Catastrophe. Un mythe s’effondre. Je viens d’apprendre la vérité sur la  » sainte glace « , madone de givre rappelant cruellement à l’ordre les jardiniers trop pressés grisés par les premiers beaux jours.

Négligeant la menace d’une dernière gelée, ils sont de plus en plus nombreux à démarrer leurs plantations avant la date fatidique du milieu du mois de mai, célèbre  » sainte glace  » synonyme d’un ultime frimas.

J’ai failli craquer moi aussi, il faisait tellement beau ces derniers jours. Au diable les dictons, me suis-je dit en admirant une caissette de jolis pétunias blancs devant la boutique de la fleuriste.

Ce n’est pas trop tôt, n’est-ce pas ?, lui ai-je demandé avec un sourire hypocrite, à l’image des enfants prêts à vider le pot de confiture avant d’être saisi d’un dernier doute…

 » Je peux tout manger avec les doigts maman ? ? ? ? ? Tu ne vas pas me gronder bien sûr… « 

A mon âge, vraiment, je suis ridicule. Quelle idée idiote de demander son assentiment à la marchande avant d’acheter ses fleurs, comme si elle allait me refuser la permission de planter….

Son verdict a été sans appel.

Prenez un petit pot si vous voulez mais certainement pas la caisse. Il faut attendre la  » sainte glace « … m’a-t-elle répondu gentiment.

Aie ! Je suis prise sur le fait de mon impatience, recalée par le bon sens populaire.

De retour chez moi, frustrée de mes pieds de pétunias, je réalise que personne dans le village n’a encore  » fait ses bacs « …

Cette  » sainte glace  » est-elle donc si terrifiante ?

Sur Google, la réalité éclate. C’est une confusion phonétique qui a métamorphosé les trois  » saints de glace  » – saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais – en  » sainte glace « . Fêtés respectivement les 11, 12 et 13 mai, ces trois compères sont associés à une baisse de température enregistrée régulièrement au nord de l’Europe à cette période de l’année.

Plus grave encore, pour lutter contre tout relent de paganisme auquel ce  » pouvoir  » météorologique aurait pu être associé, le Vatican a décidé de faire disparaître ces patronymes encombrants. Depuis 1960, Estelle, Achille et Rolande ont pris leur place. Pauvres saints de glace doublement frustrés, de leur sexe et du calendrier. Promis, en leur mémoire je ne tenterais plus jamais rien avant l’heure.

(*) Chaque semaine, la journaliste et écrivain Isabelle Spaak (Prix Rossel 2004 pour son roman d’inspiration autobiographique Ça ne se fait pas, Editions des Equateurs) nous gratifie de ses coups de c£ur et coups de griffe.

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