Barbara Witkowska Journaliste

La collaboration entre le talentueux créateur bruxellois et Loewe arrivera bientôt à son terme. Une superbe collection de trenchs donne déjà le coup d’envoi à la renaissance de la propre griffe de José Enrique Oña Selfa.

José Enrique présentera sa dernière collection pour Loewe (printemps-été 2008) en octobre prochain. Mais les envies de relancer sa propre griffe le titillent depuis de longs mois. Jeune homme pragmatique et réfléchi, qui n’aime être ni bousculé ni pressé, il y va doucement et est en train de  » replonger dans le bain  » en s’attaquant à ce qu’il aime : le vêtement, sans les contraintes (pour l’instant) d’une vraie collection. Concrètement, il proposera deux  » one shot  » (une collection de trenchs pour l’automne-hiver 07-08 et une collection de robes pour le printemps-été 2008) qui lui permettront de se ménager une transition avant d’écrire un nouveau chapitre de son histoire.

Le premier  » one shot  » réunit 10 modèles d’imperméables, chacun représentant une décennie du xxe siècle. José Enrique a présenté cette collection à New York, en février dernier, lors du salon Limited Edition (lire aussi Weekend Le Vif/L’Express du 15 juin dernier).  » Pour des questions de calendrier chez Loewe, je n’aurais pas pu le faire à un autre moment, explique-t-il. Par ailleurs, l’idée de New York me convenait bien, ça m’a permis de prendre mes distances entre mon propre travail et celui pour la maison espagnole.  » Le salon Limited Edition est le premier salon professionnel américain de mode, patronné par Al Gore et son association Climate Project.

 » Le concept du salon tournait autour du changement climatique et avait pour but de sensibiliser le public au devenir de la planète, souligne José Enrique. Voulant éviter une approche anecdotique, j’ai eu cette idée de trench, pièce intermédiaire, indispensable aussi bien pour le chaud que pour le froid, interprété à travers une seule matière, un nylon, et une seule couleur, le blanc.  » Décliné en 10 références, le trench, de par ses contours et ses volumes, reflète l’esprit des dix décennies du siècle passé. Les années 1920 sont le règne de Paul Poiret, la silhouette adopte une forme d’ogive, chère au couturier. La  » garçonne  » fait du tennis et de la moto. Le vêtement s’y adapte avec des lignes structurées et des jupes plissées. Les années 1930 célèbrent le glamour hollywoodien. Le vêtement fétiche est une petite capeline, portée le jour comme le soir. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la mode impose un côté militaire et rigoureux avec la taille marquée, les basques et les cols pointus. Les années 1950 sont dédiées à Balenciaga. La couture est à l’honneur avec ses plissés et ses volumes spectaculaires. Dans la décennie suivante, le vêtement devient candide. Avec sa forme trapèze et son col Claudine, on pense à Pierrot le Fou. Dans les années 1970, le gilet de mouton retourné fait fureur. Stylisé, le trench-blouson s’agrémente de franges en nylon. Les années 1980 propulsent les épaules en point de mire. La silhouette évoque une pagode et les zips courent dans tous les sens dans une ambiance rock’n’roll. Après les années 1990 et des volumes hypersimples, minimalistes et épurés à l’extrême, le début du iiie millénaire marque un grand retour à l’exubérance. Le trench, très  » couture Chanel « , fait penser à un disque solaire, orné d’une profusion de rubans de soie noire.  » Toute la collection est conçue à l’ancienne, souligne José Enrique. Les pièces ne sont pas doublées, mais finies à la main avec un fil couleur champagne.  »

La  » glamamazone  »

Après une incursion longue et très remarquée dans l’univers du prêt-à-porter de luxe, Loewe a décidé de changer de stratégie et de se concentrer davantage sur la maroquinerie. Un retour aux sources en quelque sorte.  » A partir de septembre je vais tout remettre à plat, confie José Enrique. Cela dit, quoi qu’il arrive, mon objectif premier reste ma propre marque.  » En attendant, le jeune créateur met la dernière main au défilé qui sera présenté en octobre. Il compte  » s’éclater  » et nous éblouir. Quant à la collection automne-hiver 07-08, inspirée par l’esprit show off des années 1980, elle met en scène une femme conquérante et flamboyante, une  » glamamazone  » dominatrice et sûre d’elle-même.

José Enrique a livré une nouvelle réflexion sur le volume des manches qu’il a appelées  » les diamants « . Leurs formes épaisses et visuelles, leurs dimensions amples et généreuses dessinent comme des facettes des pierres précieuses, et évoquent, parfois, des lingots d’or. L’effet est spectaculaire. Les matières nobles sont utilisées à profusion. Le cachemire ou la soie s’empilent en plusieurs couches. Surpiquées avec la célèbre piqûre sellier (clin d’£il à la tradition et au savoir-faire de la maison madrilène), elles acquièrent un bel aspect matelassé. Ailleurs, on remarque de beaux jeux graphiques, influencés par le style du peintre Miró et traités en noir et or. Le noir est omniprésent, réveillé, çà et là, par un turquoise vibrant et lumineux. Souple et docile comme la soie, le cuir noir sculpte la silhouette dans un graphisme à la fois rigoureux et sensuel. Avec une touche Art déco et l’esprit du peintre Tamara de Lempicka.

Carnet d’adresses en page 176.

Barbara Witkowska

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