» Xacobeo 2004 « , nouvelle Année sainte pour Saint-jacques de compostelle. Une occasion en or pour découvrir cette superbe cité médiévale aux accents résolument modernes.

En pratique, voir page 78.

Parce que le 25 juillet, jour de la fête de saint Jacques, tombe un dimanche, 2004 est décrétée Année sainte pour Saint-Jacques de Compostelle. Concession du pape Calixte II en 1122 confirmée plus tard par d’autres pontifes, l’Année sainte permet aux croyants d’obtenir le  » grand pardon « . C’est la découverte de la tombe de l’apôtre aux alentours de l’année 820 qui a suscité la tradition des pèlerinages à Compostelle qui vont surtout se développer du xiie au xve siècles et connaître un nouvel engouement à la fin du xxe siècle. Le 31 décembre 2003, sur la façade est de la cathédrale de Saint-Jacques, une porte sainte en bronze et acier flambant neuve sculptée par Jesús León, un jeune artiste de 34 ans, s’est ouverte pour annoncer l’événement. Don d’associations commerciales et professionnelles de la ville, la nouvelle porte se veut tout un symbole… Celui d’une cité jeune et dynamique attachée à son patrimoine qu’elle rénove et embellit depuis près d’une décennie.

Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, Saint-Jacques est sans conteste le joyau de la Galice. Elue ville européenne de la culture en 2000, Saint-Jacques a connu sa dernière Année sainte du millénaire en 1999. La ville connaît un succès phénoménal : des centaines de milliers de visiteurs et pèlerins sont attendus pour venir fêter cette première Année sainte du nouveau millénaire. D’autant que pour celle-ci, un vaste programme d’activités ludico-culturelles (près de 3 000) est prévu, pour l’essentiel d’avril à octobre, mois cléments et ensoleillés au c£ur de cette Galice au climat contrasté et rigoureux. Expositions et rencontres culturelles ainsi qu’une foule de spectacles de théâtre, de danse et de musique dont de nombreuses manifestations (gratuites) typique du folklore galicien se dérouleront dans les rues.

Petite cité d’environ 100 000 habitants à longue vocation universitaire, Saint-Jacques de Compostelle vit d’ordinaire au rythme de ses quelque 45 000 étudiants confondant subtilement la nuit et le jour. Les ruelles et les places du centre historique sont toujours animées, même l’été, lorsque les étudiants cèdent la place aux pèlerins et touristes venus rendre hommage à la ville-musée. Elle sera d’autant plus belle cette année  » Xacobeo 2004  » qu’un vaste programme de sauvegarde du patrimoine bénéficiera à des centaines d’admirables églises, monastères, clochers et £uvres d’art de toute la communauté autonome qui retrouveront leur faste d’antan.

La ronde des pèlerins

La veille au soir, hilares et fourbus, ils se sont écriés  » Santiago  » comme des millions d’autres jacquets avant eux. C’était du haut de la butte de Monte do Gozo d’où les clochers de la cathédrale de Compostelle se profilent enfin à l’horizon. Aujourd’hui, ils découvrent l’indicible majesté de l’édifice qui prétend garder le sépulcre de l’apôtre saint Jacques. Ils assistent, bouche bée, à la Messe des pèlerins célèbre pour sa finale ; le  » botafumeiro « , gigantesque encensoir que l’on balance pendant quelques minutes sur toute la longueur de la nef latérale. D’autres préfèrent la courte messe (19 h 30) chantée par les Carmélites à l’église San Paio. Bien que sans eucharistie, elle trouble l’assistance par la magie de leurs voix cristallines. Les pèlerins s’en vont ensuite savourer le charme des ruelles de la cité médiévale, l’infinité d’églises, de petites places et de terrasses accueillantes. La ville n’est pas grande et les compagnons de route se retrouvent et échangent leur expérience… Certains ont fondu en larmes à leur arrivée, d’autres ont couru s’acheter quelques litres de bière. Tous ont maintenant un sourire serein et évasif aux lèvres. Mais que viennent-ils donc chercher ici ? Le salut de leur âme, le pardon, l’illumination, la performance, eux-mêmes ? Une chose est sûre, tous sont envoûtés par leur expérience, amoureux de la ville, du pays et quelques-uns parlent même de refaire la route une fois encore…

