Sainte Dita icône glamour
Figure érotique à l’allure virginale, muse des plus grands créateurs pour son style anachronique…, la danseuse burlesque Dita Von Teese a livré toutes ses facettes à Weekend lors d’une interview et d’un shooting exclusifs à l’occasion de sa tournée avec M.A.C Cosmetics.
Avant de la rencontrer, on se demandait qui pouvait bien se cacher derrière cette femme qui prend autant de plaisir à s’habiller qu’à se déshabiller, qui se dit » performeuse » ou encore » danseuse burlesque « , qui hante les front row des défilés des plus grands couturiers lorsqu’elle ne se retrouve pas carrément elle-même sur le catwalk. Au cours du show haute couture été 2007 de Jean Paul Gaultier, présenté en janvier dernier à Paris, elle apparaît, auréolée telle une sainte, dans une robe longue en lamé or dénudée sur une épaule et baptisée » Macarena « .
Dans ses spectacles, dont un numéro qu’elle proposait en octobre dernier au Crazy Horse à Paris, elle finit quasi nue dans une coupe de champagne géante ou un grand verre de Martini. En tournée pour M.A.C Cosmetics dont elle est l’ambassadrice de la campagne Viva Glam (les bénéfices du Viva Glam lipstick sont reversés à la recherche contre le sida), elle présentait, le 14 mars dernier, à Anvers, devant un public trié sur le volet, le Lipteese Burlesque Performance, un show où, pendant quelques minutes, elle chevauche un rouge à lèvres géant.
Figure érotique à l’allure virginale, qui est vraiment Dita Von Teese ? » Je suis juste une blonde du Michigan « , dit-elle sans prétention. Une blonde du Michigan qui s’est teint les cheveux en noir, soigne son corps telle une £uvre d’art, entretient la blancheur de sa peau de manière obsessionnelle et s’est taillé un look de pin-up des années 1930 inspiré de l’actrice Betty Grable.
De son vrai nom Heather Sweet, Dita Von Teese se lançait à 18 ans comme strip-teaseuse dans un club de Los Angeles et posait pour des revues fétichistes afin de payer ses études en histoire du costume. En faisant sensation sur la cover de » Playboy « , il y a quatre ans, et en épousant la rock star Marilyn Manson, dont elle a divorcé un an après, Dita a réussi à se faire un nom dans le milieu de la mode et à s’ériger au rang de légende vivante. Assise au premier rang aux défilés de Dior ou encore de Marc Jacobs, dont elle est proche, de tous les red carpets, elle est incessamment mitraillée par les photographes pour son style anachronique.
A 34 ans, cette fille d’une esthéticienne et d’un machiniste est devenue la muse des plus grands couturiers, un mythe créé de toutes pièces. Une vraie success story à l’américaine qui, a priori, pourrait presque frôler l’imposture. Pourtant, lorsqu’on a la chance de rencontrer Dita Von Teese, on comprend mieux ce souci de l’apparence, ce jeu de la représentation et de l’illusion qui s’apparentent davantage au travail de l’esthète qu’à la simple préoccupation de la poupée bimbo, ce culte de la personnalité qui n’est pas le fruit d’un narcissisme démesuré mais exploite habilement tous les registres de la séduction. Dita est une héroïne d’un autre temps, une Marilyn version brune.
En exclusivité pour Weekend, Dita Von Teese a posé devant l’objectif de notre photographe Lalo Gonzalez révélant, en toute intimité, son charme presque juvénile. Au De Witte Lelie, un hôtel anversois à l’ambiance surannée, nous avons été séduits par une femme calme et posée au regard triste qui nous a raconté, en toute simplicité, sa vie, son £uvre, c’est-à-dire elle-même. Dans sa suite, après le shooting, elle a enfilé une petite robe noire. Autour d’une tasse de thé, échange plein d’humilité. Une rencontre, contre toute attente, éblouissante.
Weekend Le Vif/L’Express : Avez-vous apprécié ce shooting ? Quelle est la robe que vous avez préféré porter ?
Dita Von Teese : J’ai bien sûr beaucoup aimé la robe de Jean Paul Gaultier que j’avais déjà portée pour son défilé haute couture… mais je crois que ce que j’ai le plus apprécié, c’est d’enfiler la robe Dior. De tous les défilés Dior, c’est le dernier show haute couture qui est mon préféré.
Vous avez fait du strip-tease un spectacle artistique…
Je me souviens être allée dans un club de strip-tease et avoir constaté que tout le monde faisait la même chose : un spectacle érotique et sexuel. J’ai voulu proposer quelque chose de complètement différent et faire des shows avec mes propres vêtements. J’aimais faire des photos de pin-up et cela m’intéressait de le transposer en live. J’étais au départ une danseuse et j’avais un réel attrait pour les costumes, c’était donc pour moi l’occasion de me produire sur scène. Je savais que j’avais beaucoup de succès avec les hommes. J’étais curieuse de voir si, sur scène, je réussirais. La nudité ne me faisait pas peur. De toute façon, j’étais le genre de fille qui sortait en boîte habillée d’un corset et de bas à jarretelles, les lèvres maquillées de rouge à lèvres bien rouge. D’autre part, dans mes shows, je ne fais jamais l’intégrale.
Vous avez votre propre style et vous n’utilisez jamais de styliste…
Seulement pour les éditoriaux de mode dans les magazines. De nombreuses célébrités sont des icônes de mode sans même choisir elles-mêmes leurs vêtements ! Moi, j’aime acheter mes propres habits, parler aux designers, faire leur connaissance. Eux aussi apprécient le fait de connaître ma personnalité. Sinon, tout le reste, c’est du business. Certaines maisons paient les célébrités pour porter leurs robes. Moi je ne fais jamais ça. Il m’arrive d’arborer les mêmes chaussures lors de plusieurs soirées d’affilée et même de porter la même robe deux fois de suite. Si je n’étais pas danseuse, je crois que je serais styliste.
