Barbara Witkowska Journaliste

Une ville riche d’histoire, une cité gourmande, une halte de bien-être et des paysages de rêve: découvrez vite cette perle du sud-ouest de la France entourée de villages aux noms lyriques : Espelette, Saint-Pée-sur-Nivelle, Cambo-les-Bains et Sare.

Du port au casino, c’est un mouchoir de poche qui reçoit, l’été, des milliers de visiteurs. Hors saison, la circulation est bien plus agréable et on ne se lasse pas de déambuler, le nez en l’air, dans la rue Gambetta, artère principale, l’une des plus anciennes de la ville. La beauté des demeures peintes à la chaux, décorées de colombages rouge sang de b£uf a été entretenue. Devant nous, le chef-d’£uvre de la cité : l’église Saint-Jean-Baptiste. En novembre 2007, elle a connu une nouvelle petite heure de gloire, lorsque Alain Ducasse, chef multi-étoilé et enfant du pays y a épousé Gwenaëlle, sa compagne depuis une douzaine d’années.

L’église Saint-Jean-Baptiste reste toutefois célèbre pour un autre ma- riage, autrement plus prestigieux, celui du roi Louis XIV. En 1659, le roi  » superstar  » débarque dans la région pour signer le traité des Pyrénées mettant un terme à la guerre avec l’Espagne. Le traité est favorable : l’Espagne cède, entre autres, le Roussillon et l’Artois. De surcroît, pour des raisons diplomatiques, Mazarin a préparé le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne Marie-Thérèse d’Autriche. Les fiançailles ont lieu à Fontarabie, de l’autre côté de la frontière, le mariage est célébré en grande pompe, le 9 juin 1660, à Saint-Jean-de-Luz. Peu après on a muré la porte par laquelle le couple royal pénétra dans l’église. Nous y entrons par une autre porte, celle des gens humbles. Quelle richesse ! Le contraste avec la façade extérieure, sobre et un rien sévère, est saisissant. La nef, unique, est cernée de trois étages de magnifiques galeries en chêne. Il faut grimper les escaliers pour jouir d’une vue panoramique grandiose avec ses frises et motifs baroques peints sur les murs et la voûte et, surtout, son retable du xviie siècle. Dégoulinant d’or, richement sculpté et orné de 20 statues, il est la grande fierté du Pays basque.

En poursuivant la balade le long de la rue Gambetta, on débouche sur la place… Louis XIV. Une superbe bâtisse la domine. Construite en 1643 par le puissant armateur Johannis de Lohobiague, elle a été jugée digne d’accueillir le jeune roi après le mariage. Louis XIV a donc séjourné ici pendant plusieurs semaines aux frais de la princesse ou plus exactement aux frais de la mairie. Selon ses habitudes, il y a vécu sur un grand pied (en offrant de somptueuses tapisseries aux notables de la ville, en lançant des louis d’or aux habitants…) Le maire, pour boucler le budget, s’est vu obligé de vendre une partie de l’hôtel de ville, situé juste à côté.

Plus loin, le joli port de pêche accueille aujourd’hui les bateaux qui ramènent de la morue, du thon, des anchois et des sardines. Le temps est bien révolu où les marins luziens y harponnaient régulièrement la baleine. La dernière aurait été aperçue au milieu du xviie siècle. De l’autre côté du port, on aperçoit la maison natale de Maurice Ravel, aujourd’hui Office du tourisme.

Une halte cocooning

A deux pas du casino, le Grand Hôtel s’est refait une beauté. Construit en 1909, il s’appelait jadis Modern Hotel. Un nom bien approprié, car il était équipé d’un ascenseur et il y avait l’eau à tous les étages. La clientèle anglaise l’adorait. L’ambiance est d’ailleurs toujours british, très cosy. La moitié des chambres (52 au total) ont vue sur la mer. La décoration est superbe, fraîche, joliment colorée, raffinée et chaleureuse. Elle est un avant-goût de ce qui attend le  » curiste  » prêt à découvrir la thalasso dans un univers spa. Son nom, Loréamar, signifie  » fleur d’océan  » en basque. Dans un espace de 1 000 m2 face à l’océan, on a imaginé une superbe mise en scène faite de bois exotiques, de bois flottés, de coquillages et de fontaines de galets. Les bains chauds d’eau de mer, les douches sous affusion, les enveloppements aux algues, tout ici se fait en douceur. A la carte, on y trouve un beau choix de massages du monde entier : suédois, balinais, thaï ou encore le massage ayurvédique Abhyanga, carrément planant. Le lieu met immédiatement dans un état proche du nirvana, grâce aussi à l’accueil adorable des hydrothérapeutes et des kinés.

