Le saviez-vous : Valentin était un saint romain ! Raison de plus pour fêter le 14 février dans la Ville éternelle, dont les places, les ponts et les cafés semblent taillés pour l’amour. De jardin secret en hôtel voluptueux, de retraite sensuelle en mets aphrodisiaques, voici notre Carte du Tendre romaine.

L’Aventin main dans la main…

Il y règne un silence insolite, et pour cause ! Avec ses villas élégantes, ses cloîtres confidentiels et ses jardins luxuriants, l’Aventin est la plus romantique des sept collines de Rome. Loin du vrombissement des  » motorini  » (Mobylettes et Vespa) et de la foule des touristes, ses ruelles bordées de pins et de palmiers fleurent bon la campagne. Cernant l’abside de l’église Sainte-Sabine, le Giardino degli Aranci (le Jardin des orangers) est un havre apprécié des amoureux, qui viennent jouir ici de sa tranquillité et du panorama sur le Tibre. Un peu plus loin, la place des Chevaliers de Malte arrache à quelques couples des soupirs ravis. Comme eux, regardez par le trou de la serrure en fer forgé du portail vert situé au n°3 – une telle indiscrétion est ici de rigueur. Dans cette ouverture, le gigantesque dôme de Saint-Pierre s’encadre à la perfection !

Chatteries sous les cyprès

Rue historique des marbriers, qui équarrissaient il y a 2000 ans les blocs venus d’Égypte ou de Grèce, la Via Marmorata sépare la retraite chic de l’Aventin des anciens bas-fonds du Testaccio, quartier le plus authentique de Rome. Ce damier de rues construit à la fin du xixe siècle mérite qu’on s’y intéresse d’une part pour son truculent marché (tous les matins, Piazza Testaccio), mais aussi pour son cimetière protestant  » Acattolico « . Muraille antique, allées ombragées de cyprès, locataires illustres – comme le poète romantique anglais John Keats (1795-1821) – et chats se prélassant nonchalamment sur les monuments funéraires… L’endroit, parmi les plus secrets de la ville, distille un charme désuet, et mérite une petite pause  » baci  » (baiser).

Déclarations au pont des soupirs…

En ce qui concerne un pèlerinage sentimental, rien ne vaut toutefois le Ponte Milvio. Enjambant majestueusement le Tibre, ce pont est depuis quelques années le point de ralliement de milliers d’amoureux, accourus de toute l’Italie pour accrocher à ses lampadaires cadenas et chaîne scellant à jamais leur amour.  » Amore « ,  » Ti amo  » ou  » Per sempre « , les déclarations enflammées s’y inscrivent en grosses lettres…  » Nous avons fait l’école buissonnière pour venir ici « , roucoulent Giada et Stefano (respectivement 16 et 19 ans). Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Barbara et Deni, venus de Parme, de jeter dans le fleuve la clef symbolisant leur union…  » Beaucoup de couples font des centaines de kilomètres pour s’y rendre « , confirme un vendeur à la sauvette, dont le stand propose des cadenas de toutes les tailles. Autant dire que ses affaires ont connu une embellie depuis l’essor de cette vogue croquignolette, inspirée du film de Luis Prieto (2007) et du best-seller homonyme Ho voglia di te ( J’ai envie de toi) de Frederico Moccia. Un succès retentissant chez les ados. Seul hic : les réverbères commençaient à ployer sous le poids de tant de passions ! La mairie de Rome a depuis mis son grain de sel dans ces débordements amoureux, et les fameux  » lucchetti  » s’agglutinent à présent sur des rampes prévues à cet effet. Mais la magie opère toujours, et à toute heure du jour, d’ardents adolescents et de vieux amants viennent marier, pour une durée qu’on leur souhaite éternelle, leurs initiales sur ces cadenas.

Apéritifs langoureux et hôtels de charme

Envie d’un rafraîchissement après tant d’émotions ? Le Salotto 42, un  » bookbar  » intime et branché, accueille ses hôtes en face des colonnes cannelées du temple d’Adrien, Piazza di Pietra. La jeunesse dorée de Rome vient s’y prélasser dans des fauteuils années 1950, en feuilletant des revues de mode et en grignotant des canapés suédois. Le must : y aller pour l’apéro, en tête-à-tête au moment du  » dopocena  » (après dîner), ou s’y donner rendez-vous pour le brunch du week-end (dans tous les cas, pensez à réserver, car c’est souvent bondé).

Plus baroque, et juste en face de la ravissante fontaine des Tortues (fontana delle Tartarughe dans le quartier du ghetto) : le Bartaruga. Ouvert uniquement le soir, ce bar aimé des artistes et du monde du spectacle offre un décor joliment kitsch, mixant des ornements vénitiens, orientaux et rétro. Murs turquoise, lumières tamisées, fauteuils de satin, lustres de Murano et plats en argent : un cadre pensé pour des apéritifs langoureux à souhait.

Pour les cinéphiles, direction Il Palazzetto. C’est en effet dans cet immense palais s’élevant au pied de la place d’Espagne que Bernardo Bertolucci a tourné Shanduraï(1999), une sorte de  » Dernier Tango à Rome  » où un pianiste s’éprend de sa femme de ménage (la superbe Thandie Newton). Retraite d’une noble famille romaine au xvie siècle, la demeure a conservé son escalier en colimaçon, c£ur et joyau du palais. Transformée aujourd’hui en un hôtel élégant, elle offre une vue imprenable sur les célèbres marches de la place d’Espagne, et dispense des leçons d’£nologie réputées, où l’on s’instruit en dégustant des vins enivrants.

Dans un style plus déjanté, l’hôtel Aleph ravira les amateurs d’opulence et d’excentricité. Entrée laquée de rouge, fauteuils de satin grenat, lustres vermeils… Décorateur de nombreux restaurants et hôtels à travers le monde, le designer new-yorkais Adam D. Tihany s’est ici inspiré de la Divine Comédie, poème contant la descente aux Enfers du poète Dante, puis son accession au Paradis. D’un rouge luciférien, le rez-de-chaussée est une invitation aux tentations les plus infernales…

Pour des nourritures plus substantielles, l’opulente Baba, propriétaire fellinienne d’un restaurant- auberge, propose le soir de la Saint-Valentin un menu erotico… L’endroit est excentré, mais son cadre cosy, sa cuisine  » Slow Food  » et ses rituels amusants – on dîne à heure fixe (21 heures), au rythme de la cloche qui annonce chaque plat – en ont fait un mythe de la restauration romaine. Pour le soir du 14 février, des ingrédients aphrodisiaques épicent le menu, à l’image de la truffe, des fruits de mer ou encore du céleri, un légume qui, précise Baba,  » assure une grande longévité sexuelle « . Le proverbe ne dit-il pas :  » Si la femme savait ce que le céleri fait à l’homme, elle irait en chercher de Paris à Rome  » ?

Eva Bensard

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