Sa vie en rose

Portrait d’Elsa Schiaparelli par Horst P. Horst pour Vogue US, en 1937. ©  Horst P. Horst, Vogue / Condé Nast

Avec Shocking!, le musée des Arts Décoratifs à Paris expose la vie, l’œuvre et les mondes surréalistes de la créatrice de mode Elsa Schiaparelli. Une rétrospective poétique, immersive, jouissive.

Elle se faisait appeler Schiap, même si Chanel l’avait baptisée avec un grand mépris «l’Italienne qui fait des robes». Elsa Schiaparelli (1890-1973) se définissait comme une couturière «inspirée». Pourtant, rien ne l’y prédestinait. Naissance romaine dans un milieu aristocratique, humaniste et érudit, fuite à Londres pour échapper à un mariage imposé, atterrissage à Paris au début des années 20, où elle rencontre le couturier Paul Poiret qui l’encourage à embrasser la mode. Elle est carrément autodidacte. Avec sa fantaisie novatrice et son goût du spectacle, ses mille idées à la minute et sa modernité artistique flamboyante, elle s’amuse de la haute couture comme jamais. Elle s’acoquine avec des artistes, attire tout ce qui fait l’avant-garde parisienne des années 1920 et 1930, Elsa Triolet, Jean Cocteau, Salvador Dalí, Bébé Bérard, Horst, Man Ray… Elsa Schiaparelli trouve «exaltant» de travailler avec eux, elle se sent «aidée, encouragée au-delà de la réalité matérielle et ennuyeuse qu’est la fabrication d’une robe à vendre». Elle fait ainsi dialoguer la mode et l’art – en cela, elle est encore et toujours de notre temps. Paris avec elle devient chatoyant, dans une grande liberté créative, sans peur du qu’en-dira-t-on, elle est la mieux placée pour se mettre en scène dans ses créations. Elle n’a peur de rien et est à ce point dingue du rose que de son shocking pink, elle fait sa marque de fabrique. Elle réinvente la femme et la féminité. Et rajoute de l’esprit là où il n’y avait que des silhouettes – ce qui l’autorisera à dire plus tard qu’elle trouve le New Look de Dior «tarte».

Poudrier téléphone en résine et métal, par Salvador Dalí, 1935.
Poudrier téléphone en résine et métal, par Salvador Dalí, 1935. © Archives Schiaparelli Salvador Dalí, Fundació Gala – Salvador Dalí / Adagp, Paris

Elsa Schiaparelli touche à tout, robes, chapeaux, parfums, son premier, en 1937, elle le baptise Shocking et l’habille d’un flacon imaginé par Leonor Fini. Elle explore avec fougue et humour toutes les formes dérivées de la mode. Les sweaters à motif trompe-l’œil, la jupe-culotte, le Zip placé comme élément décoratif, c’est elle. La robe du soir avec homard géant, le chapeau chaussure, c’est elle aussi, avec la complicité de Dalí, ils ont le même goût exquis pour la provocation artistique. Le power suit, l’imprimé journal, les premières collections à thème, c’est encore elle. Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa, John Galliano, Christian Lacroix et Daniel Roseberry, l’actuel directeur artistique de la maison Schiaparelli, savent ce qu’ils lui doivent. C’est tout cela et bien plus encore qu’expose le musée des Arts Décoratifs à Paris en une scénographie que l’on nous promet poétique.

Détail de la cape «Phoebus» d’Elsa Schiaparelli, en laine et broderie, hiver 1937-1938.
Détail de la cape «Phoebus» d’Elsa Schiaparelli, en laine et broderie, hiver 1937-1938. © Musée des Arts décoratifs. Don Elsa Schiaparelli, UFAC, 1973 Valérie Belin

Shocking! Les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli, au Musée des Arts Décoratifs, à Paris. madparis.fr

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