Entre un plongeon dans la piscine située face à la plage et la détente sous les voûtes anciennes, tout est exquis. Le temps d’une cure, le corps reprend vie, l’esprit s’apaise et l’appétit revient. Tant mieux, car le maestro maison (une étoile depuis mars 2007) Nicolas Masse imagine une langoustine royale et un saint-pierre au foie gras d’exception. Sans oublier ses interprétations gastronomiques autour du cochon (cochon noir à tête blanche, spécialité basque), à se pâmer ! Les desserts jouent sur la même note, parfaite. Ce jeune Normand pratique les menus basses calories de très haute volée.

Et dans les environs…

Les belles étapes abondent. Pour comprendre les traditions de ce pays attachant, une visite de l’Ecomusée basque, créé dans une magnifique ferme du xixe siècle à Saint-Pée-sur-Nivelle par André Elustondo, s’impose. Au c£ur de ses collections, les  » icônes  » de l’identité basque : le béret, les espadrilles, le linge de maison à sept rayures (comme les sept provinces basques), la pelote, la gourde en cuir (le chahako) et le fameux makila (bâton des bergers et des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle).

Après une délicieuse liqueur Izarra, jaune (avec du miel d’acacia) ou verte (à la menthe), on est prêt pour la découverte d’Espelette, la capitale du piment. Hors saison, ses ruelles sont calmes, ses maisons à colombages rouges fort belles, ses petits commerces gourmands et alléchants. Le piment ? Il aurait été ramené du Mexique au xvie siècle par un marin de la région. Le piment s’est bien plu dans le sol basque et a remplacé petit à petit le poivre. Toujours cultivé de manière traditionnelle, il bénéficie, depuis 2000, du prestigieux label AOC. Un peu plus loin, Sare, un merveilleux village conservé dans son jus avec sa vieille église Saint-Martin dont chacun des autels est orné d’un retable, son cimetière aux stèles séculaires, ses platanes spectaculaires et sa place bordée de façades préservées.

C’est à Cambo-les-Bains, à 28 km de Saint-Jean-de-Luz que le père de Cyrano de Bergerac conçoit de toutes pièces la Villa Arnaga. A l’époque, Edmond Rostand est au sommet de sa gloire. Cyrano, présenté en 1897, est un triomphe ébouriffant. En 1900, L’Aiglon soulève le délire du public et de la presse. En 1903, Rostand est élu à l’Académie française. Ovationné, adulé, médiatisé, il a à peine 33 ans. Côté coulisses, c’est moins brillant. Sous ses allures de dandy raffiné et élégantissime, le poète dissimule des fragilités de dame aux camélias. Il est, comme on dit à l’époque, poitrinaire. Les médecins conseillent du repos et du bon air. Cap, avec femme et enfants, tout au sud, très loin, dans les Pyrénées. Au cours de ses promenades sur les hauteurs de Cambo, il avise un grand terrain à l’abandon. C’est le coup de c£ur. C’est ici que l’auteur de Chantecler veut son palais basque, inscrit dans le style du pays : grande demeure peinte à la chaux, soulignée de colombages rouge sang de b£uf. Il se substitue à l’architecte, dessine les plans, imagine les jardins à la française, des parterres, des jeux d’eau, une pergola inspirée du château de Schönbrunn à Vienne… Une folie. L’immense chantier est rondement mené et très vite tous les  » people  » de la Belle Epoque s’y donnent rendez-vous. Jean Cocteau, Anna de Noailles,  » la divine  » Sarah Bernhardt, le roi Alphonse xiii, d’Annunzio, les hommes d’Etat Herriot et Poincaré y défilent… Aujourd’hui, désertée par ses hôtes prestigieux, la villa Arnaga, si elle est moins mondaine, a gardé tout son charme. Soigneusement restaurée en 2006, richement décorée de marbres, fresques, lambris et tableaux, elle a su préserver toute l’ambiance de son époque glorieuse.

Barbara Witkowska

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