Que signifie pour vous » avoir du style » ?
Le style, c’est autre chose que la mode. C’est une façon personnelle de porter ses vêtements. Et cela ne change pas, ce n’est pas soumis aux tendances, ce n’est pas avoir les derniers must-have, c’est une façon de s’exprimer à travers ses vêtements.
Vous ne portez jamais de jeans, ni de joggings et encore moins de tennis…
Jamais, je ne peux pas me l’imaginer ! J’ai juste quelques pyjamas quand je voyage et que je souhaite me changer. Des pantalons, un pull et toujours un grand manteau.
Quels sont vos designers favoris ?
Moschino. Je peux m’habiller avec les vêtements de cette marque de la tête aux pieds. J’aime l’humour des collections. Je suis vraiment fan. J’aime aussi beaucoup Jean Paul Gaultier dont je porte volontiers les créations sur les tapis rouges. Son extravagance me séduit. Mais je préfère m’afficher avec la tenue du catwalk et non pas dans une version light. Je me moque si aux Etats Unis on me met sur la Worst Dressed List ( NDLR : la liste des personnalités les plus mal habillées).
Cela vous-est il déjà arrivée d’être inscrite sur la Worst Dressed List ?
Aux Etats-Unis, ils sont très » safe » dans leur style. Ils ont toujours besoin de rire de quelqu’un. Mes vêtements favoris ne sont pas forcément ceux que les rédactrices de mode apprécient le plus !
On vous a vue à la dernière cérémonie des oscars en Rodarte (NDLR : duo de stylistes new- yorkaises). Soutenez-vous aussi la jeune création ?
Oui, quand j’aime les créateurs. Rodarte, ce sont des filles géniales, j’adore ce qu’elles font. Pour la cérémonie des oscars, j’avais toutes ces robes signées par des grands designers et aucune ne me convenait. Alors, à la dernière minute, j’ai appelé les Rodarte, à 2 heures du matin, et j’ai enfin obtenu la robe parfaite.
Allez-vous porter du Jean Paul Gaultier au prochain festival de Cannes ?
(Elle réfléchit. ) C’est bien possible…
Vous êtes une icône de mode mais aussi une icône féministe qui a un message à délivrer…
C’est vrai qu’en tant que strip-teaseuse, cela paraît étrange d’avoir un message à délivrer. Mon propos vise à célébrer ce qui est différent dans chaque personne plutôt que ce qui est commun. On nous assène des canons de beauté : être blonde et bronzée, avoir l’air saine. Ce n’est pas forcément la vérité. Greta Garbo, Marilyn Monroe, Marlene Dietrich, ces femmes avaient du glamour. Vous ne pourriez pas imaginer Marilyn Monroe dans un café Starbucks avec un gobelet dans une main et une cigarette dans une autre. Mon message est le suivant : pour vous sentir bien, quel que soit ce que vous choisissez de porter, faites-le avec conviction. Ne vous préoccupez pas du regard des autres. Chaque femme peut être glamour, le glamour n’est pas seulement une question de beauté.
Votre façon de voir les choses réclame une vraie discipline…
Oui enfin, vous savez, en quinze minutes je peux être prête, je relève mes cheveux, je mets un top, une jupe ballon fifties, des ballerines de danseuse, des lunettes de soleil et un peu de gloss. Cela ne me prend pas plus de temps que d’enfiler un jeans, un tee-shirt et une casquette.
Il semble que votre £uvre d’art, ce soit vous ?
C’est exact. J’ai toujours tendance à citer la marquise Luisa Casati ( NDLR : muse et mécène, 1881-1957, des plus grands artistes du début du xxe siècle), cette femme très extravagante qui affirmait : » Je veux être une £uvre d’art vivante . » Moi je suis juste une fille blonde du Michigan. Toute ma personne est basée sur l’illusion. J’ai mis du glamour dans ma vie et créé cette illusion. Je ne suis pas prétentieuse, je suis toujours moi-même, mais j’ai envie que mon aspect extérieur soit similaire à celui d’une star de cinéma des années 1930-1940. Quand j’étais petite, je voulais ressembler à des femmes comme Marlene Dietrich.
Ne recherchez-vous pas une certaine forme de perfection ?
Je ne parlerais pas vraiment de perfection, mais plutôt de glamour. Quand une femme hors du commun entre dans une pièce, vous ne savez pas pourquoi, mais elle dégage quelque chose. Lorsqu’une femme est extravagante dans sa tenue vestimentaire, j’ai envie de lui parler, je veux savoir pourquoi elle porte un tel chapeau par exemple. Je trouve que c’est courageux d’être excentrique.
Quels sont vos projets ?
Je suis très excitée à l’idée de faire ce tour avec M.A.C et Viva Glam. En tant que célibataire, je trouve utile de participer à la lutte contre le sida. J’aime beaucoup l’idée d’être célibataire à nouveau. Je vais redécorer ma maison, contacter les amis que j’ai parfois négligés. J’ai plus de temps et d’énergie, c’est un moment très positif de ma vie.
Production : Audrey Heselmans.
Photographe : Lalo Gonzalez.
Assistant photographe : Jonas Van Schoote
Make-up : Dave Stellar pour M.A.C
Hair : Filbur@Touch by Dominique
Remerciements à l’hôtel De Witte Lelie à Anvers.
Carnet d’adresses en page 81.
Propos recueillis par Agnès Trémoulet
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