L’ARTISTE

Robert Devriendt vit et travaille à Bruges où il est né en 1955. Ce peintre belge réalise de minuscules toiles d’à peine quelques centimètres qu’il juxtapose pour former un récit dont le spectateur est amené à combler les interstices. Un processus connu au cinéma sous le nom d’effet Koulechov. La référence au 7e art est d’ailleurs évidente dans l’£uvre de Robert Devriendt : autant par leur charge dramatique que par leur facture réaliste, les sujets de ses tableautins s’apparentent clairement à des fragments de films qui une fois mis en commun s’influencent l’un l’autre pour construire un story-board à énigmes. Ce dispositif d’équations narratives à plusieurs inconnues ne fait que renforcer l’atmosphère mystérieuse qui se dégage de ces vignettes représentant dans un style minutieux et très léché des scènes dont se dégagent une inquiétude presque étouffante, un érotisme mordu par l’angoisse, une violence d’autant plus vicieuse qu’elle apparaît rentrée, tapie dans le silence de la peinture. À la faveur d’une maîtrise oblique du cadrage et d’un sens du hors-champ digne des meilleurs suspenses, Robert Devriendt nous aspire mine de rien – puissance paradoxale du petit format – dans de mystérieuses et sordides contrées où David Lynch avait certainement ses habitudes à l’époque de Blue Velvet. Glaçant et fascinant.

L’EXPO

Il s’agit de la deuxième exposition du peintre à la galerie bruxelloise Baronian-Francey. Sous le titre The woods of love and horror ( NDLR : les bois de l’amour et de l’horreur), le texte qui accompagne cette exposition éponyme nous donne à chacun quelques indices pour recomposer l’histoire d’un homme passablement étrange qui fuit la société afin de se réfugier dans la forêt et reprendre racine avec son origine sauvage. Ce  » primitif flamand « , comme le baptise avec malice l’artiste brugeois, est en réalité son alter ego, un personnage de substitution libéré des convenances, parfaitement taillé pour jouer les protagonistes de ce petit théâtre loufoque où se mêlent les codes du polar dans une ambiance de menace diffuse. Sur les toiles, on croise en plus ou moins gros plan une blonde hitchcockienne, un escarpin, un oiseau mort ou encore un taxidermiste… Pour que la magie opère, à chacun ensuite d’agencer ces motifs, remplir les ellipses, faire le trait d’union entre les tableaux, laisser libre cours à son imagination et ses fantasmes pour construire, le temps d’un regard, un récit unique et précieux. À l’image du coup de pinceau précis et sensuel de ce primitif flamand né au siècle de l’image animée.

Robert Devriendt : The woods of love and horror. Galerie Baronian-Francey, 2, rue Isidore Verheyden, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 23 décembre prochain. Tél. : 02 512 92 95. www.baronianfrancey.com

Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

BAUDOUIN GALLER

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