Construite par un marchand vénitien le long du Démer, cette maison campinoise s’est réveillée d’un long sommeil. Sa rénovation enchante avec ses accents du xviiie siècle à l’italienne. Un vrai bonheur !

Avant d’être rénovée par la paysagiste Viviane Paelinck et son mari, cette longue maison couleur sang de b£uf nichée le long du Démer fut longtemps une ferme. Aujourd’hui, on succombe immédiatement au charme de la demeure de ce couple amoureux du xviiie siècle. La partie habitée avait déjà subi de grandes modifications au cours des années 1960. Pour la mettre au goût du jour, les fenêtres verticales avaient été remplacées par des baies horizontales, les portes avaient été changées, les plafonds abaissés, les carrelages modifiés. Fort heureusement, les arcades en briques des anciennes ouvertures avaient été maintenues, ce qui a permis aux nouveaux occupants de repérer leur position exacte.  » Comme les gens de la campagne ne jettent rien, nous avons retrouvé toutes les anciennes portes, s’enthousiasment-ils. Elles servaient à boucher les trous du plancher dans les greniers à foin.  » Mieux encore… Leur rénovation à peine entreprise, les propriétaires font une belle rencontre, en la personne d’un octogénaire de passage dans le village. Jusqu’à ses 20 ans, il a vécu ici. Soixante-cinq ans après, il a pu indiquer la destination de chaque pièce, décrire les sols et les murs tels qu’ils étaient jusqu’aux années 1930.

Au moment de l’achat, le couple trouve un document précieux : un acte relatant qu’un certain Fiocco, marchand vénitien, construisit ici, en 1776, un entrepôt pour le commerce des marchandises, qui arrivaient en bateau depuis le port d’Anvers.  » Le même document indique que l’on se trouve à sept jours à cheval de Aix-la-Chapelle, à quatre de Maastricht… Cette activité basée sur le transport fluvial s’est d’ailleurs perpétuée assez longtemps puisque le dernier tireur de péniches a habité la maison jusqu’en 1947.  »

L’art de vivre à l’italienne sera l’un des fils rouges des travaux. Ainsi, le sol du couloir avec ses trois couleurs, le gris foncé, le rouge et le blanc, est-il inspiré du pavement d’une chapelle du nord de l’Italie.  » Nous disposions de ces carrelages épars dans différentes pièces. Comme nous avons refait tous les sols, parce qu’il fallait assainir la maison et faire passer les diverses canalisations techniques, nous avons pu les récupérer. Il en a été de même pour la cuisine.  »

Le hall, ainsi que les deux pièces situées à sa gauche, représentent la partie la plus ancienne de la maison, édifiée, elle, au xvie siècle. Certains pensent qu’avant l’adjonction de l’entrepôt, les lieux appartenaient à une congrégation religieuse. Au-dessus de l’escalier-trappe de la cave, on trouve une minuscule chapelle, avec l’Esprit-Saint peint au plafond, découvert après avoir délicatement retiré des couches sans fin de papier peint.  » Pour le salon qui la jouxte, nous avons choisi le xviiie siècle comme référence, en sélectionnant un motif sur le thème de la leçon d’amour dans les collections de Jouy.  »

A l’étage, où a été aménagée une suite comportant chambre, salle de bains et bureau, tout avait été miraculeusement préservé. Cette partie n’intéressait pas les occupants au xxe siècle : ils l’utilisaient comme débarras. La baignoire en zinc, le lit d’apparat d’époque, habillé par coquetterie de draps de satin, évoquent les chambres des courtisanes. Peu de concessions ont été accordées à la modernité. Les murs ont été plafonnés avec de l’argile teint dans la masse par des pigments terracotta, autre évocation de l’Italie.  » Pour le reste de la maison, nous avons employé, comme autrefois, une succession de ciment gris et blanc, parce que ce sont des matières qui respirent et qui donnent plus de chaleur aux murs.  »

Les murs du grand salon, qui se prolonge par la salle à manger, sont en bois : une petite merveille découverte sous *une succession de couches de papiers et de carton.  » On ne pouvait préjuger de rien : les plafonds avaient été abaissés, la pièce était séparée en deux, un escalier montait à l’étage. C’est encore l’ancien occupant des lieux qui nous a mis sur la piste, en se souvenant que tout était en bois. Nous avons donc placé un sol constitué de grandes et larges planches en chêne. Mais l’élément le plus joli est cette cheminée de style Louis XV.  »

Cette combinaison de références italiennes et la passion d’une époque se retrouve aussi dans la cuisine dont les murs ont été couverts de céramiques carrées blanches légèrement bleutées de fabrication transalpine, qui s’accordent avec le damier noir et blanc du carrelage. Même la cuisinière Godin qui trône ici semble d’un modèle ancien.  » Nous avons acquis plusieurs livres de cuisine qui se réfèrent au xviiie siècle, comme celui consacré au temps de Madame de Sévigné et nous nous inspirons de leurs recettes. Nous avons, par exemple, été séduits par les saveurs d’£ufs à l’oseille, parfumés à la muscade. L’oseille vient du jardin potager en carrés aménagé dans l’ancienne cour de la ferme.  »

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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