Distributeur de mobilier haut de gamme, Vincent Meurisse célèbre cette année le vingtième anniversaire de son agence, Collective. Nous l’avons rencontré à l’approche de la 24e Biennale Interieur, le grand rendez-vous du design en Belgique. D’après cet observateur avisé, l’avenir de cette manifestation passe par un retour aux sources.

A peine six mois après avoir décroché son premier job au sein d’une société spécialisée dans la vente de tapis, Vincent Meurisse a eu l’intime conviction que le fonctionnement de sa boîte pouvait être amélioré. Il sollicita des entretiens avec son patron et puisque celui-ci restait sourd à ses propositions, il claqua la porte. Une décision logique, selon lui :  » J’avais l’impression de mieux connaître le boulot de mon boss que lui ! Alors il n’y avait pas trente-six solutions, j’ai créé ma propre entreprise à l’âge de 23 ans.  » Il sera agent de marques de mobilier et servira d’intermédiaires entre les revendeurs et les fabricants. A ceux qui ne le prennent alors pas au sérieux, Vincent Meurisse donne rendez-vous dans dix ans. Et non pas une mais deux décennies plus tard, nous le retrouvons chez l’un de ses clients – et pas n’importe lequel : Tom Dixon. Baptisée Collective, son entreprise a largement fait son trou dans le petit monde du mobilier et luminaire haut de gamme, et, outre le génial designer britannique, compte dans son portefeuille des labels prestigieux tels que MDF Italia, Paola Lenti ou encore les Danois de &tradition. Affable et bon vivant, le sourire vissé aux lèvres, il nous raconte son improbable parcours –  » personne ne me croit mais ce n’est qu’une succession de coups de chance incroyables « . La réussite de Collective, une seule question de hasard ? Loin de là ! Car si Vincent Meurisse peut effectivement compter sur sa bonne étoile et parfois sur un brin d’astuce, il cultive des valeurs appréciées du milieu –  » honnêteté et transparence, modestie et politesse  » -, et a su s’entourer d’une équipe parfaitement complémentaire pour le seconder.

A quelques semaines de la 24e Biennale Interieur – où il tint son premier stand dans les années 80 – il a accepté d’évoquer avec nous les enjeux des prochaines éditions du grand rendez-vous courtraisien, réputé pour être  » l’événement design le plus sélectif d’Europe « , mais relativement peu connu du grand public malgré ses 84 000 visiteurs pour 300 exposants en 2012. Une façon de boucler la boucle, avant de repartir pour quelques décennies de succès.

Quelle évolution avez-vous pu observer sur ces vingt ans d’activité ?

Le monde du design s’est considérablement développé. Quand j’ai débuté, le marché se limitait à l’Europe, et dans une moindre mesure, aux Etats-Unis. Le reste était à peu près négligeable. Or, à l’heure actuelle, le design est devenu mainstream. Et le grand problème, c’est qu’il y a trop de salons. Dès lors, des fabricants finissent par légitimement se demander  » pourquoi devrais-je encore investir en Belgique, un marché stable, alors qu’il y a d’autres opportunités dans des pays en pleine expansion ? « , comme en Russie, au Moyen-Orient ou en Asie… C’est un énorme challenge pour un événement comme Interieur.

Sans parler des effets de la crise, durement ressentis par le secteur…

Je ne dirais pas que tout le secteur est en crise, mais certains ont souffert, notamment des marques italiennes. De grands noms, qui étaient des valeurs sûres, connaissent des difficultés. Mais il ne faut surtout pas que cela se sache, donc on continue à monter des installations démesurées, comme si de rien n’était. Au vu des chiffres de vente, 80 % des stands à Milan sont trop grands. Mais on ne veut pas avoir l’air plus petit que le voisin, alors on persiste dans cette voie. Avec ses espaces plug-and-play de moindre dimension, je pense que la Biennale Interieur est en train de trouver une réponse à ces pratiques un peu absurdes, même si les budgets resteront un point sensible, puisqu’on est en pleine période de transition.

C’est-à-dire ?

Autrefois, les agents profitaient du salon pour vendre. Bien avant l’arrivée d’Internet, de toute la presse spécialisée et des flagship stores, un rassemblement comme celui de Courtrai était le seul endroit où le grand public pouvait découvrir des nouveautés. Les clients venaient y profiter de conditions spéciales, les agents faisaient des affaires, les marques étaient contentes. Mais les dernières éditions ont vu le contexte changer. L’avènement du Net a relativisé l’idée de nouveauté ; à peine sorties, les premières images des produits font le tour de la planète en quelques minutes. De plus, les  » conditions salon  » peinent à rivaliser avec les remises offertes par les magasins tout au long de l’année. Résultat, depuis trois éditions, les ventes à Interieur s’érodent.

Comment peut-on contrer cette tendance ?

Il faut revenir aux fondamentaux de l’événement, à savoir l’esprit pionnier et l’expérimentation. Rappelons-nous que les fondateurs d’Interieur étaient fous, la preuve, ils se sont lancés à Courtrai, loin de centres névralgiques européens comme Paris ou Bruxelles ! Et ils ont surtout osé mêler l’aspect commercial à une réflexion très pointue, c’est sur ces bases que doivent revenir les organisateurs actuels. Heureusement, j’ai l’impression qu’ils l’ont compris, la manifestation semble à nouveau tournée vers le futur et l’innovation.

Vous appréciez donc le cap donné par Lowie Vermeersch, président de la fondation Interieur depuis 2012 ?

Oui. Avec ce retour aux sources, toute cette réflexion sur notre façon de concevoir l’habitat et l’envie de faire de la visite du salon une véritable expérience, il indique la voie à suivre. Est-ce la bonne direction ? L’avenir nous le dira. Mais il a le mérite d’aller de l’avant.

www.collective.be

Biennale Interieur, Kortrijk Xpo, 216, Doorniksesteenweg, à 8500 Courtrai. www.interieur.be Du 17 au 26 octobre.

PAR MATHIEU NGUYEN

 » L’avènement du Net a relativisé l’idée de nouveauté. « 

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