À peine pose-t-on ses pieds sur les grandes dalles sombres qui pavent le centre-ville que le charme agit. Pas après pas, elles semblent émettre une vibration quasi mystique. Depuis mille ans, chaque édifice est ici minutieusement pensé, calculé, dessiné. Au solstice d’été, par exemple, un rayon de soleil traverse une rosace de la cathédrale et vient éclairer la tête de saint Jacques. Étonnante aussi la sculpture de la Vierge enceinte à gauche de la porte d’entrée de l’église San Maria de Salome, dédiée à la mère de saint Jacques. Ou encore, à l’intérieur de celle-ci, le visage d’angelot à lunettes décorant un autel sur la gauche. Durant une après-midi, prenez le temps de vous asseoir à l’arrière du maître-autel de l’église du monastère San Martin Pinario et observez… le soleil enflammer ses dorures. Le faste encadré de sobriété, voilà peut-être le secret de tant de beauté. De la place de la Quintana à la place de Toural, on se laisse emporter par une multitude d’émotions. Rua do Franco, rua do Vilar, rua Nova, on zigzague pour le plaisir. On jette un coup d’£il aux souvenirs des marchands ambulants ; se laisse bercer par l’accent galicien si particulier. Il y a tant à voir. Et les découvertes sont ponctuées du tintement des cloches de la cathédrale qui, d’heure en heure, se rappellent au souvenir des pèlerins. Alors nos pas nous ramènent une fois encore, place de l’Obradoiro, face à la plus spectaculaire des cathédrales. La seule au monde qu’encerclent quatre larges places et dont on admire quatre façades totalement distinctes.

Moderne comme une capitale

Compostelle, capitale de la Galice, abrite ses institutions gouvernementales. Alors depuis une décennie, elle s’est offert les services de prestigieux architectes comme Norman Foster, Peter Eisenman ou Alvaro Siza pour se redessiner un nouveau profil. Objectif : fusionner le médiéval et le contemporain. Les nouveaux maîtres d’£uvre ont suivi les anciens pour emboîter tout en contrastes des volumes résolument modernes. Exemple : le triangle blanc du Centre galicien d’art contemporain qui jouxte le monastère San Domingos de Bonaval. Ce dernier, restauré, abrite le Musée du peuple galicien. On y découvre de vieux bateaux et puis surtout, on reste figé devant l’audace de son antique et célèbre triple escalier en spirale. Réussi aussi, avenue Xoan XXIII, le passage couvert long de quatre cents mètres, tout en verre et en métal qui semble relier le ciel à l’église San Francisco. Le résultat est beau et harmonieux, la ville plus fascinante que jamais. De quel décor plus somptueux peut-on rêver pour étudier, flâner, visiter, prier, s’amuser, chanter, boire et danser ?

Là où palpite la vie

A Saint-Jacques, il fait rarement très chaud. Des pluies intermittentes prennent souvent pèlerins et visiteurs par surprise. Lorsque le soleil brille c’est le moment de se promener dans le parc La Alameda, le long du Paseo dos Leones et de prendre un peu de recul et observer, avant le coucher du soleil, la vieille ville sous son plus beau profil. Les réverbères s’éveillent ensuite et éclairent Santiago sous un autre angle. La cathédrale et d’autres édifices de marque s’habillent d’un halo vert. Il est temps de prendre un apéritif sur une terrasse. Alvariño (venu de Moselle au Moyen Age avec des moines cisterciens) ou Ribiero (d’origine portugaise). Ces vins blancs comptent aujourd’hui parmi les cinq prestigieux AOC du pays. On en boit de larges rasades accompagnées de tapas, olives, jambon de Serrano… Ensuite, on s’attable pour dévorer du poulpe, du calamar ou d’autres poissons et crustacés. Plus tard dans la nuit, on se perd encore dans le dédale des ruelles. Humer l’atmosphère joyeuse des bars en sous-sol, avec leurs allures galico-celtiques. De vieux vermouth, des moscatel locaux et des bières venues d’outre-Manche coulent à flots jusqu’au matin. L’attrait du mystère vous poussera sans doute à goûter d’un ancien breuvage local, la queimada, de l’aguagardiente flambé avec du citron dans lequel flottent quelques grains de café. On la sert dans des bols de terre cuite accompagnés d’incantations maléfiques, lo conxuro da queimada , extraites d’obscurs grimoires…

À vivre de la sorte, les nuits et les jours finissent par se fondre. Bien sûr, les pèlerins fraîchement arrivés s’effondrent tôt sur leur matelas. Mais les autres font la fête et ne pensent à regagner leurs pénates qu’à l’heure où le marché de la Praza de Abastos, lui, prend vie. Paysans et petits vieux y trottinent et marchandent, ici, les délicieux piments verts de Padron vendus à la pièce, là, des mesures de graines ou d’épices. On y voit de beaux visages fiers, comme sortis de livre d’images et des scènes un peu désuètes qui contrastent avec tant d’autres qu’il reste à découvrir…

Reportage : Sophie Dauwe/ Pepite Photography

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