Baudouin Galler

J’ai du mal à y croire, je l’ai fait : un mois sans. Sans me gaver de presse, sans avaler un roman, sans user aucun strapontin qu’il soit rouge opéra ou bleu cinéma, sans même allumer la lucarne à vuvuzelas. Rien. Mais, alors rien. De médiatique, fictionnel, culturel, toute cette matière à débat, qui nous fait vibrer, réfléchir, avancer certes. Mais nous sert un peu aussi, soyons bons joueurs, à nous donner de la consistance dans les drunchs en ville ou à la machine à café, à caresser la grisante sensation de vivre l’époque, d’y participer. Les causes de cette expérience  » no culture  » ne sont pas philosophiques, quelle prétention serait-ce. Elles tiennent en deux fois deux syllabes : bé-bé pour les 15 premiers jours lors de vacances Pampers à dormir autant que dans Koh-Lanta. Bou-lot pour la quinzaine suivante, un marathon de défilés de mode à Milan et Paris – je ne plaisante pas – qui dans mon cas m’ôte toute capacité de concentration une fois la journée clôturée, le blog envoyé, la fêteà pardon, l’entretien du réseau bétonné. Car, en plus d’être chronophages, ces deux activités a priori antagonistes vous cabossent de fatigue avec la même constance. Ce qui peut vous rapprocher dangereusement, au final, de l’aboulie la plus critique. Conséquence ultime : une ringardisation turbo, une mise au ban express des questions qui excitent vos amis toujours connectés. Gênant. Alors, dans ce cas, que faire, dirait Monsieur Manhattan – pour employer une référence vieille comme le paléocène. Eh bien, il ne faut jamais ô grand jamais feindre de rester  » aware « , le risque d’écorcher le titre d’un film pas vu ou de confondre le sexe d’un auteur étant extrêmement élevé. On s’amuserait de votre esbroufe pitoyable. Non, il faut revendiquer votre ringardise avec aplomb et exciter l’ego de votre interlocuteur en l’interrogeant sur les dernières sensations du moment. Ce qui vous rendra curieux aux yeux de l’intéressant, convaincu dans la foulée de l’utilité de sa démarche et de l’aura qu’elle lui procure. Cette néo-maïeutique à la Socrate, gonflée comme une bouée de sauvetage, devrait vous éviter un temps le surnom d’antiquité grecque.

Baudouin Galler Prochaine parution le 30 juillet 2010

Comme chaque année, Le Vif/L’Express, Le Vif Weekend et Focus Vif ne paraissent pas la troisième semaine de juillet. Nous vous souhaitons d’excellentes vacances.

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