L’ARTISTE

Richard Prince est né en 1949, quelque part dans la zone américaine du Canal de Panama. Un mystère des origines savamment entretenu par ce plasticien star qui forme avec Damien Hirst, Jeff Koons et Takashi Murakami le carré d’or de l’art contemporain. Figure de proue de l’Appropriation Art – mouvement né dans les années 70 sous l’influence des ready-made de Marcel Duchamp et de la pensée pop d’Andy Warhol -, Richard Prince se fait connaître en rephotographiant les publicités Marlboro et leurs cow-boys iconiques. Butin : en 2005, chez Christie’s, il fut le premier à vendre une photo dépassant le million de dollars. De là à écrire que tout ce qu’il touche se transforme en art il n’y a qu’un pas que la maison Louis Vuitton n’a pas hésité à franchir en s’offrant les prestigieux services de l’artiste. En 2008, ce dernier revisita en effet les sacs de la marque au monogramme, ajoutant à la confusion, lui qui se pose en critique d’un consumérisme qu’il concourt à la fois à forger et à subvertir. Collectionneur boulimique des signes produits par la culture yankee entre les années 50 et 70, Prince possède des milliers d’imprimés, couvrant tous les genres, du plus pointu au plus vulgaire, des manuscrits de la Beat Generation à la littérature pulp en passant par les magazines porno. Du plus élitiste au plus vulgaire, du plus chic au plus fangeux, cet amas de publications dessine les contours iconographiques des Trentes Glorieuses U.S. tout en formant la matière première de son £uvre. Archéologue du passé proche, Prince prélève, assemble, colle, détourne, recycle, retouche, bref, customise ces images de l’Americana. Qu’il en tire une série de tableaux, comme les célèbres Nurses, images d’Epinal d’infirmières sexy piquées sur des couvertures de bouquins des années 50 et upgradées d’un coup de pinceau en respectables huiles sur toiles ou qu’il recadre la photo d’un confrère, comme le célèbre portrait de Garry Gross figurant Brooke Shields, nue, à 10 ans, c’est sa sélection qui fait avant tout sa signature. Cette pratique de l’emprunt met clairement à mal la notion de droits d’auteur et la propriété intellectuelle. Cela lui a valu plusieurs procès mais fait partie intégrante du propos de Richard Prince qui sans cesse interroge les notions de chef-d’£uvre, de valeur, de crédit, de légitimité, d’autorité et de postérité de l’artiste.

L’EXPO

Il s’agit de la première exposition de Richard Prince à la galerie Almine Rech de Bruxelles. Son titre, The Fug, fait référence à un groupe de rock alternatif américain proche du mouvement contre la guerre du Vietnam. Pour composer cette série éponyme, Prince a récolté des images intimes de la vie du groupe et recomposé une sorte d’album de souvenirs dûment encadrés. Comme un bout de vie sursautant aux cimaises. On trouve par ailleurs des photos de femmes nues tirées de fanzines pour bikers. Une esthétique du macho acoquinée avec les codes de l’art qui anime également les sculptures Hoods, répliques de capots de bolides repeintes dans des couleurs évocatrices du Color Field Painting, importante mouvance de l’art contemporain américain des années 50. Quelques Jokes Paintings (concept inventé par Prince dans les années 80) déclinent encore cette hybridation des codes élitistes et populaires. Soit des blagues potaches libellées en noir et blanc qui rappellent les £uvre-définitions de Joseph Kosuth. Ou comment élever Popeck au rang de l’art conceptuel.

Richard Prince, The Fug. À la galerie Almine Rech, 20, rue de l’Abbaye, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 5 novembre prochain. Tél. : 02 648 56 84. www.alminerech.com Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

BAUDOUIN GALLER

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