grandes marques horlogères renouant avec la simplicité, cette envie de sobriété s’est illustrée différemment.  » Depuis quelques années, raconte Rachel Michaux, chef de marque pour la France, un concours interne, baptisé  » Power Design Project « , est proposé à notre quarantaine de designers. Bien que chacun soit totalement libre dans la façon de s’y exprimer, de nombreuses maquettes de l’édition 2006 se voulaient d’une extrême simplicité… Après des années où l’horlogerie n’a eu d’yeux que pour les griffes, où tout était strass et paillettes, c’est certainement le contrecoup du show-off, qui n’en est qu’à ses débuts.  »

Frédéric Martin-Bernard

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